Le Bataclan - Un bel article

Discuter, bavarder de tout ce qui ne concerne pas l'ésotérisme, la voyance...

par SaphirBleu » Lun 07 Nov 2016, 16:33

Bonjour à tous,

Voici un bel article paru dans le magazine ELLE, un beau témoignage d'Aurélie Silvestre qui a perdu le père de ses 2 enfants au Bataclan...une belle leçon de survie ! Elle a su tirer de ce drame un livre puissant intitulé : " Nos 14 novembre"

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Elle arrive d'un pas léger, silhouette joliment dessinée, blonde comme un jour de soleil. Elle parle d'une voix douce et forte à la fois. Difficile d'imaginer qu'il y a un an à peine Aurélie Silvestre, mère d'un petit garçon de 3 ans et enceinte de 5 mois, perdait l'homme de sa vie et le père de ses enfants, fauché par plusieurs balles au Bataclan. Après plus de dix ans d'amour avec Matthieu Giroud, professeur de géographie, âgé de 38 ans, l'existence d'Aurélie a basculé en une nuit dans l'horreur. Après la sidération, la jeune femme a dû apprivoiser l'absence, s'occuper de Gary, mettre au monde Thelma, vivre, quoi. C'est ce qu'elle raconte dans un livre magnifique et bouleversant, « Nos 14 novembre ». Sa pudeur y cache à peine une force de caractère inouïe. Une sacrée leçon de survie.

ELLE. Pourquoi ce titre : « Nos 14 novembre » ?

Aurélie Silvestre. Parce que chacun peut l'interpréter comme il le veut, et parce qu'il m'implique moi, mes enfants, et le reste du monde. Que fait-on le lendemain d'un soir pareil ? Moi, mon année n'a été qu'une succession de 14 novembre, comme si le calendrier s'était soudainement arrêté sur cette journée. Depuis la disparition de Matthieu, je vis au jour le jour, c'est un réflexe de défense, c'est trop angoissant de penser à l'avenir. Du coup, les choses se font et les émotions s'accueillent, plus qu'elles ne s'anticipent.

ELLE. C'est pour vos enfants Gary, 4 ans, et Thelma, 7 mois, que vous avez écrit ?

Aurélie Silvestre. J'ai d'abord écrit pour moi, pour « déposer mon histoire », car plus le temps avance, plus les souvenirs s'estompent. Et puis aussi, bien sûr, je voulais que nos enfants sachent combien leurs parents se sont aimés. Enfin, j'aime l'idée qu'une partie de Matthieu habite un livre.

ELLE. Vous vous décrivez souvent comme spectatrice, était-ce aussi une façon de vous réapproprier votre histoire ?

Aurélie Silvestre. Oui, c'est vrai, tout est devenu irréel. Le 15 novembre, je me souviens avoir allumé la télé et entendu une voix raconter à propos d'une victime : « Il avait un enfant de 3 ans et allait avoir une petite fille au printemps. » Je me suis dit : « Mon Dieu, sa pauvre femme », alors qu'en fait c'était moi.

ELLE. Parfois, la réalité vous rattrape, comme lorsque vous avez dû choisir des vêtements pour l'enterrement de Matthieu...

Aurélie Silvestre. Oui, comment doit-on habiller son homme pour l'éternité ? J'étais dans son dressing, hébétée par mon incommensurable chagrin, et tout cela n'avait aucun sens. J'ai vécu ces journées comme un automate.

« LE MATIN DU 13 NOVEMBRE, JE LUI AI ENVOYÉ UN TEXTO OÙ JE LUI ÉCRIVAIS QUE JE L'AIMAIS ET QU'IL ÉTAIT UN PÈRE FORMIDABLE. »

ELLE. Vous avez vécu une belle histoire avec Matthieu, racontez-nous...

Aurélie Silvestre. J'avais 22 ans lors de notre rencontre dans un train. Lui, 26. Nous avons eu besoin de temps, car nous étions différents. Il était calme, je suis plus volcanique. Il était patient, moi pressée. Mais, alors qu'on était ensemble depuis cinq ans, il m'a donné un magnifique poème écrit le jour de notre rencontre. Il faut croire que c'était donc une évidence. Le matin du 13 novembre, je lui ai envoyé un texto où je lui écrivais que je l'aimais et qu'il était un père formidable. Il était très heureux ce jour-là, lui qui était de nature discrète.

ELLE. Avez-vous cherché à savoir ce qui s'est passé ce soir-là ?

Aurélie Silvestre. Non. Les causes de l'absence m'importent peu. Elles ne sont d'aucun réconfort. Il y a peu de temps, j'ai dîné avec des amis, dont une fille qui était au Bataclan. Elle m'a fait comprendre que je pouvais lui poser des questions. Je lui ai dit : « J'en ai juste une, c'était comment ce concert ? » Elle m'a répondu : « C'était un putain de concert ! » C'est con, mais j'en ai des frissons.

ELLE. Comment avez-vous annoncé à votre fils la disparition de son père ?

Aurélie Silvestre. Je n'ai pas voulu mentir à Gary ni édulcorer la vérité. Je lui ai dit : « Papa est mort. » Il s'est effondré, a hurlé, pleuré. Il a tout de suite compris. Après, cela lui arrivait de faire des crises de colère qui terrifiaient tout le monde. Moi seule pouvais le calmer. Je garde cette image de moi, le plaquant au sol avec mon gros ventre, pour qu'il ne blesse personne. Aujourd'hui, il va bien. Nous apprivoisons notre histoire. Il est extraordinaire, vous savez !

ELLE. Vous avez été très entourée, c'est ce qui vous a fait tenir ?

Aurélie Silvestre. Oui. J'ai eu la chance d'être très soutenue. Je suis forte de ça. Mais je pense que l'amour ne résout pas tout, et que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Il m'a fallu mettre à distance l'angoisse des autres. Et apprendre à compter sur moi. Tenir et rester maître à bord.

ELLE. Vous êtes repartie chez vos parents pour accoucher de Thelma...

Aurélie Silvestre. C'était une anormalité de plus dans ce qu'était devenue ma vie. Cela n'a aucun sens de reprendre le statut d'enfant au moment d'enfanter soi-même, mais je n'avais vraiment pas le choix. Et puis, la naissance de Thelma a été un pur moment d'apaisement. J'avais hyper confiance en elle. Elle est arrivée sereinement. C'est la vie qui gagne, nous sommes un miracle !

ELLE. Vous n'avez surtout pas voulu être un symbole, pourquoi ?

Aurélie Silvestre. J'ai eu conscience qu'avec mes cheveux blonds, mon rouge à lèvres, mon fils de 3 ans et mon gros ventre, je pouvais avoir une tête de symbole. Mais je n'ai pas le sentiment de représenter « la génération Bataclan ». Je le suis, autant que j'ai été Charlie, juive, vieux prêtre, policier ou militaire. Je me sens libre, c'est ce qui fait de moi une cible. Je ne fais partie d'aucune association de victimes. Ceux qui me portent sont mes amis, mon « keep walking crew ».

ELLE. Comment ressentez-vous le regard des autres ?

Aurélie Silvestre. Je sors peu le soir parce que mes enfants ont encore besoin de me sentir auprès d'eux. Mais lorsque ça m'arrive, je sens, parfois, que je suis juste la fille dont le mec est mort au Bataclan. Si l'on me demande : « Comment peut-on t'aider ? », je réponds : « En me donnant de la vie ! Et en me servant un verre lorsque j'arrive ! »

ELLE. Vous puisez votre force, dites-vous, dans la beauté de ce monde ?

Aurélie Silvestre. C'est ce qui me sauve. J'ai palpé la folie du monde, à défaut de la comprendre et de pouvoir l'arrêter. Le lendemain, alors que l'homme de ma vie venait de mourir sous les balles des terroristes, j'ai traversé Paris pour me rendre au centre de crise de l'École militaire. Ce matin-là, j'aurais pu ne rien voir. Et pourtant, j'ai vu le soleil se lever sur la grande roue, place de la Concorde, c'est un résidu de beauté qui m'a fait basculer. À ce moment précis, j'ai décidé que j'allais continuer à vivre.

ELLE. À la fin de votre livre, vous écrivez : « J'aime comme avant », c'est dire...

Aurélie Silvestre. Tout cela aurait pu me terrasser, m'abattre définitivement, mais non. Mes enfants vont bien, je vais bien. Mon quotidien est loin d'être simple, mais je suis « debout » et je sais que ma capacité à aimer est intacte. Elle est même décuplée.

ELLE. Vous n'avez donc pas changé ?

Aurélie Silvestre. Moi non, mais ma perception du monde, oui. Tout est plus dense. Je connais le prix de la vie, j'en ai perdu une, celle de l'homme de ma vie, j'en ai donné une autre dans la foulée. Donc là, on ne déconne plus ! On peut facilement s'endormir dans nos petites vies, ronchonner, se perdre. Avec ce qui m'est arrivé, je me suis bien réveillée, et je vais garder les yeux grands ouverts.

ELLE. Vous avez fait une promesse à Matthieu ?

Aurélie Silvestre. Oui, que nous serons heureux. Je lui dois bien ça.
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par reinesagem » Lun 07 Nov 2016, 19:42

Voilà un témoignage assez bouleversant et en même temps il y a tellement d'espoir.
Cette femme c'est une ode à la vie, à l'Amour et au futur.
Je l'admire car elle juste fait preuve d'un courage magnifique et d'une humilité magnifique.
Quel exemple...
Je vois, je regarde, je m'imprègne de la vie, mais surtout j'écoute...et j'apprends
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par rouge pivoine » Mar 08 Nov 2016, 09:21

Il y a des personnes qui grandissent dans ce genre de catastrophe,je crois que je n'aurais pas eu ce courage mais quand on porte la vie il faut penser aussi aux enfants qui ont besoin du parent survivant.
carpe diem
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par Kinthia » Mar 08 Nov 2016, 20:36

C'est très beau, très digne, très pur... Elle fait souvent les plateaux télé, mais jamais en s'effondrant ou en jouant la comédienne... Beaucoup ont sorti des livres.
Pour des consultations privées, RV ici


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par Flowerssss » Mer 09 Nov 2016, 23:01

Article très touchant et poignant
Merci pour ce partage
ça fait réfléchir....
"C'est toujours par des hasards que l'on accomplit son destin."

Pour des voyances plus complètes, contactez Kinthia et Rouge Pivoine sur :
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