récapitulatif:
1.vivre heureux à deux
2.transfert et droit de vivre
3.querelles et chicanes dans le couple
4.fuir ou affronter ses difficultés
5.Apprendre à m'aimer (Sortir de la dépendance affective)
6:Transfert et conquête de l'autonomie
et le 7 très intéressant, on est tous concerné un jour je crois....

:
Vouloir changer son conjointPar Michelle Larivey , psychologue
"Résumé de l'article
Cet objectif consomme souvent une énergie considérable tout en engendrant des frustrations énormes chez les deux conjoints. Quelles sont les raisons cachées qui nous poussent à déployer des efforts soutenus à cette fin? Nous verrons dans ce texte comment le fait de mettre l'accent sur le changement du conjoint est la plupart du temps un moyen d'éviter les sujets cruciaux.
Table des matières
o Introduction
o A- Changements involontaires et changements volontaires
o B- Les motifs d'évitement
o C- Les motifs de croissance
o D- Les motifs de confort
o Conclusion
Introduction
Existe-t-il des couples où les partenaires ne désirent pas des changements substantiels chez l'autre? Cet objectif consomme souvent une énergie considérable tout en engendrant des frustrations énormes chez les deux conjoints.
Pourquoi insister pour changer l'autre? Quelles sont les raisons cachées qui nous poussent à déployer des efforts soutenus à cette fin? Qu'y a-t-il de si important dans cette volonté pour justifier les crises et même les séparations qu'elle provoque? On poursuit ce but comme s'il s'agissait de la clé du bonheur; est-ce le cas ou s'agit-il là d'une idée chimérique?
Nous verrons dans ce texte comment le fait de mettre l'accent sur le changement du conjoint est la plupart du temps un moyen d'éviter les sujets cruciaux. Cette façon de traiter nos insatisfactions sert souvent à demeurer inconscient d'un besoin ou à nous soulager de la responsabilité de le satisfaire. Même lorsque nous recherchons surtout la croissance, l'entêtement à attendre le changement de l'autre reste souvent motivé par un souci d'évitement.
Cet article vise à encourager la réflexion et l'auto-évaluation de celui qui, paralysé devant des insatisfactions importantes, considère que son bonheur repose sur l'ouverture de son conjoint à changer. J'espère apporter ici un éclairage qui le préservera des pièges découlant de la poursuite de cet objectif et qui découragera les tentatives stériles qui drainent l'énergie de plusieurs couples.
A- Changements involontaires et changements volontaires
1- Exemples de changement involontaire
Charles a énormément souffert du manque d'affection de sa mère. Pourtant, il repousse toujours son épouse lorsqu'elle l'enlace ou l'embrasse. Il s'impatiente et la rabroue. Petit à petit celle-ci se détourne de lui (et reporte sa tendresse sur leurs enfants). Aujourd'hui Charles se plaint de sa froideur qui, selon lui, ressemble à celle de sa mère.
Nadia, autrefois battue par son père, l'est aujourd'hui par son mari. Ce dernier était pourtant peu enclin à la violence, mais il perd parfois le contrôle, allant jusqu'à la frapper.
Ni Nadia, ni Charles n'ont désiré consciemment ce changement d'attitude de leur partenaire. Tout ce que Charles demandait, c'est que son épouse cesse de «l'assaillir» de ses caresses. Quant à Nadia, elle voulait simplement un mari plus ferme et plus affirmé. Ni l'un ni l'autre n'a prévu ni perçu l'ampleur du changement qu'ils ont amorcé.
Le changement s'est produit lentement, imperceptiblement. C'est seulement avec le recul qu'ils peuvent en constater l'ampleur. Cette transformation n'a pas été l'oeuvre de la persuasion, de pressions ou de demandes réitérées mais tout simplement la conséquence d'une attitude récurrente, de comportements répétitifs auxquels l'autre s'est finalement adapté (en trouvant une solution qui lui permette de respecter ses propres besoins).
C'est ainsi qu'on peut provoquer un changement important et parfois irréversible sans l'avoir visé consciemment et sans en avoir prévu les conséquences. Mais même si nous l'avons provoqué, la plupart du temps il ne nous satisfait pas pleinement.
Davantage esseulé, Charles souffre du manque d'affection de sa compagne.
Nadia a maintenant la nostalgie de l'homme tendre d'autrefois.
C'est le scénario qu'on voit le plus souvent: le problème disparu est remplacé par un manque. Le malaise qui motivait Charles et Nadia constituait une opportunité de régler un problème crucial de leur vie; le manque qu'ils éprouvent maintenant est lui aussi une invitation à le confronter. S'ils acceptent aujourd'hui de ressentir la privation et les émotions qu'elle provoque, il pourront faire le travail sur eux-mêmes qui leur permettra de sortir de l'impasse.
2- Exemples de tentatives de changement volontaire
Les changements involontaires sont importants et ils ont des répercussions sérieuses sur la vitalité du couple, mais ils ne sont pas les plus fréquents. Ce sont plutôt les changements précis qu'on tente systématiquement d'obtenir malgré les résistances du conjoint qu'on rencontre le plus souvent.
Lucie persiste depuis cinq ans à souhaiter que son mari abandonne l'alcool. Elle ne rate aucune occasion de lui faire la morale à ce sujet.
Depuis le début de son mariage Philippe souffre de la jalousie de sa femme. Il a cru qu'en se pliant aux désirs de celle-ci, il réussirait à la convaincre de son amour et à la rassurer sur sa fidélité. Depuis plus de quinze ans il rêve de liberté; il est maintenant au bord de la dépression et sa femme le harasse plus que jamais.
Contrairement au changement involontaire, c'est ici un comportement précis qu'on recherche: Lucie veut un homme sobre tandis que Philippe désire une femme qui le laisse libre. La précision de l'objectif ne semble pourtant pas contribuer à l'efficacité de sa poursuite, bien au contraire.
Qu'est-ce qui motive les conjoints à persévérer dans cette recherche infructueuse et cette attente? Qu'est-ce qui se cache derrière le désir (conscient ou non) de changer l'autre? Les prochaines sections tenteront de répondre à cette question en présentant les trois genres de motifs que je peux distinguer.
B- Les motifs d'évitement
Lorsque nous développons des liens intimes et étroits avec une personne, c'est parce qu'elle possède des caractéristiques qui nous permettent de répondre à des besoins cruciaux ou parce que nous espérons y parvenir. Même si cette personne possède plus de qualités qui nous conviennent que de caractéristiques qui nous déplaisent, il demeure que certains aspects de sa personnalité nous conviennent moins, nous indisposent ou même nous heurtent.
Ce déséquilibre est inévitable dans toute relation durable car l'autre est différent de nous. Ses actions ne nous conviennent pas toutes. Certaines nous menacent, d'autres nous confrontent à nos limites ou nous présentent des défis importants. Voici les principaux motifs d'évitement qui peuvent nous amener à désirer un changement chez notre conjoint.
1. Retrouver l'équilibre perdu
Chacun de nous a consacré beaucoup d'énergie à construire sa personnalité. L'identité à laquelle nous parvenons est bien adaptée aux exigences des personnes qui ont joué un rôle important dans notre développement, surtout celles de nos parents. Nous avons développé une personnalité adaptée à la leur et à la dynamique de notre famille. Nous y sommes parvenu grâce à différentes accommodations et adaptations dont certaines ont été coûteuses pour notre santé mentale.
Le partenaire qui pénètre dans notre intimité est nécessairement différent des parents auprès desquels nous avons appris à vivre. Non seulement il ne peut en être autrement parce que chaque personne est unique, mais il y a en plus le fait que nous recherchons cette différence. C'est sur celle-ci que nous comptons pour combler, avec cet être, les besoins auxquels nous n'avons pas trouvé réponse dans notre contexte familial.
Mais en même temps, cette différence nous confronte en ébranlant nos certitudes et en déséquilibrant nos habitudes. Une des raisons principales qui nous poussent à changer l'autre, c'est le désir de retrouver l'équilibre préalable. Nous allons si loin dans cette direction qu'il nous arrive souvent de reproduire avec notre conjoint les rapports dont nous avons souffert avec notre parent. Pourtant, nous avions choisi notre partenaire pour ses différences par rapport à ce parent. C'est ce type de changement qu'on trouve dans les exemples de changement involontaire illustrés par Charles et Nadia.
2. Esquiver le malaise (et la douleur qu'il cache)
Charles a provoqué l'éloignement de son épouse parce qu'il n'est pas à l'aise dans un contexte d'affection. Au fond, il a une piètre estime de lui-même et ne pense pas mériter d'être aimé. C'est pour se soustraire à ce malaise qu'il repoussait sa femme. S'il avait choisi, au contraire, de tolérer son inconfort pour devenir conscient de ce que celui-ci dissimulait, il aurait pu régler son problème tout autrement.
Il aurait dû accepter de traverser une période difficile pour travailler sur cette question. Le malaise aurait d'abord fait place à son impression d'être minable ainsi qu'à une énorme peine liée à la froideur de sa mère. Il aurait alors pu explorer ces sentiments à travers sa relation avec son épouse. Mais par crainte de vivre de telles émotions (qu'il juge infantiles) devant sa femme, il a choisi de repousser cette dernière et par la même occasion, les sentiments qui le dérangeaient. La peur de l'humiliation et d'afficher sa vulnérabilité l'a emporté sur sa volonté de régler ce problème.
Il en est de même de Nadia. Si elle avait accepté de ressentir les émotions provoquées chez elle par les égards de son mari et le respect qu'il lui vouait, tout aurait pu tourner autrement.
Inconfortable devant ces marques de considération, elle trouvait alors le moyen de l'agresser. C'est par exemple dans les moments où il était particulièrement tendre qu'elle l'attaquait avec sa litanie de reproches. L'humiliation et le mépris étaient alors ses armes favorites. Son attitude vindicative lui permettait d'esquiver son inconfort. Une piètre estime d'elle-même l'empêchait d'accepter les égards de son mari sans devenir très émue, ce qu'elle fuyait comme la peste. Mais lorsque son mari devint aussi odieux que son père l'avait été autrefois, elle se mit à ressentir le manque.
3. Éviter de prendre son besoin en mains
Lucie mène une existence misérable avec son mari alcoolique. Malgré les signes de détérioration qu'elle observe régulièrement, elle ne décroche pas de son idée de le faire cesser de boire. Lorsqu'elle réfléchit un tant soit peu au réalisme de son attente, elle se rend compte qu'elle ne croit aucunement à une amélioration, du moins pas dans un avenir rapproché. Pourtant elle le talonne sans répit.
Lucie choisit de consacrer son énergie à réclamer le changement de son époux plutôt que de s'occuper d'améliorer la qualité de sa vie. Elle fait porter la responsabilité de son insatisfaction à son mari et le punit en l'abîmant d'injures les jours où elle n'en peut plus. Il est facile de comprendre qu'elle soit immensément déçue du penchant de son mari et de la tournure qu'à pris leur vie à deux. Mais sa persévération dans cette quête stérile témoigne de l'ampleur de sa résistance à prendre son sort en mains.
Philippe fait le même choix que Lucie. Vingt années de tentatives infructueuses sont la preuve de la stérilité des efforts pour changer le comportement et les convictions de sa femme. Mais il ne peut se résigner à vivre toutes les émotions qui l'assailliraient s'il la quittait. Il ne peut se résoudre à vivre les confrontations que déclencherait certainement son choix de vivre librement sa vie, malgré les crises de jalousie de son épouse. Sa résistance à prendre ses besoins en charge est si forte qu'il choisit de mourir plutôt à petit feu dans la dépression. (Voir «Transfert et conquête de l'autonomie».)
4. Éviter la différence
Vivre à deux comme si on était seul
Une des principales raison de discordance dans les couples est le désir de vivre à deux comme si on était seul. Il est alors difficile d'accepter que l'autre ait des goûts bien à lui, des manières qui lui sont particulières et même des besoins différents.
Éviter la différence
Il préfère le pain blanc mais il devrait faire attention à sa santé et manger du brun comme moi!
Il aime regarder la télé au retour du travail... c'est sa manière de se détendre. Il devrait plutôt adopter mon moyen de détente: la lecture. C'est beaucoup mieux pour l'esprit!
Elle est toujours disponible pour faire le taxi pour les enfants. Elle devrait plutôt faire comme moi et les laisser se débrouiller.
Elle dépense sans se soucier de l'avenir. Elle devrait être plus économe et planifier sa retraite. Comme moi, en somme!
Mais la différence n'est pas toujours un inconvénient; elle nous convient sous certains aspects et nous dérange sur d'autres. Parfois même cela dépend du moment ou de l'importance qu'elle prend.
Les talents de bricoleur de mon mari nous sont fort utiles mais je n'aime pas qu'il passe tant de temps dans son atelier. Ça me conviendrait mieux s'il était moins passionné de cela. Je fais donc des pressions pour qu'il se trouve un hobby qui m'inclue (en général je ne songe pas à m'inclure moi dans le sien!).
J'aime bien que ma femme soit affirmative, mais je ne tolère pas qu'elle s'adresse à moi sur un ton autoritaire. Son caractère passionné me stimule mais je le déteste lorsqu'il s'agit d'émotions «négatives», surtout à mon égard. J'entreprends alors de la neutraliser.
Nous oublions parfois que chaque personne forme un tout unifié et qu'il lui est impossible d'extraire une partie de ses caractéristiques sans que le reste de sa personne en soit affecté. Si par exemple elle s'efforce de diminuer l'intensité de ses émotions «négatives», il est certain que l'ensemble de sa vie émotionnelle en sera hypothéquée. Car la vie émotionnelle n'est pas compartimentée; elle fonctionne comme un tout. Tenter d'empêcher l'existence de certaines émotions c'est par le fait même restreindre notre capacité de ressentir toutes les autres.
Comme pour tous les organismes vivants, chaque changement opéré a des répercussions sur d'autres dimensions: l'organisme se rééquilibre. C'est ce qui explique l'émergence de changements imprévus, comme dans les deux premiers exemples (Charles et Nadia). Triste, déçue et en colère, la femme de Charles a trouvé une solution compensatoire: reporter toute son affection sur ses enfants. Humilié, le mari de Nadia a choisi la force physique pour se faire entendre.
Mais la volonté d'obtenir des changements chez notre partenaire est si forte, nos efforts pour qu'il neutralise ses effets sur nous ou pour qu'il adopte notre image sont parfois si insistant qu'on a l'impression d'une rééducation, d'un remodelage complet.
Il arrive parfois que cette influence soit appréciée. Elle agit alors comme un incitatif qui favorise un changement que la personne souhaitait déjà plus ou moins. Par exemple:
Sous son influence, mes velléité de faire de l'exercice se sont transformées en projet réel. Je lui en suis reconnaissante.
Ses encouragements m'ont incité à me remettre à la peinture. J'en suis très heureuse.
Dans la plupart des cas, c'est par docilité, pour plaire ou pour avoir la paix que le conjoint se laisse influencer voire façonner. Les plus rebelles résistent, souvent au plus grand étonnement du conjoint. Celui-ci ne comprend pas car, à ses yeux, c'est une véritable amélioration de sa condition qu'il propose.
Ma manière est meilleure que la tienne
C'est sur cette opinion, rarement exprimée aussi clairement, que repose la volonté de faire changer l'autre. Il s'agit d'une opinion bien subjective et c'est pourquoi elle échoue la plupart du temps car le conjoint est également convaincu que sa manière est la meilleure. L'exemple par excellence est sans doute celui de la divergence concernant l'éducation des enfants.
Marie trouve Benoît trop sévère avec les enfants. Il est trop rigide et les punit fortement pour un rien. Ça lui fait toujours mal au coeur de les voir souffrir.
Mais Benoît croit sincèrement que les enfants doivent vivre avec les conséquences de leurs actes en tout temps. Il trouve Marie trop complaisante à cet égard.
Il est certain que ni Marie ni Benoît ne changeront sur ce point; leurs positions respectives reposent sur un trop grand nombre de facteurs pour que la simple raison puisse les influencer. Parmi ces facteurs, on peut mentionner:
l'influence de leur propre éducation (Benoît est un ancien militaire, Marie est fille unique élevée par sa grand-mère);
leurs propres besoins (v.g.: avoir de l'autorité est primordial pour Benoît alors que cela a peu d'importance pour Marie; Marie cherche à se faire aimer des enfants alors que Benoît désire avant tout être respecté);
leurs propres évitements (Marie n'aime pas les conflits alors que Benoît est confortable dans la confrontation);
des préférences individuelles (Marie aime le calme, Benoît aime l'action);
et même les dernières valeurs à la mode (comme les combinaisons alimentaires et les jeux non violents).
5. Éviter une réalité existentielle
Parfois, la tentative d'influence se met au service d'une déni existentiel. Elle sert par exemple à entretenir l'illusion de la perfection ou de la fusion. Voici deux illustrations relativement typiques dans la vie de couple.
Johanne est très proche de sa famille et déplore le peu d'intérêt de Ludovic pour la fréquenter. Ce dernier lui a pourtant expliqué à maintes reprises qu'il n'a d'atomes crochus avec personne et que ces visitent l'ennuient. Ceci n'empêche pas Johanne d'insister. Fais-le pour moi alors!
Laurence réagit agressivement chaque fois que son mari lui fait une critique. Il lui arrive même de le bouder durant plusieurs jours pour lui faire savoir combien elle a en horreur d'être critiquée ou prise en défaut.
Johanne demande à Ludovic de se sacrifier pour elle. Pourquoi? Après avoir allégué qu'elle se sacrifie elle-même souvent pour lui, elle répond qu'elle apprécie sa présence et que sa visite sera plus agréable s'il l'accompagne. Elle n'ajoute probablement pas que l'écart entre leurs besoins la force à assumer sa «solitude existentielle». Or cette solitude soulève chez elle une grande anxiété lorsqu'elle se fait sentir.
Donc en fait, ce qu'elle réclame de Ludovic, c'est qu'il participe à son «déni de solitude». S'il le fait, elle aura moins conscience de sa solitude comme être humain; une réalité qui lui apparaît clairement lorsque son mari n'a pas les mêmes besoins ou les mêmes désirs qu'elle.
Laurence est aux prises avec un désir de perfection (évidemment impossible à atteindre). Elle le constate péniblement chaque fois qu'elle subit une critique. Si elle réussissait à empêcher tous les jugements des autres et en particulier ceux de son mari, elle pourrait peut-être conserver l'illusion d'être irréprochable et toujours adéquate.
Elle est aux prises avec un «déni de la finitude» qu'elle perpétue en consacrant son énergie à contester ceux qui lui la blâment ou la critiquent plutôt qu'à examiner l'effet qu'exercent sur elle les jugements et les reproches. La vigueur avec laquelle elle combat la critique est le reflet de l'importance de son déni.
C- Les motifs de croissance
Les autres jouent un rôle primordial dans la satisfaction de la plupart de nos besoins. Ceci est particulièrement vrai pour les besoins affectifs. Il est normal de souhaiter satisfaire ces besoins avec notre conjoint et c'est d'ailleurs surtout sur la base des besoins mutuels que nous choisissons quelqu'un pour partager notre vie.
1- Toute demande renferme un besoin
La demande est toujours la manifestation d'un besoin. Elle met de l'avant une réponse possible à ce besoin; une action de l'autre qui pourrait servir à le combler. Le lien entre cette action et le besoin est plus ou moins clair. Il peut être relativement direct mais il est souvent très peu apparent ou même strictement symbolique.
La partie émergéeLe besoin d'un contact réel qui soit nourrissant affectivement s'exprime souvent à travers la demande suivante:
Écoute-moi, parle-moi de toi, parlons des vraies choses au lieu de banalités, sois franc avec moi. Partage tes soucis et tes plaisirs avec moi.
Le besoin d'affection peut s'exprimer par des demandes du genre de celles-ci:
J'aimerais que tu t'intéresses à ce que je suis, à ce que je fais. Sentir que j'ai de la valeur à tes yeux, que tu m'apprécies. Avoir de la tendresse, recevoir des marques d'affection.
Besoin d'être en relation avec un être complet (l'inverse de la recherche d'une copie conforme à soi-même) s'exprime à travers des demandes telles que:
J'aimerais que tu te tiennes debout, que tu me dises quels sont tes besoins plutôt que de toujours acquiescer à ce que je propose. Je souhaite que tu manifestes tes goûts, tes préférences, que tu saches me dire non, que tu sois quelqu'un quoi!
Le besoin d'être apprécié comme homme ou femme, d'être confirmé comme attirant sexuellement prend souvent la forme de gestes de séduction auxquels on espère une réponse.
Je voudrais que tu sois folle de moi, que tu me désires, que tu n'aies d'yeux que pour moi.
J'aimerais que tu me trouves belle et désirable. Je ne veux pas que tu regardes les autres femmes. J'ai peur que tu éprouves du désir pour une autre ou que tu en trouves une autre plus attirante.
Les besoins affectifs font partie de la vie et sont constamment présents. Ils sont plus aigus lorsqu'ils ne sont pas assouvis, mais nous pouvons aussi les détecter à travers le satisfaction que nous éprouvons au contact de l'être aimé. Toutefois ils ne sont pas toujours comblés à notre entière satisfaction. C'est alors que l'effort pour changer l'autre prend le plus d'importance.
2- Le camouflage du besoin
Bien que les besoins affectifs (comme les besoins physiques) fassent partie de la vie, certains les jugent infantiles ou trop intenses. Ils se jugent alors trop dépendants et cherchent à se débarrasser de cette dépendance en adoptant une attitude contraire. Non seulement ils comptent sur leur conjoint pour prendre l'initiative de combler leurs besoins, mais encore ils cherchent à se compromettre le moins possible. Aussi, plutôt que d'afficher la vulnérabilité qui va de pair avec le besoin et la dépendance qui en fait partie, ils donnent des ordres, passent des commandes précises ou encore usent de reproches. Ces manières indirectes de manifester leurs besoins leur permettent de sauver la face en paraissant «au-dessus de leurs affaires».
Pour atteindre une réelle satisfaction il est préférable d'exprimer le besoin à l'état pur. En effet, cela laisse au conjoint le loisir d'y répondre dans ses propres termes au lieu de le condamner à se conformer à la demande précise qui lui est faite (et qui souvent ne lui convient pas). Ainsi beaucoup de conjoints n'achèteront jamais de fleurs à l'objet de leur amour. C'est autrement qu'ils aiment manifester leurs sentiments. De la même manière, les commandes de «petits baisers» (preuve que tu m'aimes) ne conviennent pas à tous. Certains désirent prouver autrement et surtout, à l'heure qui leur convient.
On peut dire qu'en procédant par commandes précises et qu'en camouflant soigneusement le besoin nous agissons sur le comportement de notre conjoint. Nous cherchons à le «changer» plutôt que changer nous-même en acceptant d'assumer ouvertement notre besoin.
D- Les motifs de confort
Très souvent, les exigences par rapport au conjoint sont présentées sous le prétexte de la recherche du confort. Mais en réalité, peu de demandes de changement sont vraiment de cette nature. Le choix de la cible visée est l'indice le plus évident pour en venir à cette conclusion
Examinons un exemple très délicat mais tout aussi fréquent dans la vie d'un couple: l'entretien de la maison ou le partage des tâches.
Claudine souffre énormément du laisser aller de son mari. Elle se plaint de son manque d'ordre, du fait qu'il ne voit pas la saleté et enfin qu'il n'est jamais prêt, comme elle, à consacrer ses samedis au ménage, à la lessive et aux courses. À maintes reprises Francis lui a proposé d'engager une aide ménagère, ce qu'elle a toujours refusé. Elle justifie son refus par son malaise à laisser pénétrer un étranger dans son intimité. Cette «chicane» dure depuis le début de leur union.
On peut se demander si c'est vraiment l'ordre et la propreté qui préoccupent Claudine ou si ce n'est pas plutôt le fait que son mari ne se plie pas à sa volonté. En admettant que leurs besoins dans la sphère «entretien ménager» soient différents, pourquoi continue-t-elle à insister en vain pour qu'il change? À mes yeux, deux hypothèses méritent d'être envisagées.
1- La symbolique du comportement
Plus que les gestes de son mari, c'est leur signification qui atteint Claudine. Elle interprète en effet le refus de Francis comme un manque de respect à son égard, ce qui à ses yeux est l'équivalent d'un manque d'amour. «S'il m'aimait vraiment, il comprendrait combien cela est important pour moi et il respecterait mon besoin!» Elle ne lui avoue toutefois jamais la traduction qu'elle fait de son refus persistant plutôt dans ses reproches. Quand ce ne sont pas des critiques directes c'est sa mauvaise humeur de la fin de semaine qu'elle lui sert. Celle du samedi où elle se tape tout le travail et celle du dimanche où elle récupère des durs travaux qu'il lui a laissés.
On peut se demander pourquoi Claudine ne consent pas à engager de l'aide si son besoin est si grand. Pourquoi elle ne prend pas la peine d'examiner son inconfort à confier sa maison à un étranger? Pourquoi elle ne cherche pas une personne qui lui serait recommandée et pourquoi elle n'entreprend pas de s'apprivoiser graduellement à sa présence? Pourquoi elle persévère dans la solution qui l'exaspère? Pourquoi enfin elle choisit de vivre des week-ends d'enfer et d'hypothéquer sa relation avec son mari?
La force de son besoin d'être aimée est probablement l'ingrédient de fond qui explique cette persévération. Mais son aveuglement par rapport aux autres solutions s'explique surtout par sa résistance à être en contact avec ce besoin «de se sentir aimée». Elle refuse de l'assumer autant pour elle-même que devant son mari. Cette résistance est d'autant plus forte qu'elle se combine à un important désir de contrôle.
2- Le contrôle pour éviter l'inconfort
La tendance au contrôle peut se traduire par l'assertion suivante: «pour que je sois satisfait il faut que cela se passe de la manière que j'ai choisie». Il est clair que dans cette perspective celui qui veut le contrôle ne prend pas en considération le fait que son conjoint a lui-même une vie et un mot à dire dans leur vie à deux.
La tendance au contrôle s'appuie en grande partie sur la certitude d'avoir raison. C'est le cas de Claudine. Ceci est tellement vrai qu'elle qualifie le comportement de son époux de «résistance passive». En d'autres mots, la bonne chose à faire c'est ce qu'elle a décidé et quiconque s'y oppose est nécessairement en mode de résistance. Il est exclu qu'il puisse s'agir simplement du choix de Francis et que ce choix soit aussi valable que le sien (c'est à dire qu'il réponde lui aussi à un besoin). Dans cette perspective, les besoins de l'autre ne sont pas pris en considération. Ce qui compte c'est de se sentir en contrôle, d'éviter l'inconnu, de ne prendre aucun risque d'être ébranlé...
Lorsque, par contre, le désir de changement est réellement motivé par un désir de confort qui n'est pas pollué par un «test d'affection» passé au conjoint à son insu, le problème a tendance à se régler beaucoup plus facilement.
Conclusion
En conclusion la volonté de changer notre conjoint devrait toujours s'accompagner d'un questionnement sur les raisons qui nous y poussent. La plupart du temps, cela nous permettrait d'identifier le pouvoir réel que nous détenons sur notre satisfaction. Du même coup, nous éviterons un grand nombre de conflits stagnants qui minent la vie à deux.
À l'inverse, lorsque nous subissons cette pression, nous devrions toujours nous enquérir des motifs réels de notre conjoint. Et que nous acceptions ou non de nous soumettre à sa demande, nous aurions aussi avantage à prendre conscience des raisons qui nous y poussent.
Ceci est d'une grande importance parce que le respect de soi est un ingrédient capital dans la vitalité personnelle et dans celle du couple. En effet, on peut facilement être tenté de privilégier le respect de l'autre en acceptant ce qui nous semble intolérable ou injuste. Mais ce «respect de l'autre» ne peut jamais être substitué à la fidélité à soi-même sans conséquences graves pour la relation et pour notre harmonie. "