Regards sur sa vie

Discuter, bavarder de tout ce qui ne concerne pas l'ésotérisme, la voyance...

par Pâquerette » Jeu 31 Mar 2011, 15:35

Merci Briséis ! que de lecture :roll: ! c'est très intéressant :D
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par briséis » Jeu 31 Mar 2011, 15:38

Paquerette a écrit:Merci Briséis ! que de lecture :roll: ! c'est très intéressant :D


pardon :oops:
mais c'est pas une obligation ! :mrgreen:
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par Pâquerette » Jeu 31 Mar 2011, 15:41

Je plaisantais :lol: j'adore lire en plus :lol:

C'est un plaisir :mrgreen:

surtout qu'en ce moment je n'ai pas trop les moyens d'investir dans des nouveaux bouquins ...
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par briséis » Jeu 31 Mar 2011, 15:53

je vais continuer de poster alors !
si tu veux me donner ton adresse mail, j'ai les deux kardec en pdf ! ^^
:mrgreen:
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par somewhere » Jeu 31 Mar 2011, 16:09

Bonjour :D

Lol Briséis ! Excellent! Je suis sure que ça va m'être utile !!
Il faut juste que je trouve le temps de lire tout ça. :)

Au fait tu carbures à quoi ? :mdr: (pour écrire plus vite que ton ombre)
"S'il vous plait je prendrais la même chose que la dame" :lol:

Merci beaucoup pour ce partage. 8)
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par briséis » Jeu 31 Mar 2011, 16:18

somewhere a écrit:Bonjour :D

Lol Briséis ! Excellent! Je suis sure que ça va m'être utile !!
Il faut juste que je trouve le temps de lire tout ça. :)

Au fait tu carbures à quoi ? :mdr: (pour écrire plus vite que ton ombre)
"S'il vous plait je prendrais la même chose que la dame" :lol:

Merci beaucoup pour ce partage. 8)



:mdr:
non quand même, ici c'est du copié collé....le reste, c'est bien moi :mrgreen: :lol: :lol:
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par somewhere » Jeu 31 Mar 2011, 16:25

Bah même si c'est du copié collé.
C'est déjà beaucoup de boulot d'avoir connaissance de tout ça et de retrouver les textes :nan:
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par Pâquerette » Jeu 31 Mar 2011, 17:53

briséis a écrit:je vais continuer de poster alors !
si tu veux me donner ton adresse mail, j'ai les deux kardec en pdf ! ^^
:mrgreen:


Merci :mrgreen: je te donne ça par MP :mrgreen:
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par Pâquerette » Jeu 31 Mar 2011, 18:48

Merci Briséis, j'ai bien tout reçu :fleurs:

à bientôt pour partager avec vous
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par briséis » Lun 04 Avr 2011, 19:49

récapitulatif:
1.vivre heureux à deux
2.transfert et droit de vivre
3.querelles et chicanes dans le couple
4.fuir ou affronter ses difficultés
5.Apprendre à m'aimer (Sortir de la dépendance affective)
6:Transfert et conquête de l'autonomie

et le 7 très intéressant, on est tous concerné un jour je crois.... :wink: :

Vouloir changer son conjoint

Par Michelle Larivey , psychologue



"Résumé de l'article

Cet objectif consomme souvent une énergie considérable tout en engendrant des frustrations énormes chez les deux conjoints. Quelles sont les raisons cachées qui nous poussent à déployer des efforts soutenus à cette fin? Nous verrons dans ce texte comment le fait de mettre l'accent sur le changement du conjoint est la plupart du temps un moyen d'éviter les sujets cruciaux.


Table des matières

o Introduction
o A- Changements involontaires et changements volontaires
o B- Les motifs d'évitement
o C- Les motifs de croissance
o D- Les motifs de confort
o Conclusion






Introduction

Existe-t-il des couples où les partenaires ne désirent pas des changements substantiels chez l'autre? Cet objectif consomme souvent une énergie considérable tout en engendrant des frustrations énormes chez les deux conjoints.

Pourquoi insister pour changer l'autre? Quelles sont les raisons cachées qui nous poussent à déployer des efforts soutenus à cette fin? Qu'y a-t-il de si important dans cette volonté pour justifier les crises et même les séparations qu'elle provoque? On poursuit ce but comme s'il s'agissait de la clé du bonheur; est-ce le cas ou s'agit-il là d'une idée chimérique?

Nous verrons dans ce texte comment le fait de mettre l'accent sur le changement du conjoint est la plupart du temps un moyen d'éviter les sujets cruciaux. Cette façon de traiter nos insatisfactions sert souvent à demeurer inconscient d'un besoin ou à nous soulager de la responsabilité de le satisfaire. Même lorsque nous recherchons surtout la croissance, l'entêtement à attendre le changement de l'autre reste souvent motivé par un souci d'évitement.

Cet article vise à encourager la réflexion et l'auto-évaluation de celui qui, paralysé devant des insatisfactions importantes, considère que son bonheur repose sur l'ouverture de son conjoint à changer. J'espère apporter ici un éclairage qui le préservera des pièges découlant de la poursuite de cet objectif et qui découragera les tentatives stériles qui drainent l'énergie de plusieurs couples.

A- Changements involontaires et changements volontaires

1- Exemples de changement involontaire

Charles a énormément souffert du manque d'affection de sa mère. Pourtant, il repousse toujours son épouse lorsqu'elle l'enlace ou l'embrasse. Il s'impatiente et la rabroue. Petit à petit celle-ci se détourne de lui (et reporte sa tendresse sur leurs enfants). Aujourd'hui Charles se plaint de sa froideur qui, selon lui, ressemble à celle de sa mère.

Nadia, autrefois battue par son père, l'est aujourd'hui par son mari. Ce dernier était pourtant peu enclin à la violence, mais il perd parfois le contrôle, allant jusqu'à la frapper.

Ni Nadia, ni Charles n'ont désiré consciemment ce changement d'attitude de leur partenaire. Tout ce que Charles demandait, c'est que son épouse cesse de «l'assaillir» de ses caresses. Quant à Nadia, elle voulait simplement un mari plus ferme et plus affirmé. Ni l'un ni l'autre n'a prévu ni perçu l'ampleur du changement qu'ils ont amorcé.

Le changement s'est produit lentement, imperceptiblement. C'est seulement avec le recul qu'ils peuvent en constater l'ampleur. Cette transformation n'a pas été l'oeuvre de la persuasion, de pressions ou de demandes réitérées mais tout simplement la conséquence d'une attitude récurrente, de comportements répétitifs auxquels l'autre s'est finalement adapté (en trouvant une solution qui lui permette de respecter ses propres besoins).

C'est ainsi qu'on peut provoquer un changement important et parfois irréversible sans l'avoir visé consciemment et sans en avoir prévu les conséquences. Mais même si nous l'avons provoqué, la plupart du temps il ne nous satisfait pas pleinement.

Davantage esseulé, Charles souffre du manque d'affection de sa compagne.

Nadia a maintenant la nostalgie de l'homme tendre d'autrefois.

C'est le scénario qu'on voit le plus souvent: le problème disparu est remplacé par un manque. Le malaise qui motivait Charles et Nadia constituait une opportunité de régler un problème crucial de leur vie; le manque qu'ils éprouvent maintenant est lui aussi une invitation à le confronter. S'ils acceptent aujourd'hui de ressentir la privation et les émotions qu'elle provoque, il pourront faire le travail sur eux-mêmes qui leur permettra de sortir de l'impasse.

2- Exemples de tentatives de changement volontaire

Les changements involontaires sont importants et ils ont des répercussions sérieuses sur la vitalité du couple, mais ils ne sont pas les plus fréquents. Ce sont plutôt les changements précis qu'on tente systématiquement d'obtenir malgré les résistances du conjoint qu'on rencontre le plus souvent.

Lucie persiste depuis cinq ans à souhaiter que son mari abandonne l'alcool. Elle ne rate aucune occasion de lui faire la morale à ce sujet.

Depuis le début de son mariage Philippe souffre de la jalousie de sa femme. Il a cru qu'en se pliant aux désirs de celle-ci, il réussirait à la convaincre de son amour et à la rassurer sur sa fidélité. Depuis plus de quinze ans il rêve de liberté; il est maintenant au bord de la dépression et sa femme le harasse plus que jamais.

Contrairement au changement involontaire, c'est ici un comportement précis qu'on recherche: Lucie veut un homme sobre tandis que Philippe désire une femme qui le laisse libre. La précision de l'objectif ne semble pourtant pas contribuer à l'efficacité de sa poursuite, bien au contraire.

Qu'est-ce qui motive les conjoints à persévérer dans cette recherche infructueuse et cette attente? Qu'est-ce qui se cache derrière le désir (conscient ou non) de changer l'autre? Les prochaines sections tenteront de répondre à cette question en présentant les trois genres de motifs que je peux distinguer.

B- Les motifs d'évitement

Lorsque nous développons des liens intimes et étroits avec une personne, c'est parce qu'elle possède des caractéristiques qui nous permettent de répondre à des besoins cruciaux ou parce que nous espérons y parvenir. Même si cette personne possède plus de qualités qui nous conviennent que de caractéristiques qui nous déplaisent, il demeure que certains aspects de sa personnalité nous conviennent moins, nous indisposent ou même nous heurtent.

Ce déséquilibre est inévitable dans toute relation durable car l'autre est différent de nous. Ses actions ne nous conviennent pas toutes. Certaines nous menacent, d'autres nous confrontent à nos limites ou nous présentent des défis importants. Voici les principaux motifs d'évitement qui peuvent nous amener à désirer un changement chez notre conjoint.


1. Retrouver l'équilibre perdu

Chacun de nous a consacré beaucoup d'énergie à construire sa personnalité. L'identité à laquelle nous parvenons est bien adaptée aux exigences des personnes qui ont joué un rôle important dans notre développement, surtout celles de nos parents. Nous avons développé une personnalité adaptée à la leur et à la dynamique de notre famille. Nous y sommes parvenu grâce à différentes accommodations et adaptations dont certaines ont été coûteuses pour notre santé mentale.

Le partenaire qui pénètre dans notre intimité est nécessairement différent des parents auprès desquels nous avons appris à vivre. Non seulement il ne peut en être autrement parce que chaque personne est unique, mais il y a en plus le fait que nous recherchons cette différence. C'est sur celle-ci que nous comptons pour combler, avec cet être, les besoins auxquels nous n'avons pas trouvé réponse dans notre contexte familial.

Mais en même temps, cette différence nous confronte en ébranlant nos certitudes et en déséquilibrant nos habitudes. Une des raisons principales qui nous poussent à changer l'autre, c'est le désir de retrouver l'équilibre préalable. Nous allons si loin dans cette direction qu'il nous arrive souvent de reproduire avec notre conjoint les rapports dont nous avons souffert avec notre parent. Pourtant, nous avions choisi notre partenaire pour ses différences par rapport à ce parent. C'est ce type de changement qu'on trouve dans les exemples de changement involontaire illustrés par Charles et Nadia.


2. Esquiver le malaise (et la douleur qu'il cache)

Charles a provoqué l'éloignement de son épouse parce qu'il n'est pas à l'aise dans un contexte d'affection. Au fond, il a une piètre estime de lui-même et ne pense pas mériter d'être aimé. C'est pour se soustraire à ce malaise qu'il repoussait sa femme. S'il avait choisi, au contraire, de tolérer son inconfort pour devenir conscient de ce que celui-ci dissimulait, il aurait pu régler son problème tout autrement.

Il aurait dû accepter de traverser une période difficile pour travailler sur cette question. Le malaise aurait d'abord fait place à son impression d'être minable ainsi qu'à une énorme peine liée à la froideur de sa mère. Il aurait alors pu explorer ces sentiments à travers sa relation avec son épouse. Mais par crainte de vivre de telles émotions (qu'il juge infantiles) devant sa femme, il a choisi de repousser cette dernière et par la même occasion, les sentiments qui le dérangeaient. La peur de l'humiliation et d'afficher sa vulnérabilité l'a emporté sur sa volonté de régler ce problème.

Il en est de même de Nadia. Si elle avait accepté de ressentir les émotions provoquées chez elle par les égards de son mari et le respect qu'il lui vouait, tout aurait pu tourner autrement.

Inconfortable devant ces marques de considération, elle trouvait alors le moyen de l'agresser. C'est par exemple dans les moments où il était particulièrement tendre qu'elle l'attaquait avec sa litanie de reproches. L'humiliation et le mépris étaient alors ses armes favorites. Son attitude vindicative lui permettait d'esquiver son inconfort. Une piètre estime d'elle-même l'empêchait d'accepter les égards de son mari sans devenir très émue, ce qu'elle fuyait comme la peste. Mais lorsque son mari devint aussi odieux que son père l'avait été autrefois, elle se mit à ressentir le manque.


3. Éviter de prendre son besoin en mains

Lucie mène une existence misérable avec son mari alcoolique. Malgré les signes de détérioration qu'elle observe régulièrement, elle ne décroche pas de son idée de le faire cesser de boire. Lorsqu'elle réfléchit un tant soit peu au réalisme de son attente, elle se rend compte qu'elle ne croit aucunement à une amélioration, du moins pas dans un avenir rapproché. Pourtant elle le talonne sans répit.

Lucie choisit de consacrer son énergie à réclamer le changement de son époux plutôt que de s'occuper d'améliorer la qualité de sa vie. Elle fait porter la responsabilité de son insatisfaction à son mari et le punit en l'abîmant d'injures les jours où elle n'en peut plus. Il est facile de comprendre qu'elle soit immensément déçue du penchant de son mari et de la tournure qu'à pris leur vie à deux. Mais sa persévération dans cette quête stérile témoigne de l'ampleur de sa résistance à prendre son sort en mains.

Philippe fait le même choix que Lucie. Vingt années de tentatives infructueuses sont la preuve de la stérilité des efforts pour changer le comportement et les convictions de sa femme. Mais il ne peut se résigner à vivre toutes les émotions qui l'assailliraient s'il la quittait. Il ne peut se résoudre à vivre les confrontations que déclencherait certainement son choix de vivre librement sa vie, malgré les crises de jalousie de son épouse. Sa résistance à prendre ses besoins en charge est si forte qu'il choisit de mourir plutôt à petit feu dans la dépression. (Voir «Transfert et conquête de l'autonomie».)


4. Éviter la différence

Vivre à deux comme si on était seul

Une des principales raison de discordance dans les couples est le désir de vivre à deux comme si on était seul. Il est alors difficile d'accepter que l'autre ait des goûts bien à lui, des manières qui lui sont particulières et même des besoins différents.

Éviter la différence

Il préfère le pain blanc mais il devrait faire attention à sa santé et manger du brun comme moi!

Il aime regarder la télé au retour du travail... c'est sa manière de se détendre. Il devrait plutôt adopter mon moyen de détente: la lecture. C'est beaucoup mieux pour l'esprit!

Elle est toujours disponible pour faire le taxi pour les enfants. Elle devrait plutôt faire comme moi et les laisser se débrouiller.

Elle dépense sans se soucier de l'avenir. Elle devrait être plus économe et planifier sa retraite. Comme moi, en somme!

Mais la différence n'est pas toujours un inconvénient; elle nous convient sous certains aspects et nous dérange sur d'autres. Parfois même cela dépend du moment ou de l'importance qu'elle prend.

Les talents de bricoleur de mon mari nous sont fort utiles mais je n'aime pas qu'il passe tant de temps dans son atelier. Ça me conviendrait mieux s'il était moins passionné de cela. Je fais donc des pressions pour qu'il se trouve un hobby qui m'inclue (en général je ne songe pas à m'inclure moi dans le sien!).

J'aime bien que ma femme soit affirmative, mais je ne tolère pas qu'elle s'adresse à moi sur un ton autoritaire. Son caractère passionné me stimule mais je le déteste lorsqu'il s'agit d'émotions «négatives», surtout à mon égard. J'entreprends alors de la neutraliser.

Nous oublions parfois que chaque personne forme un tout unifié et qu'il lui est impossible d'extraire une partie de ses caractéristiques sans que le reste de sa personne en soit affecté. Si par exemple elle s'efforce de diminuer l'intensité de ses émotions «négatives», il est certain que l'ensemble de sa vie émotionnelle en sera hypothéquée. Car la vie émotionnelle n'est pas compartimentée; elle fonctionne comme un tout. Tenter d'empêcher l'existence de certaines émotions c'est par le fait même restreindre notre capacité de ressentir toutes les autres.

Comme pour tous les organismes vivants, chaque changement opéré a des répercussions sur d'autres dimensions: l'organisme se rééquilibre. C'est ce qui explique l'émergence de changements imprévus, comme dans les deux premiers exemples (Charles et Nadia). Triste, déçue et en colère, la femme de Charles a trouvé une solution compensatoire: reporter toute son affection sur ses enfants. Humilié, le mari de Nadia a choisi la force physique pour se faire entendre.

Mais la volonté d'obtenir des changements chez notre partenaire est si forte, nos efforts pour qu'il neutralise ses effets sur nous ou pour qu'il adopte notre image sont parfois si insistant qu'on a l'impression d'une rééducation, d'un remodelage complet.

Il arrive parfois que cette influence soit appréciée. Elle agit alors comme un incitatif qui favorise un changement que la personne souhaitait déjà plus ou moins. Par exemple:

Sous son influence, mes velléité de faire de l'exercice se sont transformées en projet réel. Je lui en suis reconnaissante.

Ses encouragements m'ont incité à me remettre à la peinture. J'en suis très heureuse.

Dans la plupart des cas, c'est par docilité, pour plaire ou pour avoir la paix que le conjoint se laisse influencer voire façonner. Les plus rebelles résistent, souvent au plus grand étonnement du conjoint. Celui-ci ne comprend pas car, à ses yeux, c'est une véritable amélioration de sa condition qu'il propose.


Ma manière est meilleure que la tienne

C'est sur cette opinion, rarement exprimée aussi clairement, que repose la volonté de faire changer l'autre. Il s'agit d'une opinion bien subjective et c'est pourquoi elle échoue la plupart du temps car le conjoint est également convaincu que sa manière est la meilleure. L'exemple par excellence est sans doute celui de la divergence concernant l'éducation des enfants.

Marie trouve Benoît trop sévère avec les enfants. Il est trop rigide et les punit fortement pour un rien. Ça lui fait toujours mal au coeur de les voir souffrir.

Mais Benoît croit sincèrement que les enfants doivent vivre avec les conséquences de leurs actes en tout temps. Il trouve Marie trop complaisante à cet égard.

Il est certain que ni Marie ni Benoît ne changeront sur ce point; leurs positions respectives reposent sur un trop grand nombre de facteurs pour que la simple raison puisse les influencer. Parmi ces facteurs, on peut mentionner:

l'influence de leur propre éducation (Benoît est un ancien militaire, Marie est fille unique élevée par sa grand-mère);

leurs propres besoins (v.g.: avoir de l'autorité est primordial pour Benoît alors que cela a peu d'importance pour Marie; Marie cherche à se faire aimer des enfants alors que Benoît désire avant tout être respecté);

leurs propres évitements (Marie n'aime pas les conflits alors que Benoît est confortable dans la confrontation);

des préférences individuelles (Marie aime le calme, Benoît aime l'action);

et même les dernières valeurs à la mode (comme les combinaisons alimentaires et les jeux non violents).


5. Éviter une réalité existentielle

Parfois, la tentative d'influence se met au service d'une déni existentiel. Elle sert par exemple à entretenir l'illusion de la perfection ou de la fusion. Voici deux illustrations relativement typiques dans la vie de couple.

Johanne est très proche de sa famille et déplore le peu d'intérêt de Ludovic pour la fréquenter. Ce dernier lui a pourtant expliqué à maintes reprises qu'il n'a d'atomes crochus avec personne et que ces visitent l'ennuient. Ceci n'empêche pas Johanne d'insister. Fais-le pour moi alors!

Laurence réagit agressivement chaque fois que son mari lui fait une critique. Il lui arrive même de le bouder durant plusieurs jours pour lui faire savoir combien elle a en horreur d'être critiquée ou prise en défaut.

Johanne demande à Ludovic de se sacrifier pour elle. Pourquoi? Après avoir allégué qu'elle se sacrifie elle-même souvent pour lui, elle répond qu'elle apprécie sa présence et que sa visite sera plus agréable s'il l'accompagne. Elle n'ajoute probablement pas que l'écart entre leurs besoins la force à assumer sa «solitude existentielle». Or cette solitude soulève chez elle une grande anxiété lorsqu'elle se fait sentir.

Donc en fait, ce qu'elle réclame de Ludovic, c'est qu'il participe à son «déni de solitude». S'il le fait, elle aura moins conscience de sa solitude comme être humain; une réalité qui lui apparaît clairement lorsque son mari n'a pas les mêmes besoins ou les mêmes désirs qu'elle.

Laurence est aux prises avec un désir de perfection (évidemment impossible à atteindre). Elle le constate péniblement chaque fois qu'elle subit une critique. Si elle réussissait à empêcher tous les jugements des autres et en particulier ceux de son mari, elle pourrait peut-être conserver l'illusion d'être irréprochable et toujours adéquate.

Elle est aux prises avec un «déni de la finitude» qu'elle perpétue en consacrant son énergie à contester ceux qui lui la blâment ou la critiquent plutôt qu'à examiner l'effet qu'exercent sur elle les jugements et les reproches. La vigueur avec laquelle elle combat la critique est le reflet de l'importance de son déni.

C- Les motifs de croissance

Les autres jouent un rôle primordial dans la satisfaction de la plupart de nos besoins. Ceci est particulièrement vrai pour les besoins affectifs. Il est normal de souhaiter satisfaire ces besoins avec notre conjoint et c'est d'ailleurs surtout sur la base des besoins mutuels que nous choisissons quelqu'un pour partager notre vie.


1- Toute demande renferme un besoin

La demande est toujours la manifestation d'un besoin. Elle met de l'avant une réponse possible à ce besoin; une action de l'autre qui pourrait servir à le combler. Le lien entre cette action et le besoin est plus ou moins clair. Il peut être relativement direct mais il est souvent très peu apparent ou même strictement symbolique.

La partie émergéeLe besoin d'un contact réel qui soit nourrissant affectivement s'exprime souvent à travers la demande suivante:

Écoute-moi, parle-moi de toi, parlons des vraies choses au lieu de banalités, sois franc avec moi. Partage tes soucis et tes plaisirs avec moi.

Le besoin d'affection peut s'exprimer par des demandes du genre de celles-ci:

J'aimerais que tu t'intéresses à ce que je suis, à ce que je fais. Sentir que j'ai de la valeur à tes yeux, que tu m'apprécies. Avoir de la tendresse, recevoir des marques d'affection.

Besoin d'être en relation avec un être complet (l'inverse de la recherche d'une copie conforme à soi-même) s'exprime à travers des demandes telles que:

J'aimerais que tu te tiennes debout, que tu me dises quels sont tes besoins plutôt que de toujours acquiescer à ce que je propose. Je souhaite que tu manifestes tes goûts, tes préférences, que tu saches me dire non, que tu sois quelqu'un quoi!

Le besoin d'être apprécié comme homme ou femme, d'être confirmé comme attirant sexuellement prend souvent la forme de gestes de séduction auxquels on espère une réponse.

Je voudrais que tu sois folle de moi, que tu me désires, que tu n'aies d'yeux que pour moi.

J'aimerais que tu me trouves belle et désirable. Je ne veux pas que tu regardes les autres femmes. J'ai peur que tu éprouves du désir pour une autre ou que tu en trouves une autre plus attirante.

Les besoins affectifs font partie de la vie et sont constamment présents. Ils sont plus aigus lorsqu'ils ne sont pas assouvis, mais nous pouvons aussi les détecter à travers le satisfaction que nous éprouvons au contact de l'être aimé. Toutefois ils ne sont pas toujours comblés à notre entière satisfaction. C'est alors que l'effort pour changer l'autre prend le plus d'importance.


2- Le camouflage du besoin

Bien que les besoins affectifs (comme les besoins physiques) fassent partie de la vie, certains les jugent infantiles ou trop intenses. Ils se jugent alors trop dépendants et cherchent à se débarrasser de cette dépendance en adoptant une attitude contraire. Non seulement ils comptent sur leur conjoint pour prendre l'initiative de combler leurs besoins, mais encore ils cherchent à se compromettre le moins possible. Aussi, plutôt que d'afficher la vulnérabilité qui va de pair avec le besoin et la dépendance qui en fait partie, ils donnent des ordres, passent des commandes précises ou encore usent de reproches. Ces manières indirectes de manifester leurs besoins leur permettent de sauver la face en paraissant «au-dessus de leurs affaires».

Pour atteindre une réelle satisfaction il est préférable d'exprimer le besoin à l'état pur. En effet, cela laisse au conjoint le loisir d'y répondre dans ses propres termes au lieu de le condamner à se conformer à la demande précise qui lui est faite (et qui souvent ne lui convient pas). Ainsi beaucoup de conjoints n'achèteront jamais de fleurs à l'objet de leur amour. C'est autrement qu'ils aiment manifester leurs sentiments. De la même manière, les commandes de «petits baisers» (preuve que tu m'aimes) ne conviennent pas à tous. Certains désirent prouver autrement et surtout, à l'heure qui leur convient.

On peut dire qu'en procédant par commandes précises et qu'en camouflant soigneusement le besoin nous agissons sur le comportement de notre conjoint. Nous cherchons à le «changer» plutôt que changer nous-même en acceptant d'assumer ouvertement notre besoin.

D- Les motifs de confort

Très souvent, les exigences par rapport au conjoint sont présentées sous le prétexte de la recherche du confort. Mais en réalité, peu de demandes de changement sont vraiment de cette nature. Le choix de la cible visée est l'indice le plus évident pour en venir à cette conclusion

Examinons un exemple très délicat mais tout aussi fréquent dans la vie d'un couple: l'entretien de la maison ou le partage des tâches.

Claudine souffre énormément du laisser aller de son mari. Elle se plaint de son manque d'ordre, du fait qu'il ne voit pas la saleté et enfin qu'il n'est jamais prêt, comme elle, à consacrer ses samedis au ménage, à la lessive et aux courses. À maintes reprises Francis lui a proposé d'engager une aide ménagère, ce qu'elle a toujours refusé. Elle justifie son refus par son malaise à laisser pénétrer un étranger dans son intimité. Cette «chicane» dure depuis le début de leur union.

On peut se demander si c'est vraiment l'ordre et la propreté qui préoccupent Claudine ou si ce n'est pas plutôt le fait que son mari ne se plie pas à sa volonté. En admettant que leurs besoins dans la sphère «entretien ménager» soient différents, pourquoi continue-t-elle à insister en vain pour qu'il change? À mes yeux, deux hypothèses méritent d'être envisagées.


1- La symbolique du comportement

Plus que les gestes de son mari, c'est leur signification qui atteint Claudine. Elle interprète en effet le refus de Francis comme un manque de respect à son égard, ce qui à ses yeux est l'équivalent d'un manque d'amour. «S'il m'aimait vraiment, il comprendrait combien cela est important pour moi et il respecterait mon besoin!» Elle ne lui avoue toutefois jamais la traduction qu'elle fait de son refus persistant plutôt dans ses reproches. Quand ce ne sont pas des critiques directes c'est sa mauvaise humeur de la fin de semaine qu'elle lui sert. Celle du samedi où elle se tape tout le travail et celle du dimanche où elle récupère des durs travaux qu'il lui a laissés.

On peut se demander pourquoi Claudine ne consent pas à engager de l'aide si son besoin est si grand. Pourquoi elle ne prend pas la peine d'examiner son inconfort à confier sa maison à un étranger? Pourquoi elle ne cherche pas une personne qui lui serait recommandée et pourquoi elle n'entreprend pas de s'apprivoiser graduellement à sa présence? Pourquoi elle persévère dans la solution qui l'exaspère? Pourquoi enfin elle choisit de vivre des week-ends d'enfer et d'hypothéquer sa relation avec son mari?

La force de son besoin d'être aimée est probablement l'ingrédient de fond qui explique cette persévération. Mais son aveuglement par rapport aux autres solutions s'explique surtout par sa résistance à être en contact avec ce besoin «de se sentir aimée». Elle refuse de l'assumer autant pour elle-même que devant son mari. Cette résistance est d'autant plus forte qu'elle se combine à un important désir de contrôle.


2- Le contrôle pour éviter l'inconfort

La tendance au contrôle peut se traduire par l'assertion suivante: «pour que je sois satisfait il faut que cela se passe de la manière que j'ai choisie». Il est clair que dans cette perspective celui qui veut le contrôle ne prend pas en considération le fait que son conjoint a lui-même une vie et un mot à dire dans leur vie à deux.

La tendance au contrôle s'appuie en grande partie sur la certitude d'avoir raison. C'est le cas de Claudine. Ceci est tellement vrai qu'elle qualifie le comportement de son époux de «résistance passive». En d'autres mots, la bonne chose à faire c'est ce qu'elle a décidé et quiconque s'y oppose est nécessairement en mode de résistance. Il est exclu qu'il puisse s'agir simplement du choix de Francis et que ce choix soit aussi valable que le sien (c'est à dire qu'il réponde lui aussi à un besoin). Dans cette perspective, les besoins de l'autre ne sont pas pris en considération. Ce qui compte c'est de se sentir en contrôle, d'éviter l'inconnu, de ne prendre aucun risque d'être ébranlé...

Lorsque, par contre, le désir de changement est réellement motivé par un désir de confort qui n'est pas pollué par un «test d'affection» passé au conjoint à son insu, le problème a tendance à se régler beaucoup plus facilement.
Conclusion

En conclusion la volonté de changer notre conjoint devrait toujours s'accompagner d'un questionnement sur les raisons qui nous y poussent. La plupart du temps, cela nous permettrait d'identifier le pouvoir réel que nous détenons sur notre satisfaction. Du même coup, nous éviterons un grand nombre de conflits stagnants qui minent la vie à deux.

À l'inverse, lorsque nous subissons cette pression, nous devrions toujours nous enquérir des motifs réels de notre conjoint. Et que nous acceptions ou non de nous soumettre à sa demande, nous aurions aussi avantage à prendre conscience des raisons qui nous y poussent.

Ceci est d'une grande importance parce que le respect de soi est un ingrédient capital dans la vitalité personnelle et dans celle du couple. En effet, on peut facilement être tenté de privilégier le respect de l'autre en acceptant ce qui nous semble intolérable ou injuste. Mais ce «respect de l'autre» ne peut jamais être substitué à la fidélité à soi-même sans conséquences graves pour la relation et pour notre harmonie. "
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par briséis » Lun 11 Avr 2011, 17:23

récapitulatif:
1.vivre heureux à deux
2.transfert et droit de vivre
3.querelles et chicanes dans le couple
4.fuir ou affronter ses difficultés
5.Apprendre à m'aimer (Sortir de la dépendance affective)
6:Transfert et conquête de l'autonomie
7. Vouloir changer son conjoint

et 8.

Reconnaître les vrais besoins
Par Jean Garneau , psychologue



A. Introduction
B. Les dimensions du besoin
o Vital ou optionnel ?
o Permanent ou variable ?
o Instinct ou liberté ?
o Besoins individuels et collectifs
o En résumé
C. Quelques distinctions importantes
o Besoin appris et besoin acquis
o Besoin ou moyen
o Demande ou obligation
D. Encore une conclusion provisoire

A. Introduction

Dans le premier article de cette série sur les besoins, nous avons vu comment notre équipement pour répondre à nos besoins était souvent inadéquat. Parce que nous ne recevons presque aucune éducation en ce domaine, nous avons souvent de la difficulté à identifier nos vrais besoins. Il nous est difficile de les distinguer des autres élans qui peuvent nous habiter (désirs, préférences, goûts, caprices), des expériences connexes (angoisse, tristesse, colère) ou même des instruments de satisfaction familiers (compliment, sourire, caresse, congé).

Nous avons tenté de mettre de l’ordre dans ce domaine en examinant trois grilles théoriques pertinentes. Ces typologies organisent en peu notre vision des besoins, mais nous devons constater qu’elles nous sont peu utiles lorsqu’il s’agit de distinguer notre besoin réel ou celui de notre interlocuteur.

Dans ce deuxième article, je vais présenter une conception qui cherche à répondre à nos questions en identifiant les dimensions les plus importantes à considérer pour l’identification des besoins. Par la suite, nous pourrons nous attaquer à la dernière question : quoi faire lorsque le besoin est bien identifié.

B. Les dimensions du besoin

Pour mieux cerner la nature exacte des besoins humains je vais en définir les principales caractéristiques. Nous verrons que chacune soulève des questions importantes rattachées à la fonction des besoins et aux façons dont nous les assumons. Cette partie de l’article permettra non seulement de mieux définir comment nous pouvons distinguer nos besoins mais aussi de mieux comprendre les pièges qu’ils recèlent.


Vital ou optionnel ?

Par définition, un besoin est impérieux. Il ne s’agit pas d’un caprice ou d’une simple préférence, mais d’une sorte de nécessité qui découle de ce que nous sommes. C’est vrai pour tous les êtres vivants, mais ces besoins prennent des formes différentes selon les espèces. Les besoins principaux des plantes, des animaux et des humains sont bien différents même si, fondamentalement, ils se ressemblent en grande partie.

Si nous ignorons nos besoins, c’est toujours au détriment de notre vitalité. Pour les besoins physiques, le lien avec la survie est évident. Plus précisément, c’est le lien avec la survie physique qui est indiscutable. Dans le cas de nos autres besoins, c’est de la vitalité psychique qu’il s’agit. Tout besoin trop peu comblé nous amène à devenir moins vivant dans son secteur particulier de notre vie. Voyons comment cela se manifeste à travers des exemples schématiques.

Pour les deux personnes suivantes, la survie physique n’est pas un problème. Elles ont tout le nécessaire non seulement pour répondre à leurs besoins de nourriture, de liquide et d’oxygène, ainsi qu’à leur besoin de sécurité. C’est à d’autres niveaux d’eux-mêmes que se trouvent les dangers pour leur vitalité.

Jean-Claude a toujours eu l’impression que sa mère ne l’aimait pas. Sans trop savoir pourquoi, il est convaincu qu’elle ne voulait pas de lui ; à un point tel qu’il a souvent cru être adopté. Maintenant adulte, il considère qu’il n’en souffre pas tellement. Il a appris à vivre sans amour et se débrouille très bien en compensant par une performance exceptionnelle au travail. Les promotions le consolent apparemment, mais c’est seulement dans l’alcool qu’il trouve le moyen d’apaiser son angoisse lorsqu’il se retrouve seul après le travail ou en vacances. Son corps et son intelligence sont toujours vivants, mais sa capacité d’aimer est morte depuis longtemps et, de plus en plus, c’est l’ensemble de sa vie affective qui est éteinte.

Pour autant qu’elle s’en souvienne, Monique a toujours été plutôt effacée. Elle était considérée par tous comme une enfant sage et docile. Ses professeurs appréciaient son application et sa discipline. Les autres élèves ignoraient plus ou moins cette fille tranquille qui se tenait à l’écart des jeux et des chicanes. Encore maintenant, Monique passe souvent inaperçue dans son milieu de travail. Elle apprécie la tranquillité que cet anonymat relatif lui garantit, mais elle souffre de plus en plus de voir ses collègues moins compétentes obtenir toutes les promotions qu’elle croit mériter par son travail soigné et rigoureux. Si son ancienneté lui garantissait moins d’avantages, elle envisagerait certainement de se trouver un nouvel emploi ailleurs dans l’espoir d’être enfin appréciée à sa juste valeur. Jamais elle n’oserait parler à son patron de cette insatisfaction qui la ronge. C’est tout juste si elle en a parlé à son mari qui, comme d’habitude, l’a écoutée d’une oreille distraite. La capacité d’affirmation


La première caractéristique essentielle d’un besoin est son caractère vital. S’il n’est pas satisfait, la dimension correspondante de la personne s’affaiblit peu à peu jusqu’à devenir apparemment inexistante ou sans vie.


Permanent ou variable ?

À en croire les auteurs des typologies considérées dans l’article précédent, les besoins sont hiérarchisés entre eux. Certains besoins doivent être comblés jusqu’à un certain point avant que certains autres puissent prendre de l’importance. Ceci pourrait nous porter à croire que nos besoins changent avec le temps ou la maturité. C’est d’ailleurs une opinion fort répandue.

Je suis excitée comme une adolescente à l’idée de revoir cet homme qui me plaît tellement. Ce n’est plus de mon âge ; je devrais être plus réservée. (Elle oublie que c’était exactement ce qu’elle faisait dans l’espoir de paraître “cool”, il y a une vingtaine d’années pendant son adolescence).

Je suis complètement desséché à force de tenter de vivre sans relation amoureuse. Je me sens comme un bébé oublié derrière un buisson dans un parc. Mais je devrais être adulte et m’aimer moi-même au lieu de chercher quelqu’un qui m’envelopperait de son amour. Une brève aventure sexuelle de temps à autre devrait être suffisante pour me satisfaire.


Le besoin d’amour du nourrisson et celui de l’homme de quarante ans ne sont évidemment pas identiques. Pour diverses raisons, ils prennent des formes bien différentes.

Le bébé est tout à fait dépendant des adultes de son entourage pour obtenir l’amour dont il a besoin. Il peut tout au plus signaler son manque par des cris ou des pleurs, montrer sa satisfaction par son calme, un sourire ou en s’endormant. Son influence sur son destin est relativement minime, mais il connaît d’emblée ses besoins parce qu’il éprouve directement le bien-être ou malaise qui indiquent combien ils sont satisfaits.

permanence
L’adulte peut plus facilement dissimuler et ignorer ses besoins. Il est capable d’agir efficacement pour les combler mais il peut aussi choisir de les faire disparaître de son comportement (les cacher aux autres), de sa conscience (les cacher à lui-même), ou même de tenter de les surmonter en se privant volontairement des satisfactions correspondantes. À cause de ses opinions sur lui-même, sur la maturité et sur les valeurs qui doivent guider sa vie, il en vient souvent à décider d’ignorer certains besoins qu’il juge infantiles ou peu valables. La société et la religion viennent souvent encourager cette privation volontaire.

Ces différences ne doivent pas nous faire oublier que les vrais besoins continuent d’exister à travers les changements qui concrétisent les phases de notre vie. Le besoin d’être aimé est relativement évident chez le bébé et ceci favorise la mobilisation enthousiaste des adultes pour y répondre. Il n’est pas moins réel chez l’adulte ; lui aussi a besoin de sentir qu’il a sa place dans le monde, qu’il est apprécié pour ce qu’il est, indépendamment de ce qu’il accomplit. Dans la mesure où le besoin est comblé, il perd de l’importance et laisse l’attention se tourner vers un autre besoin moins satisfait.

La deuxième caractéristique essentielle du besoin est sa permanence fluctuante. Comme la faim, son importance varie en fonction du degré de privation, mais il continue d’exister sous des formes différentes à travers les époques de la vie. La forme qu’il prend chez chaque personne est le reflet de sa maturation physique et psychique, mais aussi de l’accumulation de ses expériences qui l’amènent à découvrir de nouvelles sources de satisfaction comme de nouveaux obstacles à surmonter.


Instinct ou liberté ?

Tout comme les bébés, les animaux ont la chance remarquable d’avoir peu de liberté par rapport à leurs besoins. L’instinct les amène automatiquement à poser les gestes appropriés pour répondre au besoin qui émerge. Si on considère le taux de succès d’un bébé dans sa recherche de satisfaction (malgré ses moyens très limités), on peut dire que la plupart des adultes pourraient l’envier. Ils ont plus de choix, mais en même temps plus de responsabilités et plus de chances de faire des erreurs.

Ceci nous amène à préciser la distinction entre le besoin et l’instinct. Ces deux réalités sont intimement liées parce que l’instinct déclenche les actions qui permettent de répondre au besoin. Mais ce ne sont pas tous les besoins qui obtiennent ainsi les services d’un comportement automatique. En fait, les humains ne reçoivent pas souvent l’aide de ces automatismes instinctifs.

L’instinct s’applique nécessairement à un besoin inné. Lorsqu’il s’agit d’un besoin modifié par un apprentissage quelconque, on voit rarement un enchaînement d’actions automatiques conduire à la satisfaction. Dans ce cas, on observe plutôt des choix et des comportements orientés par des décisions. L’adulte remplace normalement les réactions instinctives du bébé par des stratégies plus complexes et plus variables qu’il adapte à chaque situation particulière.

Lorsque Maurice boude son épouse qui n’a pas voulu l’accompagner au match de football, il remplace les cris du bébé par une expression indirecte de colère combinée à une indifférence simulée. Il adopte cette tactique parce qu’il la croit plus susceptible de lui apporter ce qu’il recherche (par exemple une attention compatissante entremêlée de signes de regret). Si cette méthode n’obtient jamais ce qu’il désire, Maurice en viendra bientôt à inventer une autre stratégie, mais si elle s’avère efficace, il deviendra rapidement un expert de la bouderie en créant de nouvelles variantes adaptées aux diverses situations.


Les besoins des humains évoluent plus que ceux des animaux ; leur satisfaction est obtenue à travers des actions librement choisies plus qu’à travers des actions instinctives, surtout à l’âge adulte. Les besoins sont relativement permanents ; leur forme évolue avec la maturation physique et psychique, mais le besoin reste fondamentalement le même durant notre vie.

C’est la troisième caractéristique fondamentale de nos besoins : ils sont permanents mais leur forme, leur intensité et leurs sources de satisfaction se transforment avec nous-mêmes. Notre liberté, éclairée par notre expérience, nous permet de devenir plus efficaces et adaptés dans notre recherche de satisfaction.


Besoins individuels et collectifs

Il est évident pour tous que nos besoins ne sont pas tellement différents d’un individu à l’autre. Nous avons tous besoin de nourriture, de liquide, d’évacuer les déchets, de nous reposer, de nos protéger des températures trop basses ou trop élevées, de nous défendre des dangers provenant de l’extérieur, de nous développer et de nous épanouir sur plusieurs plans, de nourrir notre affectivité, etc.

collectif
Ces besoins et les moyens d’y répondre prennent cependant des formes qui sont différentes d’un individu à l’autre. Lorsque nous rencontrons quelqu’un qui vit dans une culture très différente de la nôtre, ces différentes sont très évidentes. Mais lorsque nous sommes dans un milieu relativement homogène, les différences sont plus subtiles et les ressemblances peuvent facilement les dissimuler. Avec nos proches, nous allons jusqu’à apparaître quasi-identiques et à considérer comme des évidences absolues les caractéristiques que nous partageons.

Il est souvent tentant de considérer le style que notre milieu familial et notre environnement social ont donné à nos besoins comme la seule forme adéquate de ce besoin. Nous faisons de nos moyens préférés une sorte d’absolu ou de norme qui nous semble applicable à tout le monde. Évidemment, il nous est alors difficile de comprendre ceux qui, à partir d’un autre milieu et d’une autre culture, sont arrivés à des conclusions bien différentes des nôtres. Nous avons tendance à croire qu’il ne comprennent pas bien parce qu’ils ne connaissent pas mieux.

(À lire avec les accents appropriés.)
Tout le monde aime la tourtière du Lac St-Jean parce que c’est la meilleure! - Mais non! La nouvelle cuisine française est de loin supérieure; c’est évident! - Je vous rappelle respectueusement que la gastronomie japonaise est bien plus raffinée. - "Come on!" Y’a rien de meilleur pour nourrir son homme qu’un “T-Bone” bien juteux sur “charcoal”, surtout avec ma sauce “Bar-B-Q Texas Special”!.


Parce que l’exemple réunit artificiellement des individus de provenances bien différentes, il permet d’illustrer la myopie caractéristique de notre vision des réponses adéquates à nos besoins. Chacun des quatre participants aurait raison de façon évidente dans son milieu propre.

Lorsque nous sommes avec des personnes qui nous ressemblent, nous avons tendance à avoir une vision limitée des réponses possibles à nos besoins et, par conséquent, de nos besoins eux-mêmes. Nous avons également tendance à croire que nous avons des besoins communs car la forme que ceux-ci on pris sous l’influence de notre milieu de vie est relativement semblable. En réalité, nos besoins sont les mêmes que ceux des personnes qui appartiennent à d’autres cultures; ce sont nos façons de les nommer et de les satisfaire qui sont différentes.

C’est la quatrième caractéristique fondamentale du besoin : il est essentiellement universel en tant que besoin mais il est éprouvé d’une façon qui tient compte de notre éducation, de notre milieu et de notre expérience accumulée. À cause des mêmes influences, nos façons de satisfaire un même besoin sont différentes d’un milieu à l’autre et même d’un individu à l’autre.

Si les besoins sont ainsi universels tout en prenant des formes variables, comment considérer les besoins collectifs comme ceux de la population d’un pays ou d’une région, ceux des employés d’une usine, d’un groupe de travail, d’une famille ou d’un couple? S’agit-il de besoins collectifs ou de besoins communs?

Les besoins, comme les émotions, ne peuvent être ressentis que par des individus. Même si dix mille personnes vivent une émotion semblable au même moment lors d’un événement sportif ou d’un concert, c’est bien de dix mille expériences qu’il s’agit. Elles se ressemblent et sont amplifiées ou soutenues par les réactions des autres, mais elles sont vécues par chaque individu. On ne peut parler d’un besoin collectif à moins de vouloir dire qu’il s’agit d’un besoin qu’éprouvent une très forte majorité des individus impliqués dans la situation. Le groupe est un concept abstrait créé par les humains pour désigner rapidement une réalité complexe; il ne s’agit pas réellement d’un organisme vivant et ressentant qui aurait des besoins. Lorsque nous nous exprimons autrement, c’est par une forme d’anthropomorphisme analogue à celle que nous adoptons pour parler de ce qu’éprouvent les animaux.


En résumé

J’ai présenté quatre caractéristiques essentielles qui permettent de reconnaître et de distinguer les besoins réels. Il en existe peut-être d’autres que vous voudrez me suggérer, mais ces quatre aspects me semblent suffisants pour le moment. Examinons comment ils peuvent nous aider à voir plus clair dans notre réalité quotidienne individuelle.

Les caractéristiques


1. Vital pour cette dimension de la personne
2. Permanent mais fluctuant et en évolution
3. Les manifestations et les formes de satisfaction changent par l’expérience
4. Universel dans des formes adaptées à la culture et à l’individu


Exercice

Appliquons maintenant ceci à la liste que vous avez faite et annotée dans le premier article de cette série. Pour chaque item de votre liste, vérifiez si chacune de ces quatre caractéristiques est respectée. Pour chaque cas où la caractéristique ne s’applique pas, inscrivez un point d’interrogation vis à vis le “besoin” concerné.



C. Quelques distinctions importantes

Nous allons maintenant jeter un coup d’oeil sur quelques “zones grises” dans le domaine des besoins. Il s’agit des aspects qui entraînent souvent de la confusion et sont la source de fréquents conflits entre des personnes proches.

Vous y reconnaîtrez peut-être des items de votre liste auxquels vous avez ajouté des points d’interrogation. Si c’est le cas, vous pouvez rayer l’item de votre liste car il ne s’agit pas d’un véritable besoin et vous savez alors pourquoi.

Besoin appris et besoin acquis

Nos besoins sont toujours liés à notre survie, au moins dans une des dimensions de notre vie. Faut-il en conclure que tous nos besoins sont innés ou pouvons-nous envisager l’existence de besoins acquis en cours de route, de besoins qui seraient le résultat d’un apprentissage?

Nous avons déjà vu que les besoins prennent des formes différentes au cours de notre vie. Le même besoin se manifeste autrement et, surtout, les façons d’y répondre évoluent avec notre expérience et notre maturation.

Ce qui sert à nourrir un bébé ne serait sans doute pas vraiment adéquat pour un enfant de cinq ans et certainement pas satisfaisant pour un adulte. En quantité suffisante, cette nourriture permettrait peut-être de survivre, mais les exigences du corps et du psychisme de l’adulte ne seraient pas satisfaites. Manque de fibres, manque de sel, saveurs étranges et manque de consistance.

À bien y penser, ces exigences sont une affaire de goût et d’habitude plus que des dimensions d’un besoin réel. Nous prenons l’habitude de manger certains plats (des aliments associés à une synthétique préparation particulière) disponibles dans notre environnement. Nous en venons à préférer certains et à en refuser d’autres. Nous en venons également à considérer comme particulièrement délicieux certains mets que nous apprécions sans les consommer aussi régulièrement. La conclusion est claire : les goûts et les habitudes sont nécessairement acquis même lorsqu’ils en viennent à interférer avec la satisfaction de nos besoins réels (tous les enfants prennent un jour ou l’autre certains aliments en aversion, le plus souvent choisis parmi ceux que leurs parents estiment nécessaires à la santé).

Si nous cherchons parmi les besoins plus “évolués”, pouvons-nous trouver des besoins acquis à travers l’éducation ou grâce à des expériences satisfaisantes. Pensons notamment au besoins d’activité physique comme l’éprouve l’adepte de la course à pied ou aux besoins d’ordre esthétique ou intellectuel des mélomanes. Lorsque ces personnes n’ont pas la possibilité de s’adonner à leur activité habituelle, elles éprouvent cette privation comme un manque réel.

D’autres phénomènes ressemblent un peu à des manques de ce genre. Pensons au fumeur, à l’alcoolique ou au toxicomane. La privation entraîne chez eux aussi une carence réelle qui n’est pas que subjective. Le manque physique est mesurable et ne peut être ignoré impunément car il en découle des déséquilibres physiologiques importants.

On peut parler dans tous ces cas de “besoins synthétiques” créés par la répétition d’une action qui, au départ, n’était absolument pas nécessaire. Personne ne commence à fumer parce qu’il éprouve un manque de nicotine ; c’est un douteux privilège qui est réservé à ceux qui ont déjà pris l’habitude de fumer. Personne ne commence le “jogging” ou la fréquentation des concerts pour répondre à besoin irrépressible. Au départ, ces activités sont au moins inconfortables, sinon passablement pénibles. Le “besoin” est le résultat d’une répétition et d’une “éducation” de soi-même.

Même s’il est synthétique, le “besoin” peut être, en apparence, aussi impérieux qu’un besoin ordinaire. Cependant, le fait de comprendre qu’il s’agit d’un manque artificiel répondant à un faux besoin nous permet d’adopter une attitude plus appropriée. Plutôt que de considérer qu’il s’agit d’un besoin réel auquel il faut absolument répondre, nous pouvons envisager la possibilité de modifier cette habitude si elle nous semble néfaste ou impossible à satisfaire. Le fait qu’il ait des conséquences physiques et provoque des réactions de sevrage ne doit pas nous faire oublier qu’il s’agit d’une habitude et non d’un besoin.

Le “besoin synthétique” est donc avant tout une habitude et une préférence. Les façons de trouver les véritables satisfactions qui y correspondent sont très nombreuses et n’ont pas toutes les mêmes conséquences indésirables ni les mêmes exigences concrètes. Ces “besoins” correspondent plus à des moyens qu’à des besoins.


Besoin ou moyen

Tout le monde comprend aisément la distinction entre le besoin et le moyen de le satisfaire. Il s’agit d’une évidence... tant qu’on ne tente pas de l’appliquer concrètement. Voici quelques exemples parmi les milliers qu’on rencontre régulièrement.

* J’ai besoin que tu me dises souvent que tu m’aimes.
* J’ai besoin que tu me montres ton amour en me donnant des fleurs à mon anniversaire.
* J’ai soif! Il me faut une bière immédiatement.
* J’ai besoin de manger un steak bien saignant aujourd’hui.
* J’ai besoin d’aider les autres à s’épanouir.
* J’ai besoin de parler avec toi de notre relation.
* J’ai besoin que tu m’exprimes davantage tes sentiments (que tu me dises tes ...).
* J’ai besoin que tu me rassures sur ma beauté.
* J’ai besoin que tu me désires (que tu m’approuves, que tu m’encourages...).
* J’ai besoin d’un bon avocat (médecin, psychologue, osthéopathe...).
* J’ai besoin de sortir avec mes amis (amies).

Qu’est-ce qui distingue le besoin du moyen? En quoi cette distinction est-elle importante? Le moyen étant une façon efficace de répondre au besoin, pourquoi se soucier de la différence entre les deux?

Lorsque notre besoin est satisfait, il n’est pas utile de nous en soucier et nous n’y pensons pas. Nous consacrons alors notre énergie à satisfaire un autre besoin qui n’est pas comblé. Le mécanisme d’émergence nous amène naturellement dans cette direction.

bersoin ou moyen
C’est lorsque le besoin n’est pas comblé que la distinction devient importante. Lorsque nous disons des phrases comme celles des exemples ci-haut, notre besoin n’est évidemment pas satisfait et nous cherchons à y répondre. Si nous distinguons alors entre notre besoin et le moyen que nous proposons, nous pourrons constater qu’il existe un grand nombre d’autres façons de répondre à notre besoin. Nous aurons alors la possibilité de choisir un moyen efficace au lieu de nous entêter à demander inutilement quelque chose que nous n’obtiendrons probablement pas.

Le besoin est contraignant (nous n’avons pas vraiment le choix d’y renoncer) alors que le moyen est optionnel (nous pouvons toujours choisir ou d’inventer la façon la plus efficace de répondre à notre besoin). Nous sommes libres par rapport aux moyens que nous choisissons et nous avons toujours la possibilité de changer de moyen lorsque celui auquel nous pensions n’est pas efficace ou disponible.

Une autre distinction est tout aussi importante : le moyen correspond généralement à une action qui, la plupart du temps, implique une autre personne (ou exige sa collaboration). Parfois même, le moyen correspond à une action particulière qui doit être accomplie par l’autre. C’est le cas de la majorité des exemples de la liste ci-dessus.

Cette action qui devrait être celle de l’autre nous apparaît comme “une bonne affaire”. Si l’autre accepte, nous obtiendrons la satisfaction sans avoir eu besoin de nous mobiliser au-delà de l’expression de notre besoin. Mais en réalité, il s’agit d’un marché de dupes. Si l’autre accepte nous ne profiterons pas complètement de notre satisfaction mais nous perdrons toute raison de nous montrer insatisfait. S’il refuse, nous serons plongé dans l’impuissance et il ne nous restera pas d’autre issue que de nous plaindre de cette personne tout en restant insatisfait.

La distinction entre le besoin et le moyen est donc le plus court chemin pour récupérer notre pouvoir réel sur notre satisfaction tout en assumant une de nos responsabilités fondamentales en tant qu’être vivant: agir pour répondre à nos besoins. Qu’on présente notre moyen comme une demande ou une exigence ne change rien à ce fait : le moyen devient alors ce qui nous limite au lieu de demeurer une des multiples façons de répondre efficacement à notre besoin.


Comment distinguer

Comme nos besoins réels sont universels alors que nos habitudes et nos préférences sont reliés à notre culture et à notre environnement immédiat, nous pouvons utiliser cette caractéristique pour distinguer nos besoins de nos moyens. Il suffit souvent de se poser les questions suivantes pour savoir si nous avons raison de croire qu’il s’agit d’un besoin.

Est-ce que mon voisin, mon patron et quelqu’un qui vit sur un autre continent pourraient dire la même chose (avec la même signification)? Est-ce que tous les gens de mon âge, peu importe où ils sont, éprouvent ce besoin?

Si la réponse est oui dans les deux cas, il s’agit probablement d’un besoin réel. Si au moins une des deux réponses est non, nous avons probablement affaire à un moyen. S’il nous semble difficile d’admettre qu’il ne s’agit que d’un moyen et non d’un besoin malgré ce test, il y a de fortes chances qu’il s’agisse en plus d’une forme de contrainte. (Il en sera question plus loin.)

On peut utiliser un autre truc pour identifier le besoin réel qui se trouve dissimulé par le moyen auquel on reste accroché. Souvent, il suffit de chercher à identifier quelle satisfaction nous pourrions éprouver si le moyen était disponible, quelle sorte de bien-être nous espérons en tirer ou quel manque intérieur serait ainsi atténué. Nous obtenons alors rapidement une idée assez précise de la nature de notre besoin.


Demande ou obligation

Si on revient à la liste de “besoins” de la section précédente, on peut y déceler plusieurs énoncés dont le but assez évident est de forcer l’autre à agir d’une façon particulière. Les phrases qui commencent par “J’ai besoin que tu...” sont très souvent des exemples de cette catégorie. Le sens exact des ces énoncés est plus proche de “Je veux que tu te sentes obligé de...”.

Pourquoi présenter ce désir comme un besoin alors qu’il serait tellement plus clair de dire les choses directement comme elles sont vraiment ? Pourquoi chercher à imposer quelque chose alors qu’on sait que l’autre ne consent pas réellement à nous l’offrir ? Voyons un exemple un peu plus précis.

“J’ai besoin que tu me dises souvent que tu m’aimes” deviendrait, si on rendait explicite tout ce que la phrase sous-entend, quelque chose comme ce qui suit.

Je veux que tu prennes souvent l’initiative de me dire que tu m’aimes sans que j’aie à le demander. C’est une exigence que je refuse de négocier car je suis trop inquiète lorsque tu ne me le dis pas assez souvent à mon goût et je me sens trop vulnérable lorsque je dois le demander pour calmer mon angoisse. J’exige aussi que ça vienne spontanément de toi car si tu le fais en réponse à ma demande, je ne crois pas à ta complète sincérité.

On pourrait même ajouter, pour être complètement explicite, “Je sais que ce n’est pas dans tes habitudes d’agir ainsi, mais ça m’est égal. Il va falloir que tu deviennes plus expressif et plus spontané!”

Il faudrait pouvoir compter sur une dépendance ou une indulgence extrême de l’autre pour oser formuler ainsi cette exigence. C’est pourquoi la version indirecte qui dissimule l’exigence derrière un “besoin” est presque toujours celle dont on se sert.

Le fait de dire qu’il s’agit d’un besoin crée l’obligation et élimine la possibilité d’un refus (c’est au moins l’intention). Le fait de procéder indirectement permet d’éviter que la dépendance ou l’extrême indulgence ne deviennent évidentes. Les chances d’obtenir une réponse positive sont donc bien meilleures, même si l’expérience démontre que l’effort de conformité ne dure jamais longtemps. La relation peut rester inchangée et continuer à se détériorer lentement car rien ne permet d’en arriver à assumer soi-même la recherche de la satisfaction et la responsabilité de vivre et résoudre ses angoisses.

Encore une conclusion provisoire

Cette partie de l’article est déjà bien trop longue. Il faudra attendre la prochaine partie pour la suite. Ce dernier sera consacré à deux questions cruciales auxquelles il est maintenant plus facile de répondre correctement.

* Comment procéder pour bien identifier notre besoin réel ?
* Que faire lorsque ce besoin est bien identifié ?

À bientôt."
Bénévole
 
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Inscription: Mer 28 Jan 2009, 17:44

par briséis » Mer 13 Avr 2011, 18:06

récapitulatif:
1.vivre heureux à deux
2.transfert et droit de vivre
3.querelles et chicanes dans le couple
4.fuir ou affronter ses difficultés
5.Apprendre à m'aimer (Sortir de la dépendance affective)
6:Transfert et conquête de l'autonomie
7. Vouloir changer son conjoint
8.Reconnaître les vrais besoins

9. Être victime ou non

Par Michelle Larivey, psychologue


Qu'est-ce qui fait que certaines personnes sont une cible facile pour ceux qui veulent abuser d'elles? En l'illustrant de plusieurs exemples concrets, Michelle Larivey décrit le jeu de forces et l'interaction pernicieuse qui s'établissent entre le "souffre-douleur" et son "bourreau". Elle explique pourquoi ces personnes tolèrent cette injustice et sont incapables de se défendre. Elle indique enfin comment il est possible d'agir sur la situation et même d'abandonner définitivement cette attitude de "victime consentante".


Table des matières

o Introduction
o Quelques exemples
o Qu’est-ce qui se passe en réalité?
o Pourquoi accepte-t-on d’être une victime?
o Comment sortir du rôle de victime consentante?
o Conclusion




Introduction

Tout le monde peut se trouver en position de victime. On peut être victime d’un accident, d’un acte terroriste, d’une erreur judiciaire, d’agression physique ou psychologique... Essentiellement on appelle victime quelqu’un qui «subit» un tourment infligé contre sa volonté.

Dans une situation donnée, certaines personnes ont naturellement tendance à devenir des victimes car elles n’ont pas les moyens de se défendre contre l’agression qui leur est infligée. C’est le cas de toute personne vulnérable physiquement ou psychiquement, comme les enfants, les vieillards, les malades, les déficients mentaux. Mais c’est aussi le cas de ceux qui, par leur attitude, prêtent le flanc aux abus.

On pourrait dire que, par définition, la victime n’est aucunement responsable de son sort. Elle pâtit d’un acte qui lui vient de l’extérieur: l’action d’une autre personne ou un “acte de Dieu” comme on désigne souvent les cataclysmes naturels. Dans beaucoup de cas, en effet, la victime n’y est pour rien dans ce qui lui arrive. Mais il arrive aussi assez souvent qu’elle participe à ce qu’on lui fait subir.

Il n’y a pas matière à nous inquiéter s’il nous est déjà arrivé d’être la victime de quelqu’un ou d’un système, surtout si nous avons compris comment cela a pu arriver et si nous avons tiré les leçons de cette expérience. Mais si nous sommes souvent dans une telle situation, il est justifié de croire que nous avons un grave problème. Il est alors urgent de comprendre comment nous contribuons au mauvais traitement qui nous est infligé et d’apprendre à nous sortir de ce scénario autodestructeur.

Voyons, à travers quelques exemples, comment quelqu’un peut contribuer lui-même à se confiner dans le rôle de victime.


Quelques exemples


François

François est le souffre-douleur des «durs» de sa classe. Ces derniers ne manquent aucune occasion de le ridiculiser aux yeux des autres garçons. Il lui lancent des injures, le frappent. Ils réussissent même parfois à mobiliser la classe entière qui scande des encouragement à quiconque attaque François. Il n’est pas rare d’observer le pauvre gamin penaud entouré d’une bande de jeunes qui se moquent de lui, l’injurient ou le frappent.

Ravage François a eu droit à ce traitement de la part de ses compagnons de classe pendant presque toute la durée de ses études primaires et secondaires. Puis un jour cela a cessé radicalement. Il n’a plus subi ces sévices à compter du jour où il a cessé de les tolérer!


Élizabeth

Élizabeth est une professionnelle responsable, compétente et efficiente. Elle est très appréciée de ses supérieurs. Pourtant, elle a dû changer d’emploi régulièrement parce qu’elle souffrait trop du traitement que lui infligeait son chef d’équipe. Tombe-t-elle, par un curieux hasard, sur des coordonnateurs sadiques qui cherchent à détruire sa confiance? Est-ce qu’une autre explication rendrait mieux compte de ce qui se passe?


Henri

Henri ne ferait pas de mal à une mouche. Il est, depuis toujours, le souffre-douleur de sa femme. Au nom du principe selon lequel il est important de «ne rien garder sur le coeur», elle se sert de lui comme exutoire, l’agressant lorsqu’elle est en colère contre les autres et le dénigrant à tout propos lorsqu’elle «n’est pas dans son assiette». Dans l’espoir d’être moins blessé par ce comportement, Henri se dit qu’il a épousé une furie et qu’il n’y a rien à faire à cela. Heureusement, elle a aussi de belles qualités!

Les rationalisations d’Henri (les explications qu’il se donne pour mieux tolérer l’intolérable) ne l’empêchent pas d’être atteint chaque fois par l’attitude de sa femme. Il retient ses réactions, ce qui contribue à l’éteindre de plus en plus. Ses efforts pour être raisonnable ne l’empêchent pas non plus de perdre son estime de lui-même car il sait, au fond, qu’il a peur de réagir. Il a peur d’envenimer la relation, peur de se faire blesser davantage... peur de perdre sa femme. Petit à petit, il dépérit psychiquement.


Blaise

Blaise est un professionnel compétent, mais il sent sa situation menacée depuis l’arrivée de sa nouvelle patronne. Elle ne semble pas l’apprécier et, sans connaître à fond la nature de sa tâche, elle le pousse à faire des changements qui ne conviennent pas à la nature de ses responsabilités et surtout à la qualité de production à laquelle il aspire.

Blaise se sent menacé. Il craint de perdre son emploi, d’autant plus qu’il perçoit à travers divers signes l’engouement de sa directrice pour un de ses collègues. Cette situation le rend de plus en plus anxieux. Il se fait du souci et son travail s’en ressent. Il en vient peu à peu à ne plus se trouver à la hauteur et il est certain que sa patronne partage cette opinion. Anxieux et incapable de vérifier ses inquiétudes, il est engagé dans un processus où il perd de plus en plus ses moyens et va jusqu’à donner raison à sa supérieure. C’est au bord de la dépression qu’il reçoit de son médecin un congé de maladie soulageant mais terriblement inquiétant.


Diane

Diane pressent la volonté de sa patronne de la déloger de son poste. Elle sait que ce n’est pas pour des raisons d’incompétence: elle assume cette fonction avec brio depuis plusieurs années et ses supérieurs n’ont toujours eu que des éloges pour son efficience et son dévouement à l’entreprise. Elle ignore les vrais motifs de sa patronne, mais soupçonne qu’ils relèvent d’un tout autre agenda car elle observe un espèce de harcèlement analogue envers certains de ses collègues.

Refusant de se laisser éliminer sans se défendre, elle engage des procédures avec l’aide du syndicat. Ceci lui permet de quitter son emploi avec des compensations qui limitent ses pertes financières, mais elle constate par la suite que la réorganisation de sa vie est très difficile; c’est au plan psychique qu’elle a subi les dommages les plus importants. Se sentant trahie par l’entreprise à laquelle elle était si dévouée depuis si longtemps, elle est révoltée de constater l’appui que la direction, par son silence, accorde à cette injustice. Elle ne voudrait plus retourner dans un milieu aussi toxique, mais elle se retrouve pleine de rage impuissante qu’elle ne parvient pas à évacuer et qui se transforme en une lourdeur permanente au creux de son estomac.


Qu'est-ce qui se passe en réalité?

Voyons comment et pourquoi cela se passe ainsi pour chacun d’entre eux. Tentons de comprendre ce que chacun vit et pourquoi il se comporte ainsi. Cela nous permettra d’identifier comment il pourrait être possible de ne pas adopter un rôle de victime ou de sortir de ce scénario.


François

Ravage
François ne s’aime pas. Il est légèrement rondelet et physiquement peu habile, ce qui l’amène à éviter autant que possible les activités physiques. C’est sur beaucoup de plans qu’il n’a pas confiance en lui, mais c’est surtout dans les domaines qui sont valorisés par les jeunes de son âge. Aussi, la plupart du temps, il reste en retrait, observateur plutôt qu’acteur.

Au lieu de l’encourager à s’expérimenter dans le sport et les autres domaines où il réussit mal, ses parents le consolent et lui disent de ne pas s’en faire. Ils adoptent la même attitude à propos des mauvais traitements qu’il subit de la part de ses camarades. Ils lui recommandent de plus de ne pas se défendre afin de ne rien envenimer et l’encouragent à se placer «au-dessus» de tout cela.

Les camarades perçoivent très bien ce manque d’estime de soi chez François. Ils sont conscients de son peu de respect pour sa propre personne et ils le méprisent de cela. Il est probable aussi que la combinaison de son manque de respect et de son attitude de victime soulève leur colère. En effet, François ne se défend jamais devant les manifestations de leur agressivité. C’est ce qui les amène à augmenter chaque fois la gravité de leur agression dans l’espoir de rencontrer les limites à respecter. Ils sont à la recherche d’une résistance suffisante pour les impressionner.

François et ses parents craignent qu’une réaction à l’agression n’ait d’autre résultat que de l’envenimer. Mais c’est précisément le contraire qui se produit. Les jeunes recherchent naturellement les limites pour baliser leur comportement. Les humains ont besoin de se faire imposer des limites claires pour déterminer le moment où ils doivent s’arrêter.



Élizabeth

Élizabeth ne parvient pas à s’appuyer sur son sentiment de compétence professionnelle pour faire obstacle aux agressions de ses coordonnateurs. Par exemple, lorsqu’ils cherchent à la déstabiliser en n’accordant aucune importance à un rapport qu’elle a préparé avec soin, elle ne met pas vraiment en doute la valeur de son travail; elle enrage sans le manifester ouvertement. Lorsque son coordonnateur l’infantilise en lui imposant des règles inutiles, elle se révolte intérieurement mais ne laisse rien paraître. On pourrait dire qu’elle ne se respecte pas assez elle-même pour manifester son indignation devant un geste arbitraire ou une injustice. Elle ne dénonce jamais ces injustices; elle rage intérieurement ou pleure secrètement sur son sort. Elle se replie sur elle-même au lieu de contre-attaquer. Avec le temps, l’accumulation des attaques et son absence de réaction la minent. Elle frôle la dépression.

Dans son incapacité à considérer comme inacceptable le traitement qu’on lui fait subir, Élizabeth se rend complice de ces sévices: son silence laisse croire qu’elle est d’accord avec l’attitude de son agresseur. Selon elle, c’est la crainte d’empirer la situation et de perdre son emploi en se mettant cette autorité à dos qui explique son manque de réaction. Mais en réalité, cette peur perdrait beaucoup d’importance si elle s’aimait d’avantage. Elle choisirait de respecter ce qu’elle éprouve au lieu de se soumettre automatiquement!



Henri

Henri adopte le rôle du garçon raisonnable en passant par-dessus les affronts que lui fait son épouse. Au début, il lui fallait un effort substantiel pour éteindre la rage et la tristesse qui montaient en lui à chaque agression. Maintenant, c’est beaucoup plus facile d’y arriver. En fait, toutes les bonnes raisons qu’ils s’est données pour se rendre insensible on réussit à faire de lui un homme éteint. C’est pourquoi il se retrouve souvent assailli par une angoisse sans cause apparente. Il ne sait pas que cette angoisse est un cri de son organisme qui ne peut tolérer ce traitement. Il ne voit pas non plus de lien entre sa phobie «d’étouffer» dans certains lieux et «l’étau» dans lequel il s’étreint pour ne pas réagir à sa femme. Il n’a pas encore réalisé que sa tactique d’évitement le tue à petit feu.


Blaise

Blaise n’ose pas se servir de son «pouvoir de compétence» pour résister aux pressions de sa supérieure. Il renonce à exercer l’influence que celle-ci lui procure et pour laquelle on lui paie son salaire. Il renonce à ce pouvoir réel même s’il sait que sa patronne est incompétente dans son domaine (non seulement elle est nouvelle au département mais elle ne connaît pas sa spécialité).

Il se laisse intimider par l’assurance de cette dernière même s’il la sait fausse. Il en vient donc à «reculer sur ses positions» au moindre obstacle ou après les avoir justifiées timidement. Il obéit malgré son désaccord «professionnel» et, par sa passivité, il se discrédite lui-même.

Blaise augmente en plus son anxiété en ne cherchant pas à vérifier s’il est vrai que sa patronne n’a pas confiance en lui, qu’elle s’apprête-t-elle à lui soutirer son poste. Au lieu de cela il s’inquiète, se fait du mauvais sang. Il y consomme une énergie folle qu’il pourrait autrement consacrer à une action plus productive ou bénéfique.

Il ne recherche pas le support des autres mais choisit l’isolement. Il ne se fie pas non plus aux sentiments que déclenchent en lui cette agression destructrice. Ses émotions sont fortes, mais il les calme en absorbant des calmants de toutes sortes.



Diane

Ravage
Le cas de Diane est différent de tous les autres ci-dessus car elle est plus lucide sur sa situation. Elle en est venue à percevoir clairement la perfidie dont elle est victime. Elle décode bien le jeu de pouvoir et la rivalité personnelle qui animent sa patronne. Mais comme elle se trouve aux prises avec ce qu’elle considère comme la plus haute autorité, elle se croit impuissante à faire changer le cours des choses. Elle n’ose pas envisager, par exemple, de s’adresser au conseil d’administration de l’entreprise car elle sait qu’elle a déjà été victime de calomnies et parce qu’elle ne veut pas risquer d’y essuyer un échec. Elle ne tente pas non plus de s’unir aux collègues qui ont subi un sort semblable pour constituer une force de résistance car elle craint les dénonciations et ne peut savoir comment ils interprètent la situation. En fait, le harcèlement l’a atteinte au point où elle ne veut plus consacrer d’énergie à lutter pour l’équité.

Sa démission lui coûte plus cher qu’elle ne le soupçonne. En effet, en permettant à son «bourreau» de s’en tirer ainsi, en acceptant de dissimuler les motifs réels de sa démission, elle assène un dur coup à son estime d’elle-même. Elle sait très bien qu’elle ne va pas jusqu’au bout, qu’elle ne prend pas tous les moyens pour se faire respecter.

Manque-t-elle de courage, de ténacité, de sécurité? Au fond, elle n’a pas suffisamment de considération pour elle-même pour accorder la priorité à son intégrité, pour sauver son honneur en faisant savoir haut et clair qu’elle ne mérite pas un tel traitement. Elle tente plutôt de partir la tête haute en limitant les dommages à son orgueil. Mais en tentant de protéger son orgueil, c’est son estime d’elle-même qu’elle sacrifie. Il n’est pas étonnant qu’elle se retrouve ensuite déprimée, incapable de tourner la page et de poursuivre une carrière qui était si bien amorcée il n’y a pas si longtemps.




Pourquoi accepte-t-on d’être une victime?


La situation actuelle

Parce qu’elles n’osent pas réagir ouvertement, les «victimes» n’ont jamais l’occasion de déceler la peur qui caractérise ceux qui s’acharnent sur les gens sans défenses. Elles n’ont jamais l’occasion de voir que leurs «bourreaux» tout-puissants sont trop timorés pour perpétrer leur agression ouvertement. Cette ignorance contribue à les maintenir dans leur attitude passive et leur position de victime.

Solitude
Mais même si elles pouvaient percevoir cette faiblesse chez leur agresseur, elle resteraient souvent incapables de se défendre. Il leur manquerait encore le respect de soi; seul ingrédient capable de les inciter à exiger le respect des autres. En effet, pour commander le respect, il faut d’abord s’aimer soi-même, se considérer comme une «personne valable» qui mérite d’être traitée comme telle. Et pour cela (comme le souligne l’exemple d’Élizabeth), il ne suffit pas de s’estimer au plan professionnel. L’assurance de sa compétence ne donne pas nécessairement le sentiment d’être valable en tant que personne. C’est d’une estime de soi beaucoup plus vaste qu’il s’agit ici.

Il faut souligner aussi que les victimes qui se laissent maltraiter sans réagir ont tendance à s’imaginer que les autres fonctionnent à partir des mêmes principes qu’elles. Comme il s’agit généralement de «bonnes personnes» qui accordent de l’importance au respect de l’autre et qui évitent d’en abuser, elles s’attendent à ce que leur agresseur se restreigne lui-même, au nom des mêmes valeurs. Par peur de la confrontation qui en résulterait, elles refusent de constater que ce sont d’autres règles du jeu qui s’appliquent.

En résumé on peut donc dire que chacun put devenir victime par accident mais qu’il faut un comportement particulier pour le demeurer. Il faut (1) un aveuglement nourri par la peur de réagir ouvertement, (2) un manque important dans l’estime de soi et (3) une naïveté volontaire sur les motifs des autres. Et comme la position de victime entretient le manque d’estime de soi en nous maintenant dans une passivité humiliante devant les affronts, il est plus difficile d’en sortir si on y est resté plus longtemps.


Les origines de la faible estime de soi

Pour que le rôle de victime devienne une situation durable, il faut donc un terrain favorable: il faut une faiblesse importante dans le respect de la personne pour elle-même. C’est cette déficience qui ouvre la porte aux abus répétés. Examinons plus précisément les deux principaux facteurs qui sont à l’origine de cette vulnérabilité.


La famille

Au départ, le respect de soi s’appuie avant tout sur le respect que nos parents ont manifesté pour l’être que nous sommes, avec notre personnalité, nos qualités propres et nos aspirations particulières. Si nos parents nous ont considéré et traité comme un être valable, nous avons tendance à adopter la même attitude envers nous-mêmes.

La femme battue a appris, au contact de ses parents, qu’elle méritait d’être traitée avec brutalité. Depuis cette époque, elle n’a pas développé suffisamment son estime d’elle-même pour considérer comme insupportable d’être ainsi traitée par son mari et mettre fin à ces abus.

La personne qui se laisse aujourd’hui dénigrer sans se révolter a vraisemblablement été traitée de façon analogue dans sa famille. C’est là qu’elle a appris qu’il était «normal» qu’on lui fasse cela. C’est sa perception d’elle même qu’elle devra changer pour cesser de tolérer ce type de mépris.



Le manque d’estime de soi

Mais l’influence de la famille est loin de tout expliquer. En effet, chacun de nous est responsable de continuer son développement psychique tout au long de sa vie. C’est une loi de la nature qui s’applique à tous les êtres vivants. Chez les humains, grâce à des fonctions mentales et psychiques plus évoluées, cette responsabilité inclut la possibilité de corriger la plupart des «mauvais plis» acquis pendant la première éducation. Quelque soit le rapport que nos parents ont entretenu avec nous il nous faut «mériter» notre propre respect.

Au-delà du respect dû à un être humain comme créature vivante, il y a celui qui découle de sa valeur comme personne. Or chacun d’entre nous faisons continuellement une «évaluation» de notre valeur «en tant que personne». Nos critères d’évaluation sont individuels; ils sont les reflets de notre propre échelle de valeurs. C’est le résultat de cette évaluation qu’on désigne en parlant de «l’estime de soi». Celle-ci varie continuellement selon la façon dont nous respectons nos propres valeurs.

François, Élizabeth et Henri, comme tous ceux qui «se laissent manger la laine sur le dos», s’en veulent probablement, au fond, d’être aussi bonasses. Chaque fois qu’ils se montrent trop tolérants, leur estime d’eux-mêmes diminue et la côte devient plus difficile à remonter.

Le respect de soi est proportionnel à cette estime de soi. C’est parce que nous nous estimons que nous tenons à nous respecter. Tout comme l’amour qu’on porte à un autre est empreint de l’estime qu’on lui porte, l’estime de soi est un des ingrédients importants de l’amour de soi.

solitude
L’estime de soi se gagne essentiellement en étant «fidèle» à ce qui est important pour nous, c’est à dire en vivant selon nos valeurs et en prenant les risques nécessaires pour réaliser nos aspirations. L’estime de soi est donc la fierté particulière que nous tirons de ces façons d’agir. C’est pour cette raison que l’estime de soi ne peut être transmise à quelqu’un d’autre; elle doit absolument être gagnée par chacun pour lui-même.

Si François, Élizabeth et Henri dépriment à force de tolérer une situation intenable, c’est parce qu’au fond d’eux-mêmes ils pressentent qu’ils ne se respectent pas. Sans nécessairement l’avoir identifié clairement, ils «savent» que ce qu’ils font est contraire à leurs valeurs. C’est certainement le cas, par exemple, s’ils ne sont pas eux-mêmes du genre à s’en prendre à un moins fort pour satisfaire leur désir de puissance ou pour se défouler.

Ils savent donc qu’ils permettent à quelqu’un de leur faire subir un traitement qu’eux-mêmes ne feraient subir à personne parce que ce serait contraire à leurs valeurs. En permettant qu’on leur inflige ce traitement, ils créent une contradiction néfaste pour leur propre estime. Le comportement inverse (se défendre), leur permettrait au contraire de rehausser leur estime en revenant à la hauteur de leurs valeurs et de leurs principes de vie.



Comment sortir du rôle de victime consentante?

On pourrait dire, en simplifiant beaucoup, qu’il suffit, pour en sortir, de cesser de consentir. C’est en partie vrai parce que la situation commence à changer dès que la victime n’accepte plus de se laisser utiliser ainsi. Mais, comme pour tous les changements importants dans notre comportement, celui-ci s’appuie sur nos attitudes. Et, nous le savons bien, il n’est jamais facile de changer nos attitudes. Voyons de plus près les trois principales attitudes qui sont en cause lorsqu’on abandonne le rôle de victime.


La détermination à se respecter

Le coeur de la solution réside certainement dans la détermination à se respecter soi-même. Mais se respecter suffisamment pour ne pas tolérer d’être victime ne relève pas surtout d’une décision rationnelle. Il faut combiner plusieurs facteurs pour créer cette attitude envers soi-même.

Entreprendre
Essentiellement, il faut d’abord se respecter soi-même avant de commencer à l’exiger des autres. Je l’ai suffisamment expliqué plus haut, ce respect de soi passe par l’estime de soi.
Il faut également une certaine bienveillance envers soi-même pour refuser de se laisser maltraiter et décider de se faire respecter. On pourrait dire qu’il faut s’aimer soi-même. Cette expression mérite des explications.

L’amour de soi se constitue en partie à partir de l’estime qu’on se porte, mais il y a plus. On peut le comparer à l’affection qu’on éprouve pour quelqu’un, mais cette analogie est boiteuse car il est impossible d’avoir de l’affection pour soi-même. En fait, ce qui ressemble à de l’affection dans l’amour de soi, c’est la «bienveillance»: une attitude intimement liée au sentiment d’affection et qui nous porte à prendre soin des gens que l’on affectionne. C’est cette même attitude de bienveillance que l’on trouve chez une personne qui s’aime: elle «prend soin d’elle» et recherche la compagnie de personnes qui la traitent avec considération. Tous les exemples présentés dans cet article laissent facilement reconnaître une faiblesse dans cette bienveillance.

L’amour de soi ne repose pas uniquement sur l’estime, même s’il lui est intimement lié. Il a besoin de s’appuyer aussi sur une connaissance réelle de la personne que nous sommes. Pour permettre de s’aimer, cette connaissance doit être acquise dans un contexte de respect. Il faut se laisser vivre et prendre forme, se laisser l’espace pour s’épanouir si on veut se connaître vraiment. Cette connaissance de soi vient du contact que nous établissons avec nous-même en ressentant nos sensations et nos émotions, en reconnaissant nos désirs et nos aspirations, en nous découvrant à travers diverses expérimentations.

Sous cet angle, cet amour de soi est bien loin de l’attitude surprotectrice à laquelle on l’assimile souvent en souhaitant «se faire du bien». Il ressemble plutôt à celui que nous éprouvons pour un autre, car il découle en grande partie de la connaissance que nous avons de son moi intime et du respect mérité qui en découle.


La conviction d’un abus

Bien souvent, la victime est incapable d’affirmer que son attaquant dépasse vraiment les bornes. Son respect pour elle-même est trop déficient pour en arriver à porter un tel jugement. Elle sait bien qu’elle souffre de la situation, mais n’a pas la sécurité nécessaire pour décider qu’on abuse de sa patience, de sa tolérance, de sa passivité ou de sa faiblesse. Il lui semble presque normal d’être ainsi traitée.

Pour cette raison, il est important qu’elle obtienne de l’aide. Il lui faut le support et le jugement de quelqu’un d’autre pour évaluer correctement la situation et pour trouver les moyens de se défendre.

Les organismes d’entraide jouent souvent ces rôles auprès des victimes qui s’adressent à eux. Ils sont en mesure de porter un jugement plus objectif sur la situation (en compensant pour l’aveuglement de la victime) et connaissent bien les ressources disponibles et les moyens à utiliser. Un psychothérapeute peut aussi être utile à cet égard, mais l’essentiel de sa contribution se situe plutôt dans le secteur de l’estime de soi et de la peur de s’affirmer.


Cesser de vouloir éviter le pire

Typiquement, les personnes qui sont choisies comme victimes ont tendance à rechercher la sécurité avant tout de peur que le situation s’envenime. C’est une des raisons principales qui amènent leur bourreau à les «adopter» comme souffre-douleur, comme bouc émissaire ou comme faire-valoir.

* «Je ne vais pas essayer de l’arrêter de me bousculer, il va me tabasser encore plus fort.»
* «Si je dénonce son traitement, si je proteste, si j’argumente... ce sera pire.»
* «Si j’informe le supérieur de mon patron, je risque de perdre ma place.»




Tout «harceleur» connaît bien ce scénario et peut le prévoir assez facilement. Il sait reconnaître les personnes qui choisissent ce mutisme comme méthode de protection et sait s’en servir pour asseoir son pouvoir. Il sait qu’il peut toujours compter sur cette inhibition pour aller aussi loin qu’il le désire dans son attaque abusive, qu’il ne rencontrera aucune résistance réelle. Pour des raisons morbides qui lui sont propres, il accueille à bras ouvert cette opportunité que lui présente sa victime.

Cette dernière s’illusionne en croyant avoir adopté la meilleure stratégie pour se protéger. La victime se met elle-même gravement en danger en croyant éviter le pire. Elle invite à tous les abus, elle pousse son «bourreau» à vérifier dans l’action jusqu’où il peut aller impunément. Mais, pire encore, elle se condamne à se mépriser elle-même de ses compromis et de sa lâcheté devant les gestes qu’elle désapprouve parce qu’ils sont contraires à ses valeurs. C’est sa survie psychique qui devient alors le principal enjeu. Quelques ecchymoses de plus, quelques reproches supplémentaires, quelques mois de plus dans un emploi où on est misérable valent-ils un tel sacrifice? Il est bien rare que la vraie réponse soit affirmative; seule la peur d’une victime consentante peut faire croire qu’il s’agit d’un prix raisonnable à payer.


Conclusion


Pour sortir du rôle de victime consentante, il faut entreprendre un cheminement qui touche plusieurs de nos attitudes profondes. Mais pour que cette démarche soit efficace, il faut aussi passer à l’action, poser des gestes concrets qui changent la situation et brisent le cercle vicieux dans lequel la relation avec le bourreau s’est développée.

Essentiellement, ces actions consistent à se défendre. Il s’agit de prendre position ouvertement pour refuser les traitements abusifs et d’aller jusqu’au bout de cette défense, même si on n’obtient pas tous les résultats désirés. S’il arrive qu’on choisisse de renoncer en cours de route, il est important de le faire en sachant que ce recul aura des conséquences néfastes et qu’il faudra y pallier par une aide psychothérapique. Autrement, il ne resterait alors aucune autre solution que de chercher à oublier, en se condamnant à l’angoisse permanente qui accompagne toujours cette solution et aux complications supplémentaires qui viennent s’y ajouter tôt ou tard .


Et lorsqu’on parvient à en sortir, il ne faut pas oublier de travailler à rehausser son estime de soi et son amour de soi. C’est seulement grâce aux résultats de ce travail qu’on pourra éviter de retomber dans ce piège destructeur. Il faut souvent une aide extérieure pour compléter cet important travail de reconstruction personnelle.


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Dernière édition par briséis le Jeu 21 Avr 2011, 11:26, édité 1 fois.
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par Malichka » Jeu 14 Avr 2011, 09:06

Merci briséis pour tous ces articles...
J'ai un peu zyeuté en diagonale...
Je vais les imprimer pour les avoirs sous la main.

Merci encore. :)
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par Xiao_Bai » Ven 22 Avr 2011, 03:24

pfiou ! je me reconnais tellement là-dedans ! maintenant je sais qu'il faut que j'apprenne à m'aimer :coeur: ça doit exister des bouquins sur l'estime de soi, non ? faudrait que je m'en achète un ! faut que je creuse de ce côté là :lol:
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par lise » Mar 26 Avr 2011, 17:23

Bonsoir à tous et bonsoir Briseis,

pendant mon absence (du à des virus informatique) j'ai acheté le livre "la blessure d'abandon" que je suis en train de lire. Merci beaucoup, car c'est très bien écrit, facile à comprendre.
Je le parcoure avec beaucoup d'interet, ce n'est que le premier de la liste !!!!

Merci encore !
(ps : je suis contente de revenir apres cette absence forcée, ca fait du bien !!!!)
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par briséis » Mar 26 Avr 2011, 18:54

yael a écrit:Bonsoir à tous et bonsoir Briseis,

pendant mon absence (du à des virus informatique) j'ai acheté le livre "la blessure d'abandon" que je suis en train de lire. Merci beaucoup, car c'est très bien écrit, facile à comprendre.
Je le parcoure avec beaucoup d'interet, ce n'est que le premier de la liste !!!!

Merci encore !
(ps : je suis contente de revenir apres cette absence forcée, ca fait du bien !!!!)


Ha bah oui, je m'inquiétais un peu de ton absence ! :?
contente de voir que ça te plait ! et contente de te revoir parmi nous ! :D
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par lise » Mar 26 Avr 2011, 19:07

oui, merci !!!
ça me fait un bien fou de pouvoir vous lire !
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par stephy31 » Mar 26 Avr 2011, 22:57

Bonsoir Briséis

Je ne sais pas si ma requête doit apparaitre ici mais en regardant ma vie je me rends compte que je traine le passé avec moi et inconsciemment et même surement je crée un blocage au fond de moi.
J'ai perdu mes parents à l'age de 14 et 16 ans et malgrés que j'ai mené ma vie tant bien que mal je sais que ce mal me ronge de l'intérieur et fais parti de moi que je le veuille ou non.
Les amis me disent que je n'ai pas totalement fais mon deuil et pourtant je connais mon problème, je sais que j'ai un perpétuel manque de tendresse et de reconnaissance mais comment évacuer totalement et mieux vivre avec ce passé ?
Je n'ose faire une thérapie car je me dis qu'on ne fera que m'apprendre ce que je sais déjà !
J'aimerais des conseils sur ce sujet !
Comment vivre après un deuil ?
Comment accepter ?
Enfin tout ce qui touche de près ou de loin a la perte d'un être cher !
Je te remercie d'avance pour tout ceux qui seront interressés par ce sujet et pour ton dévouement sur ce forum
Tu es notre ange gardien et nous avons besoins de tes lumières et de ton réconfort
Bien a toi :petit ange:
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par briséis » Mer 27 Avr 2011, 09:13

stephy31 a écrit:Bonsoir Briséis

Je ne sais pas si ma requête doit apparaitre ici mais en regardant ma vie je me rends compte que je traine le passé avec moi et inconsciemment et même surement je crée un blocage au fond de moi.
J'ai perdu mes parents à l'age de 14 et 16 ans et malgrés que j'ai mené ma vie tant bien que mal je sais que ce mal me ronge de l'intérieur et fais parti de moi que je le veuille ou non.
Les amis me disent que je n'ai pas totalement fais mon deuil et pourtant je connais mon problème, je sais que j'ai un perpétuel manque de tendresse et de reconnaissance mais comment évacuer totalement et mieux vivre avec ce passé ?
Je n'ose faire une thérapie car je me dis qu'on ne fera que m'apprendre ce que je sais déjà !
J'aimerais des conseils sur ce sujet !
Comment vivre après un deuil ?
Comment accepter ?
Enfin tout ce qui touche de près ou de loin a la perte d'un être cher !
Je te remercie d'avance pour tout ceux qui seront interressés par ce sujet et pour ton dévouement sur ce forum
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Bien a toi :petit ange:


coucou stephy,
je suis vraiment désolée pour toi. :(
tu penses que la thérapie ne t'apportera rien et pourtant tu as encore des questions sans réponse aujourd'hui, que tu me poses sur un post de psychothérapie :wink: mais je comprends ta réticence. pour le deuil il faut du temps, et ce n'est pas du domaine de la logique ou du mental (sauf en ce qui concerne la détection des conséquences de cette perte sur ta vie actuelle). il s'agit là d'émotionnel.
je te poste 3 articles (qui concernent aussi les ruptures, mais le processus est sensiblement le même , oui , oui ! ) pour toi ! alors bonne lecture !!! :wink: :D
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par briséis » Mer 27 Avr 2011, 09:16

1.vivre heureux à deux
2.transfert et droit de vivre
3.querelles et chicanes dans le couple
4.fuir ou affronter ses difficultés
5.Apprendre à m'aimer (Sortir de la dépendance affective)
6:Transfert et conquête de l'autonomie
7. Vouloir changer son conjoint
8.Reconnaître les vrais besoins
9. Être victime ou non

10. Deuils et séparations


Par Jean Garneau , psychologue


Résumé de l'article

Même si elles peuvent paraître différentes, les expériences du deuil et de la séparation se ressemblent profondément. Les deux nous obligent à un renoncement qui touche nos besoins psychiques les plus importants. La "sagesse populaire" propose plusieurs façons de réagir à ces situations: se distraire, passer à autre chose, transformer la peine en agressivité, trouver quelqu'un pour nous consoler, etc.

Jean Garneau explique comment ces expériences peuvent devenir des occasions d'épanouissement pourvu qu'on en relève les défis fondamentaux. En mettant en lumière les forces profondes qui sont en jeu, il propose des pistes qui permettent de mieux vivre ces pertes et d'en tirer tout le potentiel de vie.


Table des matières

A. Introduction
B. L'expérience de la perte
1. Une séparation expressive
2. Une fin attendue
3. Une perte sans adieux
C. Les ingrédients de la douleur
1. Une relation satisfaisante ?
2. Une rupture brutale
3. Une décision extérieure
4. Un manque important
D. Les défis de la séparation
1. Le renoncement
2. Le risque de vivre
E. Les blocages et leurs solutions



A. Introduction


Nous avons tous perdu des êtres chers. Parfois c'est la mort qui nous les enlève, plus ou moins brusquement. D'autres fois c'est par une décision que se produit l'éloignement: une personne précieuse décide de nous quitter ou nous choisissons de nous en éloigner.

Que ce soit la mort ou la rupture qui provoque la séparation, nos réactions profondes se ressemblent. Nous sommes privés d'un être auquel nous accordions une place privilégiée dans notre vie. Nous perdons une personne qui avait un pouvoir important sur notre bonheur, sur la satisfaction de nos besoins les plus importants.

Certaines de ces pertes sont si difficiles à accepter que nous sommes incapables de nous en remettre vraiment, même après plusieurs années. D'autres sont plus rapidement résolues et ne nous retiennent pas dans le passé. Pourquoi?

J'ai l'intention, dans cet article, de mettre en lumière ce qui fait la différence entre les deuils interminables qui nous retiennent dans le passé et ceux qui nous permettent d'aller de l'avant en mordant à pleines dents dans la vie. À partir d'une meilleure compréhension de ces éléments, je crois qu'il est possible de mieux gérer nos deuils et nos séparations afin qu'ils deviennent des tremplins pour nous épanouir.

B. L'expérience de la perte


1. Une séparation expressive

Certaines pertes sont imprévues: elles surviennent brusquement alors qu'on ne s'y attendait pas. Elles nous prennent par surprise en nous enlevant un être sur lequel nous comptions de façon importante pour la satisfaction de besoins importants, en nous privant d'une personne à laquelle nous étions profondément attachés.

Jacques a 6 ans. Il est assis sur la terre sèche, sous le balcon, avec son chien dans les bras. C'est son compagnon de tous les instants et son meilleur ami. Son chien le regarde d'un air inhabituel; il semble l'implorer de faire quelque chose pour résoudre le problème. Mais Jacques sait que son compagnon est mortellement blessé et qu'il n'y peut rien. Tout ce qu'il est capable de faire, c'est de le tenir dans ses bras, de le flatter doucement et de lui dire qu'il l'aime en pleurant. Et doucement l'animal s'éteint, comme apaisé.

Parce qu'elle survient chez un enfant, parce qu'elle lui retire un être très cher, et parce qu'elle arrive brusquement, imprévue, nous avons tendance à croire que cette perte sera traumatisante. Nous prévoyons qu'elle laissera le petit Jacques en deuil pour longtemps, incapable d'assumer son impuissance devant l'absurdité d'une mort arbitraire et injuste. Mais cette perte n'est pas de celles auxquelles on reste accroché. Comme nous le verrons plus loin, tous les défis de la séparation y sont relevés avec succès.


2. Une fin attendue

D'autres deuils arrivent comme un aboutissement, presque un soulagement. La mort ou la séparation est prévue et attendue; elle vient mettre un terme à une situation qui n'était plus synonyme de satisfaction, à une relation qui ne permettait plus de combler ses besoins. On y perd un être qui a déjà été cher mais qui n'est plus vraiment source de satisfaction. Fin d'une relation qui n'est plus vivante ou décès d'un être cher de qui on s'est éloigné: cette perte est d'une toute autre nature que la précédente.

Paul a une quarantaine d'années et son père est mort cette nuit. Il éprouve un étrange mélange de vide et de soulagement; il souffrait tellement! Et Paul souffrait presque autant de devoir lui mentir sur la gravité de sa maladie.

Mais c'est l'inquiétude qui domine en lui: il est soucieux de la façon dont sa mère survivra à ce départ. C'est parce qu'elle l'a demandé avec insistance que Paul a accepté ce mensonge, ce silence qui l'a gardé loin de son père pendant ses dernières semaines. Maintenant, il n'est plus sûr d'avoir eu raison d'accepter. Ce vide, ce manque qui l'habite lui fait croire qu'il a gaspillé une dernière chance d'exprimer son amour et sa reconnaissance. Il n'est pas vraiment satisfait de se retrouver avec sa mère et les autre enfants, à parler de sa bonté et à se rappeler de bons souvenirs avec nostalgie.

Contrairement à l'exemple du petit Jacques, un deuil comme celui-ci laisse des cicatrices durables. Même si la mort est prévue à l'avance et attendue comme un soulagement, même si la rupture n'a rien de brusque, le deuil ne se fait pas vraiment. On se retrouve avec une expérience incomplète qu'on ne parvient pas à "digérer". Paul ne pourra peut-être jamais renoncer complètement à ce qu'il a accepté de sacrifier: une dernière occasion de rejoindre son père et de lui faire connaître ses vrais sentiments. Il restera accroché à ce manque et y perdra une partie de sa vitalité.

On observe les mêmes difficultés dans certaines ruptures qui se font après une préparation de plusieurs années. Le détachement ne se fait pas vraiment; une des personnes reste accrochée à cette relation qui n'est plus vivante depuis longtemps. Elle garde un espoir de réconciliation ou un désir de vengeance qui l'empêche de devenir disponible pour une nouvelle relation plus satisfaisante. Pourtant, il y a longtemps que la relation n'est plus vivante et qu'elle ne rend personne heureux.


3. Une perte sans adieux

Voyons une troisième situation: celle d'une mort subite et imprévue qui ne laisse pas, comme le premier exemple, la possibilité de vivre une ultime rencontre d'adieu. Il s'agit ici d'une perte brusque dans le contexte d'une relation satisfaisante.

Frédéric vient d'apprendre que sa mère est morte cette nuit dans son sommeil. Il est complètement sonné! Rien ne laissait prévoir cette mort subite. Encore hier, elle était si vivante lorsqu'il l'a croisée. S'il avait su, il aurait pris le temps de jaser un peu, de l'embrasser, de manger avec elle... Mais non! Il n'avait pas le temps de s'arrêter.

Et maintenant, il pleure comme un bébé. Heureusement que quelqu'un d'autre s'occupe des formalités, car il en serait bien incapable. Il est atterré par la violence de cette mort subite! Pourtant, c'est comme elle qu'il choisirait de mourir s'il avait le choix. Mais pour ceux qui restent...

Cette mort imprévue provoque des réactions violentes: un choc qui rend Frédéric incapable de réagir normalement, des crises de larmes intenses à répétition pendant plusieurs jours, une grande vulnérabilité psychique qui dure plusieurs semaines et une abondance de souvenirs qui émergent brusquement, accompagnés d'un flot d'émotions intenses. On s'attendrait à une longue période de deuil envahissant. Pourtant, l'équilibre de Frédéric se refait rapidement. Après plusieurs jours, ses réactions intenses du début font place à un désir de vivre renouvelé. Le deuil est devenu l'occasion de redécouvrir combien la vie est précieuse et combien il veut y faire de la place aux personnes qui lui importent.

Frédéric a laissé vivre ses réactions, il les a laissé s'exprimer librement. Il les a aussi partagées avec les personnes qui étaient assez proches. Malgré la force des émotions et l'ampleur qu'elles prenaient dans sa vie, il a choisi de leur faire cette place. C'est cette option qui lui a permis de faire rapidement les renoncements inévitables et de redevenir disponible pour vivre.

C. Les ingrédients de la douleur


On se remet rapidement de certaines pertes alors qu'on reste inconsolable des autres. Quels sont les éléments qui font la différence? L'intensité de la douleur fait sûrement partie des dimensions importantes dont il faut tenir compte pour comprendre un deuil ou une séparation.

Cette intensité de la peine peut varier beaucoup d'une relation à l'autre. Certaines ruptures sont avant tout un soulagement alors que d'autres sont un déchirement intolérable. Voyons ce qui les distingue.


1. Une relation satisfaisante ?

La qualité de la relation qu'on perd est évidemment une dimension importante. La perte est plus douloureuse lorsque la relation avec l'être cher était profondément satisfaisante, particulièrement lorsqu'elle permettait de combler plusieurs besoins ou de trouver des satisfactions rarement accessibles.

Lorsqu'on perd une personne avec qui la relation était peu satisfaisante ou même essentiellement frustrante, la perte peut être bien moins douloureuse. On peut même y trouver un soulagement important. Mais il est rare que ce soit aussi simple.

L'exemple de Paul est intéressant à cet égard: le décès de son père est un soulagement, mais pourtant il reste inconsolable. Il ne peut accepter de s'être privé de faire ses adieux à sa satisfaction et de vivre ouvertement avec lui cette séparation. C'est donc les regrets qui ont le plus d'importance même si la mort était la bienvenue. C'est la satisfaction potentielle qui prend le pas sur la frustration réelle.

Un autre exemple fréquent: celui de la personne qui quitte un conjoint violent et tyrannique, ou même un conjoint dont l'amour s'est éteint. Elle n'est pas forcément soulagée et libérée. Il arrive souvent qu'elle éprouve au contraire un manque, comme si elle avait vraiment perdu une importante source de satisfaction. Encore ici, c'est la possibilité (même improbable) de satisfaction qui l'emporte.


2. Une rupture brutale

Un deuxième ingrédient qui rend la perte plus douloureuse et le deuil plus intense est le caractère soudain et imprévu de la séparation. C'est ce qui se passe dans les exemples du petit Jacques et de Frédéric.

C'est aussi ce qu'on observe lorsqu'un conjoint annonce brusquement à l'autre qu'il le quitte définitivement. La douleur est particulièrement cuisante et les réactions violentes lorsque la perte est aussi imprévue. Dans la plupart des cas, une telle séparation met fin à une relation relativement morte et statique pour les deux partenaires, mais la douleur éprouvée ignore cette dimension pour s'attacher au caractère soudain et imprévu de la perte.


3. Une décision extérieure

Bien sûr, la fin de relation est généralement plus douloureuse pour la personne qui la subit. Dans le cas d'un décès, la question ne se pose pas, mais pour une séparation, on s'attend à ce que la personne qui décide de se séparer soit moins touchée que celle qui subit la rupture.

C'est habituellement le cas dans l'immédiat, mais il arrive souvent qu'au total ce soit l'inverse qui soit vrai. La personne qui décide de rompre est souvent celle qui a le plus souffert de la relation. Elle finit par choisir la séparation parce qu'elle ne peut accepter plus longtemps une relation trop terne, frustrante, abrasive ou destructrice. Sa difficulté de se séparer est moins visible au moment où elle l'annonce, mais c'est souvent parce que la période vraiment difficile prend fin à travers cette affirmation. C'est pendant la période où elle n'arrivait pas à se décider qu'elle a souffert de cette rupture. Au moment d'annoncer sa décision finale, la page est souvent déjà tournée et elle est déjà prête à s'engager dans une nouvelle vie.


4. Un manque important

La souffrance d'un deuil peut varier en intensité à partir des dimensions ci-dessus. Mais cette intensité ne couvre pas toute la réalité du manque. Il reste à voir en quoi consiste le manque, le vide que laisse la personne disparue.

Principalement, on peut dire que le manque correspond à des besoins qui ne trouvent plus de réponse. La personne disparue servait à combler certains besoins qui se retrouvent maintenant négligés. C'est en partie ce qui justifie l'importance qu'on accorde à la peine qui suit la séparation. Cette tristesse, même lorsqu'elle est déchirante ou désespérée, est la représentante des besoins qui se retrouvent sans source de satisfaction. C'est à travers cette tristesse, en la vivant, qu'on retrouvera le goût de vivre et qu'on se remettra à la recherche de la satisfaction. Les exemples de Frédéric et de Jacques illustrent bien la place que doit prendre la tristesse pour conduire à cette ouverture.

Mais en examinant le manque d'un autre point de vue, on y découvre des habitudes. Parce que la personne qu'on a perdue était une source régulière de satisfaction, elle contribuait à un équilibre que son départ ne permet pas de conserver. Cet équilibre correspondait à un "état normal", au niveau de satisfaction qu'on avait l'habitude d'atteindre de façon régulière.

C'est donc aussi à une habitude que correspond l'attachement qu'on avait pour la personne. Cet attachement est en quelque sorte le lien de dépendance que nous établissons avec l'instrument qui nous procure facilement une satisfaction importante. Le départ d'une personne précieuse nous fait souvent ressentir clairement cette dimension: l'attachement que nous avions pour elle et les multiples habitudes qui servaient à le créer en nous apportant des satisfactions faciles. C'est la dimension routinière et quotidienne de la satisfaction: c'est elle qui nous fait regretter, comme Frédéric, de n'avoir pas donné plus de place à ce qui était précieux. C'est aussi cet aspect qui nous amène, à l'occasion d'un décès, à redécouvrir l'importance de certains aspects de notre vie, à remettre nos priorités aux bons endroits.

D. Les défis de la séparation


Chaque deuil nous confronte donc à une question fondamentale: celle de la satisfaction de nos besoins psychiques les plus importants. Bien sûr, il a aussi des effets sur d'autres besoins et d'autres dimensions de notre vie, mais ce sont les besoins psychiques et interpersonnels qui sont au coeur de la difficulté.

Qu'il arrive par le décès d'un être cher ou par une décision de se séparer, le deuil nous oblige à nous mesurer à deux défis essentiels: renoncer à une réalité qui n'est plus et accepter les risques inhérents à la vie. Si on y parvient, le deuil devient un tremplin vers une vie nouvelle; autrement, il est l'occasion de perdre une partie de sa vitalité, de mourir un peu.


1. Le renoncement

Ce renoncement est différent selon qu'il s'agit de la mort d'un être cher ou d'une séparation. La mort ne laisse aucun espoir de retour à la situation antérieure: on n'espère pas que la personne va ressusciter pour nous permettre de retrouver notre confort et notre bien-être. Ceci nous permet de parvenir plus facilement au renoncement qui est nécessaire pour compléter le deuil.

Lors d'une séparation, on peut plus facilement espérer que l'autre change sa décision, qu'il modifie son comportement ou même sa personnalité pour annuler cette perte. Il est plus facile d'espérer renouer un jour avec cette personne et retrouver avec elle la satisfaction perdue. Même si la relation est depuis toujours conflictuelle et peu satisfaisante, les motifs qui nous faisaient espérer une solution demeurent valables.

Le renoncement est donc plus difficile à réussir dans le cas d'une séparation, mais il n'est pas moins nécessaire pour autant. L'espoir n'est alors rien de plus qu'une illusion pour éviter de faire face à la perte réelle qu'on subit, ou même qu'on provoque en choisissant de se séparer. Cet espoir est illusoire même lorsque l'autre est d'accord pour essayer de changer son comportement ou sa décision. Il sert avant tout à se cacher la réalité.

a) Renoncer à quoi ?

+ Une source de satisfaction

La mort nous facilite la tâche en nous forçant à admettre que la personne qui servait à notre satisfaction n'est plus là et que la satisfaction d'un ou plusieurs besoins importants est perdue avec elle. Nous perdons une source importante (un moyen privilégié) de satisfaction et nous ne pouvons facilement le nier. C'est d'abord à ce moyen d'obtenir la satisfaction que nous devons renoncer: pas au besoin mais au moyen d'y répondre.

+ Un espoir

Lorsque la relation était peu satisfaisante, la perte réelle est moins importante, mais la perte subjective n'est pas nécessairement diminuée. Souvent, la relation peu satisfaisante ou conflictuelle ne procurait qu'un espoir toujours déçu de satisfaction éventuelle, mais il est tout aussi difficile de renoncer à cet espoir illusoire qu'à une satisfaction réelle.

En fait, lorsqu'on s'entête à chercher la satisfaction dans une relation toujours frustrante, c'est parce qu'on a de la difficulté à faire ce renoncement. On continue à essayer, contre toute évidence, au lieu d'accepter l'échec et de s'ouvrir aux autres sources de satisfaction que nous offre la vie. Le plus souvent, c'est par peur qu'on préfère cette frustration connue à l'incertitude de la recherche de satisfaction, qu'on choisit de continuer à se plaindre plutôt que de rompre.

+ Une garantie de satisfaction

Une relation établie nous procure un "taux de satisfaction" relativement stable et prévisible. Nous savons par expérience à quels besoins elle permet habituellement de répondre. Nous pouvons facilement prédire dans quelle mesure une situation particulière nous conduira à la satisfaction. C'est un peu comme une assurance: la réponse est toujours disponible et elle est obtenue à travers des gestes habituels qui ne comportent plus vraiment de risque.

Bien sûr, ces garanties ne sont que partielles et les satisfactions qu'elles nous procurent sont relativement incomplètes, mais elles exigent si peu d'effort qu'on peut s'en satisfaire longtemps. Et lorsqu'on perd ces satisfactions automatiques, une forme de paresse psychique nous amène à leur attribuer une qualité qu'elles n'avaient pas vraiment. On tombe alors dans le regret nostalgique et on oublie les limites de la relation qui n'est plus; on rêve à ce qui aurait pu être, à ce qu'on aspirait à vivre. C'est pour la même raison qu'on a souvent tendance à attribuer aux morts des qualités qu'on ne leur reconnaissait pas de leur vivant.

C'est donc aussi à une forme de sécurité qu'il nous faut renoncer. La relation établie depuis longtemps est un univers prévisible où on connaît presque complètement à l'avance les réponses de l'autre ou les conséquences de nos gestes. On peut donc y contrôler précisément les risques qu'on prend. Dans une nouvelle relation, au contraire, on ignore en grande partie quel genre de réponse on recevra. L'incertitude remplace la sécurité.

b) Pourquoi renoncer ?

La première et la plus importante raison, c'est le contact direct avec notre besoin que ce renoncement rend possible. En acceptant vraiment de se laisser atteindre par le fait qu'on a perdu une source de satisfaction importante, relativement facile et rassurante, on retrouve directement le manque que cette perte occasionne. En éprouvant ce manque, sous la forme d'une grande tristesse la plupart du temps, on reprend contact avec le besoin dans toute son intensité. Si le petit Jacques parvient à se libérer rapidement du deuil de son chien, c'est parce qu'il a la possibilité et le courage de vivre pleinement cette perte. Cette ultime rencontre lui permet de garder intacts les besoins qu'il comblait avec son chien.

C'est la force de ce besoin ressenti qui nous amènera à vouloir remplacer la source (réelle ou illusoire) de satisfaction que nous avons perdue. Autrement dit, c'est la tristesse du deuil qui permet de revenir à la recherche de la satisfaction et du plaisir. C'est aussi cette tristesse vécue avec toute son intensité et son ampleur qui permet de redevenir capable d'accepter et de vivre le plaisir lorsqu'il est disponible.

On peut donc dire, en résumé, que la peine, les pleurs et la douleur sont les pas qui permettent de parvenir à renoncer à ce qui n'est plus. Mais c'est ce renoncement qui ouvre la porte à la recherche du plaisir et de la satisfaction, deux forces essentielles au choix de vivre. L'exemple de Frédéric, qui vit librement sa peine avec toute son intensité, montre bien la place que la douleur doit prendre dans le renoncement. S'il avait choisi de bloquer cette expérience, il n'aurait pas pu redevenir aussi rapidement capable de s'investir dans la vie.


2. Le risque de vivre

L'autre défi essentiel que nous propose toute forme de séparation, c'est celui de nous engager dans de nouvelles relations et d'y prendre les risques fondamentaux qui font partie de la vie. Je pense surtout aux risques de changer, d'apprendre et de s'ouvrir. Si nous reculons devant ce triple défi, nous sommes contraint de rester accroché au passé et d'y perdre une partie de notre vitalité.

a) Le risque du changement

En plus de renoncer à un moyen habituel et facile d'être satisfait sans trop d'imprévus, il nous faut accepter de changer. Pour sortir du deuil, c'est notre façon d'être et nos habitudes qu'il nous faut quitter pour faire place à la vie.

Nous le savons déjà: la vie est changement et mouvement. Pour revenir à une vie satisfaisante, il est essentiel de nous remettre en mouvement. La possibilité de trouver de nouvelles sources de satisfaction en dépend directement. Mais ce mouvement exige que nous acceptions de changer, de sortir du terrain connu et familier, de devenir différent.

Refuser de changer, c'est essayer de revenir en arrière pour retrouver des satisfactions et des manques connus. C'est aussi appuyer sa sécurité sur l'immobilité au lieu de l'agilité. Dans un univers stable, cette stratégie pourrait être efficace, mais elle est bien mal adaptée dans un contexte mouvant.

b) Le risque d'apprendre

Relever le défi de la vie, c'est aussi accepter de partir à la recherche de nouvelles sources de satisfaction. C'est essayer de nouveaux moyens sans savoir quels résultats ils donneront. C'est prendre le risque de se tromper souvent, de faire des erreurs et d'être déçu ou blessé. La découverte n'est possible qu'au prix de tous ces risques.

Le risque d'apprendre est proche parent du risque de changer, mais il s'en distingue par son caractère plus activement engagé. Pour apprendre, il faut être en recherche active; il ne suffit pas de consentir à vivre sans ses habitudes familières et ses repères habituels, il faut créer des situations, faire des expériences. C'est dans cette démarche que nous avons à faire face au risque d'être blessé ou déçu.

c) Le risque de s'ouvrir

Mais les deux risques précédents ne peuvent donner de résultats sans un troisième risque encore plus exigeant: le risque de se laisser atteindre. Sans cette ouverture et cette vulnérabilité volontaires, il serait impossible d'être touché par de nouveaux interlocuteurs et d'y trouver de nouvelles formes de satisfaction. On serait voué à regretter les anciennes satisfactions et à comparer sans cesse les nouvelles personnes à celles qu'on n'a plus.

Ce choix est le plus crucial et le plus difficile. La personne qui a laissé vivre sa peine et qui l'a laissé s'exprimer librement est mieux placée pour y parvenir. En s'ouvrant à sa douleur, elle a créé les conditions pour être ensuite ouverte aux satisfactions qu'offre la vie. Mais la personne qui a retenu ses larmes et combattu sa tristesse éprouve une difficulté insurmontable lorsque vient le temps de s'ouvrir à une nouvelle personne. En se refermant volontairement pour éviter la douleur du deuil, elle s'est coupée de sa capacité de ressentir et, par conséquent, de sa capacité de satisfaction et de plaisir.

C'est pour cette raison qu'il est important de laisser à la période de tristesse ou de dépression tout le temps et tout l'espace qu'il lui faut. Plus le manque est éprouvé et exprimé complètement, plus il devient facile ensuite d'ouvrir les yeux sur ce qui est capable de le combler et de trouver de nouvelles sources de satisfaction.

On voit souvent des personnes qui, après une rupture, choisissent au contraire de renoncer à s'impliquer dans toute nouvelle relation amoureuse. De peur de vivre pleinement la souffrance de la rupture, mais encore plus par crainte de risquer une nouvelle déception, ces personnes décident de rétrécir volontairement leur vie en éliminant les satisfactions qui découlent d'une relation intime durable. Cette décision ne parvient qu'à réduire les risques de déception en évitant la recherche de satisfaction; elle ne permet aucunement d'éliminer le besoin lui-même. Comment s'étonner qu'après un certain temps, ces personnes se retrouvent déprimées ou sans vitalité?

E. Les blocages et leurs solutions


Nous avons identifié plusieurs forces qui sont en jeu dans un deuil ou une rupture. Il reste maintenant à examiner les difficultés qu'on rencontre lorsqu'on tente de vivre aussi harmonieusement que possible une séparation ou un deuil. Quels sont les blocages les plus typiques et comment faire pour les résoudre? Voilà les deux prochaines questions auxquelles il faudra répondre.


Compte tenu des éléments de réflexion présentés dans ce texte et en vous appuyant sur votre expérience de vie, quel est votre point de vue sur ces deux dimensions:

1. les blocages qui empêchent de faire son deuil d'une relation
2. les façons d'agir pour ne pas rester accroché après la fin de la relation.
Bénévole
 
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par stephy31 » Mer 27 Avr 2011, 09:19

Bonjour Briséis et merci beaucoup de vouloir éclairer mes lanternes et m'aider peut être à trouver ma voie ou du moins l'améliorer !
Bon mercredi
Stéphy
C'est en croyant aux Roses qu'on les fait éclore
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par briséis » Mer 27 Avr 2011, 09:20

1.vivre heureux à deux
2.transfert et droit de vivre
3.querelles et chicanes dans le couple
4.fuir ou affronter ses difficultés
5.Apprendre à m'aimer (Sortir de la dépendance affective)
6:Transfert et conquête de l'autonomie
7. Vouloir changer son conjoint
8.Reconnaître les vrais besoins
9. Être victime ou non
10. Deuils et séparations

11.Les impasses du deuil

Par Jean Garneau , psychologue




Table des matières

* Introduction
* Les évitements et leurs enseignements
o 1. Plonger immédiatement dans une nouvelle relation
+ La satisfaction
+ L’attachement
o 2. Le culte du disparu
+ Déni de solitude
o 3. La relation au-delà de la fin
+ Déni de la mort
o 4. Maintenir le lien par les problèmes
+ Déni de finitude ou de liberté
* Une vision d’ensemble
o Trois types de deuil
o Les moyens appropriés
* Conclusion



Les impasses du deuil
par Jean Garneau, psychologue


Avertissement

Cet article fait suite à Deuils et séparations. Il est préférable de lire ce dernier avant d’entreprendre celui-ci.

Introduction

Dans cet article, nous allons tenter de mieux comprendre les obstacles qui empêchent de compléter le deuil pour aller vers le renouveau. Pour cela, nous allons examiner les leçons que contiennent les évitements les plus typiques par lesquels nous tentons d’éviter les défis que nous imposent les séparations non désirées.


Les évitements et leurs enseignements

Il est toujours tentant, lorsque la vie nous force à renoncer à une personne chère, de chercher à éviter la douleur et la peine qui accompagnent cette perte. La première réaction de notre organisme est justement au service de cet évitement: nous refusons la perte au point d’en nier la véracité.

Ce n’est pas vrai, c’est impossible, je ne peux y croire, je n’arrive pas à accepter l’idée.
Peu importe que cette perte soit le résultat d’un décès ou d’un choix fait par l’autre (séparation). Nos réactions se ressemblent dans les deux cas parce que le défi est le même: renoncer à une relation qui était, à nos yeux, source de satisfaction (au moins un espoir de satisfaction éventuelle). Notre refus spontané nous amène à utiliser diverses méthodes pour éviter de vivre et de reconnaître notre perte et les douleurs ainsi que les frustrations qui en résultent.

Comme ces évitements reposent sur un refus de la réalité, ils sont forcément voués à l’échec. Ils peuvent sembler efficaces pendant un certain temps, mais la réalité finit toujours par avoir le dernier mot!

Si on examine de plus près ces échecs de l’évitement, on peut y puiser une meilleure compréhension des vrais défis du deuil et des dimensions dont les solutions doivent tenir compte. Dans ce deuxième article, je vous invite à faire examen de quatre méthodes d’évitement qui tendent à perpétuer le deuil.


1. Plonger immédiatement dans une nouvelle relation
C’est une des solutions les plus populaires au palmarès de la sagesse populaire et du "gros bons sens": passer à autre chose aussi rapidement que possible. Et il peut même arriver que cette solution s’avère efficace.

Ma voiture m’a laissé tomber; elle est morte de vieillesse! Les réparations nécessaires auraient été tellement coûteuses que j’ai décidé de m’en débarrasser même si j’y était bien attaché. J’en ai trouvé une belle verte, presque neuve, avec un chauffage qui fonctionne vraiment! Quel bonheur!

Mon nouvel amant ne répond plus. Je crois qu’il m’évite comme je le craignais depuis notre dernière rencontre. J’ai bien l’impression que c’est fini, après à peine plus d’une semaine... Dommage, je le trouvais amusant! ...Mais il y a ce gars qui travaille à l’étage en dessous; il me flirtait délicieusement dans l’ascenseur ce matin. Et il est vraiment beau! Je pourrais peut-être le croiser "par hasard" à l’heure du lunch...

Dans ces deux exemples, le fait de "passer immédiatement à autre chose" pourrait être la meilleure solution et il serait probablement inutile de consacrer plus de temps ou d’énergie à "faire son deuil". S’il en est ainsi, c’est parce que la perte est peu importante.

L’attachement que nous pouvons avoir envers notre automobile ou un nouveau flirt est plutôt superficiel. Comme ils ne sont que des moyens pour atteindre certaines satisfactions ou certains objectifs; ils ont peu d’importance en eux-mêmes. Si nous pouvons trouver un autre moyen d’obtenir les mêmes satisfactions, le renoncement n’est plus nécessaire. Le nouveau moyen peut même devenir rapidement supérieur à l’ancien du point de vue des satisfactions qu’il nous procure.

Mais c’est une toute autre histoire lorsqu’il s’agit d’une relation durable. On ne perd pas seulement un moyen de satisfaction; on perd en même temps un ensemble efficace d’habitudes de vie et un équilibre dans la répartition des zones de responsabilité. Mais plus important encore, c’est aussi toute une relation, tout un vécu commun accumulé qui nous quitte. Alors, c’est à une personne, à notre relation avec elle et à notre attachement qu’il faut renoncer. Dans ce cas, même si la relation n’était pas vraiment une bonne source de satisfaction, le passage à autre chose n’est pas une méthode efficace pour sortir du deuil.

Ma femme est partie avec un autre! Ce fut tout un choc, même si ce n’est pas tout à fait une surprise. Il y a longtemps que la flamme était éteinte entre nous. Pourtant, je n’arrive toujours pas à accepter que ce soit fini, même après trois mois. J’ai beau essayer de rencontrer quelqu’un d’autre, je ne réussis jamais à aller au-delà des comparaisons avec elle. On dirait que je suis de mauvaise foi: je trouve facilement des défauts à chacune qu’on me présente et j’ai une image un peu idéalisée de ma femme alors que je sais bien que nous avions vers la fin bien peu de contacts à part les chicanes qui ne conduisaient nulle part.

Typiquement, c’est par manque de disponibilité que nous échouons dans cette tentative. Nos amis nous recommandent de "nous changer les idées", de nous distraire, de trouver un hobby ou de fréquenter de nouveaux partenaires. Mais nos efforts pour suivre ces conseils sont des échecs car le coeur n’y est pas. Les occasions nous semblent peu attrayantes, nos tentatives semblent sans saveur et, même lorsqu’elles nous procurent des moments agréables, elles nous laissent avec un vide qui nous attriste.


La satisfaction
Toute fin de relation nous oblige à remplacer un moyen d’obtenir satisfaction. Comme je l’ai expliqué dans Deuils et séparations, c’est le premier défi à relever, non seulement lorsque la relation était satisfaisante, mais aussi quand elle ne l’était pas. La personne qui subit la perte doit trouver de nouvelles façons de répondre aux besoins que l’ancienne relation permettait de combler ou pour lesquels elle promettait une satisfaction éventuelle.

Paradoxalement, c’est souvent pour les relations les moins satisfaisantes que le deuil est le plus difficile à faire du point de vue de la satisfaction. Le plaisir réel semble moins difficile à remplacer que l’espoir d’une satisfaction éventuelle. Le renoncement à la relation est alors imbriqué dans la difficulté déjà existante à rechercher une satisfaction réelle.


L’attachement
Dans toute relation durable, nous accumulons une expérience commune qui nous attache à l’autre. Cet attachement ne repose pas nécessairement sur le caractère agréable des expériences vécues ensemble. Des éprouves surmontées créent souvent des liens très forts, même lorsque la relation a été de courte durée ou lorsque les satisfactions y ont été rares.

Cet attachement à la personne maintenant absente rend plus difficile l’investissement dans une nouvelle relation. Le vécu commun irremplaçable est attaché à l’image de la personne disparue et il est impossible d’y renoncer rapidement. Toutes les satisfactions possibles dans une nouvelle relation apparaissent alors sans valeur devant elle.

Je n’arrive pas à m’intéresser à une autre femme. Même les plus attrayantes me semblent sans saveur. Dès qu’un moment plus nourrissant s’amorce, les souvenirs de moments plus tendres et plus intimes accaparent mon attention et je deviens distrait.

Il est relativement facile de remplacer la source de satisfaction que constituait une ancienne relation; c’est une adaptation mineure qu’on peut compléter assez rapidement. Mais l’attachement exige un cheminement plus difficile où nous devons renoncer à la personne et, dans une large mesure, à la relation qu’on vivait avec elle. Bien sûr, on peut continuer d’aimer une personne qui nous a quitté. Mais il faut quand-même y renoncer si nous voulons continuer à vivre entiers, sans lui sacrifier les volets de notre existence dans lesquels elle était importante.

Ce renoncement ne peut se faire rapidement; il faut y mettre de temps pour arriver à nous séparer vraiment et pour récupérer notre disponibilité devant la vie. Les personnes qui tentent d’amorcer une relation avec quelqu’un dont le divorce ou le deuil est trop récent constatent rapidement l’impossibilité d’un nouvel investissement sans cette période de séparation et de renoncement progressifs.


2. Le culte du disparu
On peut aussi éviter de vivre la séparation en se consacrant plus ou moins entièrement à la mémoire de la personne disparue. Cette méthode s’applique plus facilement dans le cas d’un décès, mais on peut aussi s’en servir à la suite d’une séparation non désirée. Dans les deux cas, cette forme d’évitement est dangereuse car elle ne laisse aucune place à la possibilité de se refaire une vie.

On peut assez facilement déceler le motif principal de cette dévotion au passé: éviter de relever le défi de se faire une nouvelle vie. Il est clair, la plupart du temps, que la personne tient absolument à demeurer accrochée à cette ancienne relation en la gardant aussi "vivante" que possible. Mais cet asservissement volontaire a généralement une source moins visible où elle puise l’essentiel de sa force: le déni de la solitude.


Déni de solitude
Fondamentalement, il s’agit du refus d’assumer la responsabilité de voir à la satisfaction de ses besoins. Il s’agit d’une démission devant un des défis les plus fondamentaux de notre existence.

Chaque personne est la seule qui ait vraiment la responsabilité de répondre à ses besoins. Si elle l’assume, elle consacre l’essentiel de sa vie à la recherche des satisfactions les plus importantes à ses yeux; c’est ce qu’on pourrait intituler "la quête du bonheur". Cette responsabilité englobe à la fois les besoins liés à la survie et ceux qui se rattachent à l’accomplissement.
Alors que les énoncés du paragraphe précédent apparaissent comme des évidences presque banales à beaucoup de personnes, ils sont tout à fait révoltants et odieux aux yeux des autres. Ces dernières ne peuvent accepter ce défi de l’existence et en contestent violemment la validité. Elles tentent d’imposer un système de valeur fondé sur la générosité, l’altruisme, la charité, le partage ou la solidarité. La plupart du temps, cet effort ne conduit qu’à d’amères déceptions et au sentiment d’avoir été exploité: les attentes de réciprocité finissent toujours par être déçues.

Il serait trop long d’expliquer ici les nombreuses forces en jeu dans ce pari absurde voué à l’échec. Disons, pour le moment, que la personne nie sa solitude existentielle principalement parce qu’elle s’estime incapable de subvenir adéquatement à ses besoins.

Pour la personne qui se consacre à la mémoire ou à l’oeuvre d’une autre, ce déni peut facilement devenir insoluble malgré l’importante perte de vitalité qui en découle. En se vouant à cette "cause", elle renonce à la définition de sa propre existence et aux capacités qui sont des éléments essentiels de son identité. Les forces nécessaire à la création d’une nouvelle vie après la séparation ne trouvent pas facilement l’occasion de se développer dans ces conditions.


3. La relation au-delà de la fin
Parfois la séparation est tellement difficile à vivre qu’il est bien tentant de créer une illusion permettant à la relation de se prolonger. Si la séparation est due à un décès, on voit surtout des tentatives de communiquer avec "l’esprit" du disparu. Mais on rencontre aussi des personnes qui entretiennent "en fantaisie" une relation assidue avec un proche qui les a quittées. Ces deux variantes équivalentes peuvent faire partie d’une phase importante dans le processus de séparation et de renoncement, mais elles peuvent aussi devenir une façon de rester accroché à l’ancienne réalité.

S’il s’agit d’un deuil, cette solution permet de faire durer la relation aussi longtemps qu’on le désire: il suffit de croire qu’on communique avec la personne décédée. Le partenaire n’est pas en mesure de confronter l’illusion; son rôle est défini en fonction des besoins de la personne qui survit. Dans certains cas, cette relation qui transcende la mort est un fantasme plus qu’une illusion et elle est éprouvée comme telle. Il s’agit alors d’une étape transitoire qui permet de s’habituer plus progressivement à la perte.

Lorsque la même méthode est utilisée dans une séparation, elle prend plutôt la forme d’une interprétation excessive des événements et même des non-événements. La personne attribue une signification interpersonnelle à des actions plus ou moins observables comme des silences, des absences, des déceptions, des attentes qui ne se réalisent pas ainsi que des habitudes qui ne sont pas respectées et des rituels oubliés. Typiquement, ces significations sont organisées en fonction de la relation entre la personne qui interprète et celle qui a quitté.

Évidemment, si des contacts réels sont nécessaires, comme dans les cas de garde partagée des enfants, ces interprétations sont encore plus faciles et plus crédibles. Les interactions réelles et leurs impacts sur les événements suivants viennent appuyer et valider en partie les fantasmes qui servent à maintenir l’illusion d’une relation importante.


Déni de la mort
Le motif le plus évident de ces relations qui durent en fantaisie malgré la séparation est bien sûr le déni de la mort. Ce déni est le plus souvent nécessaire à cause de la conscience plus ou moins floue d’avoir mal profité de l’occasion de vivre que constituait la relation. On refuse d’admettre la fin parce qu’elle survient alors qu’on n’a pas encore vécu ce qu’on avait à vivre et exprimé ce qu’on a vécu. Ne vous séparez jamais sans... traite directement de cette réalité.


4. Maintenir le lien par les problèmes
Cette façon de refuser la fin de la relation s’applique plus facilement dans le cas d’une séparation, surtout lorsque des réalités extérieures (des enfants ou un milieu de travail commun par exemple) imposent certains contacts entre les personnes après la rupture. La personne qui refuse une séparation complète peut alors assez facilement maintenir un lien en provoquant des situations problématiques.

Depuis le divorce, Monique est constamment préoccupée de Daniel. Presque chaque jour, un nouveau contretemps vient bouleverser ses plans. Une réunion d’urgence au bureau, une panne de voiture, une blessure au pied, des détails qui l’empêchent de respecter ses engagements et obligent Monique à trouver des solutions d’urgence pour aller chercher leur fils à l’école ou chez la gardienne. Elle a l’impression d’être à la merci du prochain appel de son ex, qu'elle dooit se tenir à sa disposition.

Pourquoi maintenir un lien aussi désagréable? Certainement pas dans l'espoir de reconquérir ainsi l’ancien partenaire de vivre des échanges agréables ou nourrissants! On croirait que la personne se complaît dans la guerre et la multiplication des escarmouches.

Mais en y regardant de plus près, on peut constater que c’est surtout le pouvoir sur l’autre que cette personne recherche. Et la plupart du temps elle y parvient grâce à une complicité tacite de l’ex-conjoint. Sans cette collaboration plus ou moins consciente, la tentative de contrôle serait vite inefficace et cette tactique bientôt abandonnée.

Les multiples problèmes de Daniel servent à forcer Monique à demeurer à sa merci, à lui rendre régulièrement des comptes sur son emploi du temps, à ne pouvoir organiser sa nouvelle vie. Et ses ambivalences à elle, sa difficulté à s’affirmer ouvertement entretiennent cette interaction stérile en repoussant toujours la confrontation directe au terme de laquelle Monique sait qu’elle sera à nouveau accusée d’être cruelle et responsable de l’échec de la relation.

Déni de finitude ou de liberté
Cette lutte pour le pouvoir peut être au service de deux dénis existentiels différents. C’est la signification subjective des événements pour chaque personne impliquée qui permet de distinguer lequel des deux constitue l’enjeu fondamental de cette interaction sans issue.

Lorsque le but recherché est avant tout de contrôler l’autre, par exemple de faire obstacle à l’établissement d’une nouvelle relation amoureuse ou de se venger d’avoir été abandonné, le déni de finitude est probablement le motif fondamental qui entretient cette interaction malsaine. La personne qu’on a quittée tolère mal sa situation d’impuissance et tente de compenser en s’appropriant un pouvoir sur l’autre à travers les problèmes qui servent d’appât. Et comme la relation antérieure était déjà chargée des mêmes enjeux, il arrive souvent que le partenaire entretienne ce scénario en n’osant pas reprendre son propre pouvoir sur sa vie.

Il arrive aussi que le but principal soit d’échapper à la culpabilité. La personne ne veut pas assumer la responsabilité de la rupture et des nombreuses difficultés qui en résultent plus ou moins directement. En multipliant les problèmes et les urgences, elle provoque l’autre. Elle tente de l’amener à une exaspération qui lui fera abandonner ses précautions habituelles et la rejeter sans équivoque. Ce geste d’impatience deviendrait alors le prétexte pour en faire la responsable de tous les maux à venir.

Ce jeu ne fonctionne qu’avec la collaboration du conjoint. C’est parce qu’il veut éviter à tout prix d’assumer cette responsabilité intolérable (à ses yeux) que ce dernier se laisse manipuler en volant au secours de son ex à chaque occasion. Il sait qu’il subira les accusations interminables dès sa première défection parce qu’il est lui-même peu confortable avec la responsabilité découlant de la liberté. Son propre déni devient alors l’ingrédient nécessaire pour maintenir une relation où la frustration et le ressentiment sont les principales émotions vécues par les deux partenaires.


Une vision d’ensemble

Nos deuils et nos séparations peuvent être plus ou moins difficiles à compléter parce qu’ils exigent de nous des courages différents. Un regroupement en fonction de ces exigences peut nous aider à orienter notre action et à savoir rapidement quel genre de démarche serait nécessaire pour une solution réussie.


Trois types de deuil
Certains deuils n’impliquent que la perte d’une source de satisfaction de nos besoins. Ils sont relativement superficiels et nous sommes alors peu portés à nous accrocher au passé. Pour les régler, il suffit de trouver une nouvelle source de satisfaction adéquate. Dès que nous y parvenons, nous pouvons reprendre le cours normal d’une vie productive tournée vers l’avenir.

D’autres deuils impliquent en plus la perte d’une personne à laquelle les expériences de vie accumulées nous ont permis de nous attacher. La démarche du deuil est alors plus complexe et elle s’étend sur une plus longue période. En plus de trouver de nouvelles sources de satisfaction, nous devons renoncer à cette personne qui n’est plus dans notre vie, à la relation que nous avions avec elle. Il faut prendre le temps de dénouer notre attachement pour qu’il commence à appartenir au passé et devienne un souvenir. Il faut prévoir que le temps nécessaire sera proportionnel à l’importance des expériences vécues en commun.

Il arrive aussi que notre perte ait des implications beaucoup plus complexes parce que la relation qui a pris fin nous servait à éviter une dimension importante de la vie. Comme cette relation était en partie au service d’un déni existentiel, sa fin crée en nous un déséquilibre difficile à résoudre. Nous avons alors tendance à nous accrocher à cette personne disparue dans l’espoir de pouvoir continuer à éviter un défi de la vie que nous ne pensons pas être capables d’assumer vraiment. Cette tentative est évidemment vouée à l’échec.


Les moyens appropriés
Pour les deuils qui n’impliquent que la satisfaction de nos besoins, la solution est simple. Il suffit de consacrer notre énergie à la recherche d’une nouvelle source de satisfaction au moins équivalente à l’ancienne. Notre deuil est complété lorsque nous avons trouvé ce nouveau moyen.

Lorsqu’il s’agit d’une relation où notre attachement à la personne est important, il faut combiner deux genres de moyens pour bien réussir notre deuil. Nous avons besoin de temps et de conditions propices pour renoncer à la personne disparue de notre vie. Nous devons pour cela nous laisser le temps de vivre nos réactions à la perte et trouver des lieux ou des interlocuteurs qui nous permettront de les exprimer sans retenue. Ce n’est que lorsque cette expression sera suffisamment avancée que nous pourrons vraiment entreprendre de nous occuper de la deuxième dimension, la recherche de nouvelles sources de satisfaction qui nous permettront de recommencer à vivre vraiment en fonction de l’avenir.

Mais lorsque la relation servait à éviter de faire face à des réalités fondamentales de notre vie comme la mort, la solitude, la finitude ou la liberté, alors nous avons tendance à nous accrocher de toutes nos forces au passé. Ce n’est pas tant parce que l’ancienne relation était satisfaisante. Si nous nous accrochons ainsi, c’est avant tout parce que nous ne voulons pas faire face à ces défis de l’existence.

Dans ce cas, les étapes normales du deuil ne s’appliquent plus aussi bien. Elles prennent une signification différente et il arrive souvent qu’on reste bloqué en cours de route. Même lorsque nous parvenons à relever le défi, c’est à la suite d’une crise existentielle intense que bien peu de personnes parviennent à traverser avec succès sans une aide professionnelle. Il est donc important, si le deuil contrecarre un déni existentiel, d’entreprendre une psychothérapie afin de nous aider à confronter avec succès les angoisses et les déséquilibres intenses qui en résultent nécessairement. Autrement, on risque de rester accroché au passé ou de recréer un nouvel équilibre instable dans une nouvelle relation dont la fonction principale sera de favoriser le même déni avec toutes ses conséquences .


Conclusion

La perte d’un être cher est toujours une expérience difficile, même lorsque la relation ainsi perdue n’était pas tellement satisfaisante. Le retour à une vie axée sur le présent et sur la poursuite du bonheur se fait à travers des étapes bien connues que plusieurs auteurs ont bien décrites. [Voir à ce sujet "Vivre le deuil au jour le jour" du Dr. Christophe Fauré ]

Ce processus de deuil peut être plus ou moins difficile et prolongé selon l’expérience de vie et l’attachement qui nous lie à l’autre. Mais lorsqu’il devient interminable, c’est souvent parce que la relation avait une utilité importante dans un déni existentiel et que sa fin nous plonge dans une crise dont les ramifications dépassent largement celles de la relation et touchent à l’ensemble de notre équilibre psychique.

En reconnaissant ces situations et en adoptant les moyens appropriés à la résolution d’une crise existentielle, on évite un gaspillage considérable d’énergie et de temps. Plus, on permet à la perte de se transformer en étape de croissance en nous amenant à assumer des réalités fondamentales qu’on refusait jusqu’alors.

Jean Garneau
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par briséis » Mer 27 Avr 2011, 09:24

1.vivre heureux à deux
2.transfert et droit de vivre
3.querelles et chicanes dans le couple
4.fuir ou affronter ses difficultés
5.Apprendre à m'aimer (Sortir de la dépendance affective)
6:Transfert et conquête de l'autonomie
7. Vouloir changer son conjoint
8.Reconnaître les vrais besoins
9. Être victime ou non
10. Deuils et séparations
11.Les impasses du deuil


12.Ne vous séparez jamais sans...

Par Michelle Larivey, psychologue


Résumé de l'article

Dans ce texte vous découvrirez des moyens de contrer un processus de séparation entamé en désespoir de cause par deux amants déçus. Les inhibitions et les déformations de l'expression personnelle conduisent tôt ou tard à la séparation de corps ou de coeur. Transformer cette expression pour redonner vie à la relation...


Table des matières

A. Introduction
B. L'importance de cet autre qui me quitte
1. L'autre répond à un besoin majeur chez moi
2. L'autre répond virtuellement à un besoin majeur
3. L'autre me permet d'éviter une réalité de ma vie
C. Pourquoi la séparation est intolérable ?
1. La fin d'un évitement
2. La perte d'une nourriture affective
3. La perte d'un espoir
D. Le sentiment d'inachevé
E. Que faire de ces situations douloureuses incomplètes?
1. Identifier mon besoin
2. Compléter l'inachevé
3. Pourquoi il est nécessaire de compléter la relation
F. En conclusion



A. Introduction


Faire la coupure dans une séparation ne dépend pas de ma volonté ou non de me séparer. La séparation peut être voulue par l'autre. Elle peut aussi ne dépendre ni de lui, ni de moi: il meurt ou devient inaccessible à cause d'une maladie. C'est de la manière dont je me sépare que dépend le succès de cette coupure. Si je m'y prends mal je resterai probablement 'accrochée' pour longtemps à cette relation incomplète.

La rupture non désirée laisse souvent un grand vide, un immense déséquilibre. L'absence me laisse triste, en douleur vive... au point, parfois, de vouloir en mourir. Je n'irai pas jusqu'au suicide, mais je n'aurai plus jamais la vitalité que j'ai déjà eue. Je me laisserai éteindre avec cette relation. Pourquoi donc un tel choix?

Dans d'autres cas, la séparation est mon choix. La brisure peut même m'apparaître comme bénéfique. Je suis soulagée, débarrassée. Mais je n'arrive toutefois pas à continuer ma vie. Je reste accrochée à ce passé, à cette personne. Que se passe-t-il donc?

C'est toujours douloureux de se séparer de quelqu'un qui a de l'importance pour nous. C'est si bouleversant que certaines personnes ne s'en remettent jamais. Elles vivent avec l'ombre du disparu, accrochées à leur nostalgie. Ou encore, elles cherchent à perpétuer une relation à laquelle l'autre a voulu se soustraire. Dans d'autres cas, plus ou moins subtilement, elles conservent cette relation indépendamment de la volonté de l'autre, par exemple, à travers le prétexte des enfants. Bref, même officiellement séparées, certaines personnes ne le seront jamais. Pourquoi est-ce ainsi?



B. L'importance de cet autre qui me quitte


L'autre occupe une place importante dans ma vie. En fait, si j'ai cet attachement, ce désir que la relation continue, c'est pour des raisons importantes:

1. il joue un rôle essentiel;
2. il m'apparaît indispensable pour combler certains de mes besoins;
3. il contribue à me soustraire à certaines responsabilités de mon existence.

En fait, si la séparation est impossible à envisager, c'est pour l'un ou l'autre de ces motifs et même parfois sur les trois à la fois. Toutes les relations importantes que je cultive reposent sur ces bases de motivation. Voici comment je pourrais traduire la place que cet autre prend dans ma vie.


1- L'autre répond à un besoin majeur chez moi

'Avec toi, j'ai le sentiment d'exister, d'être quelqu'un de valable, d'important.Tu es là et ce que je vis devient important. Ton regard sur moi me laisse toujours remplie d'un bien-être. Partager des activités avec toi donne toujours une saveur de plénitude au présent. Ton contact est précieux pour moi car personne d'autre ne me fait cet effet.'


2- L'autre répond virtuellement à un besoin majeur

'J'aimerais tellement compter plus que tout au monde pour toi, être la première. Savoir que pour toi je suis la plus désirée est ce qui compte le plus pour moi. J'ai eu cette impression aux premiers temps de nos amours. Je ferais tout pour l'avoir de nouveau. Ne me dis pas de chercher ailleurs, c'est à toi que je veux faire cet effet.'


3- L'autre me permet d'éviter une réalité de ma vie

'Je ne sais pas ce que je vais devenir sans toi. La solitude est insoutenable. J'ai toujours pu compter sur toi. Avec toi, dans la vie, tout m'était possible. L'idée d'être seule m'inquiète au plus haut point. Je ne fais pas le poids et je suis désemparée. Il me semble que je perds la moitié de moi-même. Je ne puis vivre sans toi.'



C. Pourquoi la séparation est intolérable ?


La séparation est douloureuse parce qu'elle me prive d'une relation nourrissante. Mais paradoxalement, elle peut être tout aussi insupportable si elle me prive d'une relation insatisfaisante, si je conserve l'espoir de l'améliorer pour la rendre satisfaisante. Enfin, la séparation peut être insoutenable si je m'appuyais sur l'autre pour éviter de me confronter à une réalité existentielle pourtant incontournable.Voyons cela de plus près en commençant par la dernière situation.


1- La fin d'un évitement

Les êtres vivants sont confrontés à des défis que représentent certaines réalités inhérentes à la vie. La solitude existentielle est une de ces réalités. Elle constitue un défi de taille, mais c'est notre réponse à ce défi qui fait de nous des êtres à part entière, séparés les uns des autres, ayant notre individualité propre. Notre solitude nous force à prendre en main notre vie, à porter la responsabilité de notre satisfaction au cours de notre existence.

C'est une réalité à laquelle tous les animaux font face d'instinct. Une fois que le chat a atteint une maturité qui lui permet d'assurer sa survie, il n'est plus pris en charge d'aucune façon par sa mère. Il en est de même des oiseaux, qui tout en ayant une vie collective et même en s'entraidant, portent individuellement leur destin.

Beaucoup d'humains se révoltent contre cette réalité. Dans ces cas, au lieu de s'associer à l'autre en se portant complètement eux-mêmes, ils se déchargent sur l'autre de leur responsabilités vis-à-vis eux- mêmes. Une relation fondée sur cet évitement donne à la fois l'impression d'être soudée et emprisonnante.

Outre la solitude, il y a d'autres réalités existentielles telles la liberté, la finitude et la mort, auxquelles on peut chercher à se soustraire, en utilisant les autres.

La seule solution, lorsque la relation qui se termine est appuyée sur l'évitement d'une réalité existentielle, c'est de se décider à confronter cette réalité. Celui qui ne le fait pas est condamné à s'accrocher à chaque relation, en vivant chaque séparation aussi dramatiquement que s'il y laissait sa peau. Certains y laisseront d'ailleurs leur peau en ayant recours au suicide tellement l'incapacité de se porter est grande. D'autres feront vivre un enfer de culpabilité à celui qui veut se soustraire de cette relation qui est, on peut facilement le comprendre, malsaine pour les deux partenaires.


2- La perte d'une nourriture affective

Dans le cas où perdre l'autre signifie la fin d'une relation satisfaisante, je reste en quelque sorte en plan. Les besoins essentiels auxquels l'autre me permettait de répondre sont en suspens. J'ai l'impression d'une situation inachevée parce que mes besoins ne sont plus assouvis.


3- La perte d'un espoir

Il en est de même si je perds une relation qui n'est pas satisfaisante alors que j'ai encore l'espoir qu'elle le devienne. Dans le cas précédent, je renonçais à quelque chose de satisfaisant pour moi. Dans ce cas, c'est à une aspiration que je renonce, c'est un espoir qu'il me faut abandonner. Dans les deux cas, j'ai le sentiment de quelque chose d'incomplet.

Voyons d'un peu plus près à quoi correspond ce sentiment d'inachevé et ce que nous pouvons faire pour sortir de ces impasses.



D. Le sentiment d'inachevé


Ce n'est pas seulement lors d'une séparation qu'on éprouve cette insatisfaction particulière qu'est ce sentiment d'incomplétude. C'est une impression qui est souvent présente dans nos relations.

'Je n'ai pas assez de temps avec mes enfants, j'ai l'impression d'être loin d'eux durant les meilleures années de leur vie. Ça me peine énormément.'

'Je ne vois pas suffisamment mes parents. Ils vieillissent et je sais qu'ils partiront bientôt. Ça me rend triste.'

'J'ai peu de temps de qualité avec mon mari... il me semble que nous passons à côté des plus belles années de notre vie. Tout cela, pour ramasser de quoi passer nos vieux jours ensemble. C'est absurde!'

'Il n'est jamais là. Même lorsque nous sommes réunis en famille, il semble absent. Notre complicité d'antan me manque terriblement.'

L'insatisfaction se manifeste par l'impressions de ne pas profiter suffisamment de la relation. À d'autres moments, elle se traduit par l'impression de n'être pas suffisamment atteint par l'autre ou encore, de ne pas l'atteindre réellement. Souvent, c'est plus qu'une impression, c'est un constat: je me rends compte que je ne jouis pas totalement de ce que l'autre m'apporte.

'Il m'aime et c'est ce que je recherche. Mais je ne sais pas pourquoi, cela ne m'atteint pas vraiment!' J'en suis désolée. Mais je ne sais pas quoi faire pour qu'il en soit autrement.'

Si déjà avant ma séparation j'avais le sentiment qu'il y avait quelque chose d'incomplet dans notre relation, j'aurai cette sensation plus intensément encore en me séparant. Car, en plus de continuer à éprouver cette insatisfaction, je perdrai alors l'espoir de parvenir un jour à nourrir vraiment mon besoin avec cette personne.

Si au contraire, l'autre me quitte alors que je suis 'à jour' dans la gestion de mes besoins avec lui, les choses seront bien différentes. Bien sûr, cette séparation dérangera mon équilibre, mais j'y éprouverai quand-même une forme de satisfaction paradoxale qui ressemble au sentiment du devoir accompli. J'aurai l'impression d'avoir réussi ma relation, d'avoir vécu vraiment ce que j'avais d'essentiel à vivre avec cette personne.

'Mon fils quitte la maison pour faire sa vie, cela m'attriste d'une certaine façon, mais au total je suis contente. J'ai vécu ce que j'avais à vivre avec lui. C'est une étape de notre vie qui se termine et une nouvelle qui commence.'

'Ma mère est morte, la séparation a été déchirante parce qu'il m'est impossible de concevoir que je ne la reverrai jamais. Toutefois, ces dernières années, j'ai énormément joui de sa présence et de ce qu'elle pouvait m'apporter. Au surplus, j'ai pu, à ma façon, lui montrer toute ma reconnaissance et mon amour pour ce qu'elle m'a apporté comme mère. C'est dur, mais c'est moins difficile que si elle était partie il y a cinq ans!'

On peut voir un autre exemple du genre dans la sérénité qui habite certaines personnes lors de séparations dramatiques. L'exemple ultime est sans doute celui de la personne qui termine sa vie en étant satisfaite de ce qu'elle en a fait. Elle s'éteint en paix contrairement à celle qui a le sentiment d'avoir perdu sa vie.



E. Que faire de ces situations douloureuses incomplètes?


Lorsque la séparation commence à apparaître comme l'aboutissement inévitable ou même souhaitable à la relation, il n'est pas nécessaire de me résigner passivement. Je peux agir d'une façon qui m'évitera les regrets interminables d'une situation vouée à demeurer incomplète.

Pour cela, il me faut

1. identifier l'importance que j'accorde à l'autre
2. compléter l'inachevé et
3. faire face à ma peur de vivre s'il y a lieu (cesser d'éviter les réalités inéluctables).

C'est tout un programme, mais ce sont les pas qu'il me faut faire pour vivre une séparation sans hypothéquer le reste de ma vie. Alors, même tourmentée, la séparation deviendra une riche occasion d'épanouissement qui me rendra plus apte à réussir vraiment mes prochaines relations importantes.

Voici un exemple qui illustre à quoi peut ressembler l'expérience de la personne qui vit ce déchirement dans la sérénité paradoxale que procure cette démarche.

'J'ai vraiment tout essayé pour avoir l'intimité et la proximité que je recherche dans ma relation de couple. J'ai été compréhensive par rapport à l'immense place que prenait son travail dans sa vie. J'ai été disponible à ses préoccupations et à ce qu'il vivait, ma disant que c'était une façon d'être dans son intimité. J'ai souvent parlé de ce que je vivais, par rapport à toutes sortes de dimensions de ma vie, y compris notre vie familiale et de couple. Je lui ai fait des reproches, mais j'ai aussi, à plusieurs reprises, été très claire (et très émue en le lui communicant) sur combien je tenais à lui et combien j'aimais tout ce qu'il était. Je lui ai dit ( souvent) combien j'avais besoin d'avoir une place centrale dans sa vie. Être aimée et considérée par lui c'est pour moi une confirmation de ma valeur comme personne. Ça va jusque là! Je n'ai pas fait que le dire; son importance pour moi je lui ai démontrée, continuellement, en lui exprimant mes divers sentiments et en cherchant à régler nos problèmes à deux pour garder la relation vivante. Mais je pense qu'il est inutile d'en faire plus. Il n'est pas intéressé à s'investir d'avantage à ce moment-ci de son existence ou il n'est pas vraiment intéressé à moi. C'est triste. C'est immensément triste, car j'aurais aimé que ce soit avec lui, j'aime tellement de choses de sa personne et les quelques fois où j'ai ce dont j'ai besoin avec lui, je suis transportée. Mais c'est trop peu souvent et trop bref. Je crois que j'ai fait tout ce que j'ai pu pour que nous nous ajustions. Je dois partir, chercher ailleurs à combler ce besoin.

Voyons plus en détail comment on peut arriver à trouver cette harmonie intérieure même dans une séparation aussi déchirante.


1- Identifier mon besoin

Il est nécessaire de connaître précisément le besoin essentiel auquel cette personne correspond pour moi. L'importance que je lui accorde est liée à ce besoin pour lequel elle m'apparaît comme la seule source acceptable de satisfaction. Mais il peut être difficile d'en devenir vraiment consciente. Quelques questions m'aideront à trouver cette réponse lorsque le fait de me demander quel est le besoin comblé ne suffit pas à le trouver.

'Qu'est-ce que cette personne m'apporte?'

'Si elle agissait comme je le souhaite, qu'est-ce que ça changerait à ma vie?'

Bien entendu, pour arriver aux réponses significatives il faut dépasser le niveau du comportement. Il ne suffit pas de savoir que j'attends 'un partage des tâches'; il me faut identifier ce que signifie à mes yeux le fait qu'elle consente à partager les tâches avec moi. C'est souvent d'ailleurs ce que symbolise cette action plus que le comportement lui-même qui est recherché. Par exemple,

's'il m'offre des fleurs, cela signifie qu'il a pensé à moi et s'il a pensé à moi, c'est qu'il m'aime. Donc je suis importante à ses yeux.'

Dans ce cas, les fleurs ne sont que le symbole de l'importance qu'il m'accorde. Voici d'autres exemples

'Son attitude me confirme qu'il me considère comme son égale.'

'Qu'il soit prêt à m'écouter me dit que j'ai de la valeur à ses yeux.'


2- Compléter l'inachevé

Une fois que je suis consciente du besoin essentiel que cet autre satisfait, il est temps de travailler à compléter l'inachevé, c'est-à-dire à rendre mon expression conforme à cette vérité intérieure. La forme que prendra ce travail dépend de la satisfaction que j'obtiens déjà.

a) Lorsque l'autre répond déjà à mon besoin

Aussi étrange que cela puisse paraître, la plupart du temps, ce n'est pas parce que je ne trouve pas de réponse adéquate à mon besoin que je souffre de sentiment d'incomplétude. C'est plutôt parce que je n'assume pas ce besoin. Par exemple, je veux que l'autre me considère comme importante, mais cela demeure un secret entre nous. Jamais je ne lui ai avoué que ma valeur à mes yeux dépend du poids qu'il accorde à ce que je suis et à ce que je fais. Je ne lui ai jamais dit qu'à son contact, je m'accorde davantage le droit de vivre telle que je suis.

Il est même possible qu'au fond de moi, je refuse et renie ce besoin. Par exemple, bien des personnes contestent leur besoin d'être aimées en lui donnant le nom à la mode de 'dépendance affective'. Si c'est le cas, personne ne parviendra à le combler, quelle que soit sa façon d'agir. La porte d'entrée est fermée! Ce qui pénètre en moi n'est qu'un mince filet de ce qu'on m'offre. Je ne suis jamais repue, jamais comblée.

Si j'arrivais à consentir vraiment à ce besoin, la situation serait bien différente. Cela ouvrirait la porte à une satisfaction complète. Pour accepter d'exprimer ce besoin, en insistant sur toute son importance, il faut que je l'assume entièrement. Du même coup, j'ouvre la porte à ce qu'il soit comblé.

Au seuil de la séparation, une telle expression me permet aussi de me 'mettre à jour'. Il s'agit de montrer à la fois mes sentiments concernant la rupture et les besoins auxquels l'autre répond. M'assumer ainsi, telle que je suis, me rendra possible de quitter l'autre 'en conservant tous mes morceaux' (c'est à dire en respectant toutes les dimensions de ce que je vis). La séparation sera quand même difficile, mais je n'aurai plus l'impression d'une expérience de vie 'incomplète'. Ce sera le cas, car j'aurai été complète dans l'expression de ma réalité.

b) Lorsque le besoin n'est pas comblé

Si le besoin que je cherche à combler est bien identifié, mais insatisfait, la séparation sera très ardue. Dans la mesure où l'autre correspond à un espoir de satisfaction plus qu'à une satisfaction véritable, je serai incapable de renoncer à lui. Il faudra probablement qu'il s'arrache à moi car il sera hors de question que je renonce à ce potentiel inexploité. Que faire?

C'est le moment ou jamais, de faire place à ce besoin avec cette personne. Si je suis encore en attente, il est fort probable que ce soit parce que je n'ai jamais exprimé clairement mon besoin. J'ai probablement adressé des reproches, fait des allusions ou gardé mes attentes sous silence. Je lui ai peut-être fait de nombreuses demandes mais il est fort probable que je ne lui aie jamais manifesté clairement, explicitement et avec précision, le genre d'importance qu'il a pour moi et le besoin particulier qu'à mes yeux il a le pouvoir de combler. Et bien sûr, je n'ai jamais pris l'initiative de lui manifester ce besoin au moment où je le vis. Finalement, je n'ai pas pris, moi-même, l'initiative de combler ce besoin avec lui. Au mieux, j'ai revendiqué certaines actions de sa part, je l'ai informé des 'signes' que j'espérais de sa part. J'ATTENDS TOUJOURS.

Nous sommes à la dernière heure, il est temps pour moi d'agir au lieu d'attendre. À ce moment-ci de notre relation je n'ai rien à perdre réellement, sinon la face. Si je ne fais rien, je me condamne à me reprocher longtemps de n'avoir rien tenté, de ne pas avoir fait le nécessaire et même l'impossible pour que cette relation devienne satisfaisante autant que je le souhaite.

Pour ne pas quitter l'autre avec l'impression d'être 'passée à côté' il est indispensable que je fasse moi- même les gestes qui me permettront de jouir de ce que cette personne peut me donner. Je dois me mobiliser pour vivre avec elle les choses pour lesquelles je l'ai choisie. La rupture sera moins indigeste si je fais et si j'exprime aujourd'hui ce que je n'ai pas osé faire ou exprimer jusqu'à maintenant.

Il faut bien comprendre que l'énergie que j'investis dans cette personne, c'est pour trouver réponse à des besoins qui ne sont PAS OPTIONNELS que je la mobilise. Ils font partie de moi de façon essentielle. Si je n'obtiens pas satisfaction maintenant, j'investirai bientôt autant d'énergie dans une autre personne à qui j'accorderai une importance semblable, pour répondre au même besoin.

C'est là une partie de l'explication des relations que l'on dit répétitives. L'effort donc que je ferai avant de partir, pour assumer mon besoin, est incontestablement un investissement pour ma prochaine relation. Je sortirai de cette relation avec des capacités accrues de porter mon besoin et de me mobiliser pour obtenir satisfaction. Au lieu d'être une copie quasi conforme de celle-ci, ma prochaine relation aura des chances d'être plus évoluée.


3- Pourquoi il est nécessaire de compléter la relation

Si je ne fais pas ainsi le nécessaire pour compléter cette relation avant d'y mettre fin, je serai condamnée à y demeurer accrochée. Si je ne cerne pas bien l'importance de l'autre, si je ne suis pas prête à assumer mon besoin, si je refuse de me mobiliser pour y trouver réponse dans cette relation, je demeurerai indéfiniment dans une relation inachevée et stérile. Cette paralysie peut prendre plusieurs formes.

a) Être en deuil à perpétuité

Il me sera impossible de nouer une nouvelle relation affective de cette envergure. J'aurai l'impression d'être en deuil. L'autre sera encore dans mon coeur, dans mes pensées. Le souvenir sera triste, nostalgique ou encore amer. Je porterai tous les signes d'une relation non terminée: tristesse, dépression, l'impression que personne ne peut être à la hauteur. Certains vivent un tel deuil tout le reste de leur vie.

b) Régler mes comptes indéfiniment

Tout en étant officiellement séparée, je continuerai à faire payer l'autre pour ce qu'il ne m'a pas donné (et que ce salaud donne peut-être à une autre!). Plus insidieusement, je chercherai à ce qu'il me donne, qu'il le veuille ou non, ce que je n'ai pas réussi à obtenir durant notre vie commune: l'attention, une place prépondérante.

Notre oeuvre commune, nos enfants, sera une occasion en or pour garder un contrôle sur lui. Ce lien, conservé jalousement m'autorisera à garder une place dans sa vie. Jamais mes stratagèmes ne me donneront une réelle satisfaction. Au contraire, mes gestes auront une saveur destructrice. Le pire, c'est que l'investissement dans cette vendetta me détournera de la recherche d'une vraie satisfaction... avec lui ou avec un autre.

c) Répéter le scénario à l'infini

Si je n'arrive pas, à l'occasion de cette séparation, à ASSUMER mon besoin, je répéterai le même scénario dans ma prochaine relation. Il en sera ainsi indéfiniment, tant que je ne consentirai pas à l'existence de mon besoin et que je n'accepterai pas de prendre la responsabilité de m'impliquer réellement pour trouver satisfaction à ce besoin. C'est l'entêtement révolté à attendre, combiné à la force d'un besoin essentiel qui ne supporte pas d'être inassouvi, qui provoque la plupart des déchirures et des échecs dans nos relations avec les personnes importantes de notre vie.



F. En conclusion...


Les séparations sont nombreuses et inévitables au cours d'une vie. Elles sont même nécessaires lorsque deux personnes se développement dans des directions opposées.

Il est important de savoir comment réussir ces séparations si on veut pouvoir continuer notre chemin. Autrement, nous demeurons handicapés indéfiniment par les douleurs de la rupture ou par l'absence insupportable.

La séparation déclenche des émotions intenses et importantes. Vivre ses émotions complètement nous permet de passer à travers ces durs moments. C'est cette façon de faire qui rend possible de vivre la séparation complètement pour ne pas s'éteindre avec la relation. C'est également le premier pas vers l'expression complète qui nous libérera et nous permettra de redevenir disponible pour une nouvelle relation plus satisfaisante.
Bénévole
 
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par stephy31 » Mer 27 Avr 2011, 09:24

Waou génial ! T'es un amour
J'espère que ça pourra aider d'autres personnes sur ce forum
Encore un grand merci de penser à nous et d'être toujours là pour nous
:calin:
C'est en croyant aux Roses qu'on les fait éclore
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par briséis » Mer 27 Avr 2011, 09:30

j'espère aussi !!
je vais mettre le lien sur le post des relations destructrices, je crois que ça pourra intéresser certains membres.
bon courage à toi !
mais n'hésite pas à aller voir quelqu'un si tu sens que tu bloques, parce que si certaines choses nous paraissent évidentes, d'autres sont plus vicieuses et latentes, et le psy saura les voir et t'aider (sinon pas besoin de faire 5 ans de fac pr ça :lol: :wink: ). surtout quand ça a des répercussions sur le rapport à sa propre mort, et lorsque cela a des conséquences sur son couple (cf les articles précédents sur les transferts...que nos parents nous aient quittés ou pas, nous avons tendance à vouloir régler avec eux des choses en passant par quelqu'un d'autre. je m'explique; on ne choisit jamais ses partenaires par hasard, ils nous permettent toujours de régler des choses que l'on n'a pas réglées avec ses parents. ça s'appelle un transfert. quelqu'un qui aura manqué d'amour, aura été négligé, pourra chercher à vivre une relation humiliante, où il ne sera pas aimé, comme avec ses parents. il aura résolu son transfert quand il aura réussi à régler ses comptes avec ses parents en passant par cette personne. tant que le transfert ne sera pas réglé, la personne tombera sur le même type de partenaire et donc sur le même type de relation...c'est le meilleur signe pour savoir si on a tourné la page dans sa tête et dans son coeur ! :wink:
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par briséis » Ven 29 Avr 2011, 20:12

1.vivre heureux à deux
2.transfert et droit de vivre
3.querelles et chicanes dans le couple
4.fuir ou affronter ses difficultés
5.Apprendre à m'aimer (Sortir de la dépendance affective)
6:Transfert et conquête de l'autonomie
7. Vouloir changer son conjoint
8.Reconnaître les vrais besoins
9. Être victime ou non
10. Deuils et séparations
11.Les impasses du deuil
12.Ne vous séparez jamais sans...


13. La confiance en soi
Par Jean Garneau, psychologue

Cet article est tiré du magazine électronique
Résumé de l'article

Qu'est-ce que la confiance en soi? Sur quoi repose-t-elle? Peut- on la développer à l'âge adulte ou est-ce que ça ne s'acquiert que dans l'enfance?

Cette fameuse confiance en soi, celle qui fait que certaines personnes réussissent tout ce qu'elles entreprennent! Est-elle une qualité innée, l'aboutissement d'une enfance heureuse ou un résultat que nous pouvons obtenir par nos propres efforts? Jean Garneau explique de quoi est faite cette confiance, ses rapports avec l'estime de soi et les façons dont nous pouvons la développer à travers les activités de notre vie quotidienne.


Table des matières

A. Introduction
B. Mythe et réalité
C. L'influence de l'éducation
D. Les ingrédients
1. Une prédiction
2. Réaliste
3. Des ressources suffisantes
4. Dans un domaine particulier
5. Temporaire
6. Une définition
E. Comment bâtir sa confiance en soi
1. L'accumulation d'expérience
2. L'évaluation des résultats
3. L'innovation volontaire
4. Des risques calculés
F. Un exemple en guise de conclusion



A. Introduction


Pierre entre dans la salle pour la première réunion de ce nouveau groupe de travail. Il est essoufflé et en sueurs même s'il est en avance. D'un coup d'oeil il trouve une place libre et s'empresse d'y déposer ses documents. Mine de rien, il jette des coups d'oeil furtifs aux autres. Il cherche à se donner une contenance pour que personne ne puisse voir combien il est tendu. Ses gestes sont saccadés et maladroits, sa posture est rigide, ses mains sont moites, il a la bouche sèche. En ce moment, il n'aspire qu'à une chose: survivre à cette première réunion.

Lorsque Julie arrive, elle s'arrête, jette un regard sur les personnes déjà présentes et sourit aux deux personnes qui répondent à son regard. Pierre n'est pas de ceux-là; il l'examinait du coin de l'oeil, mais s'est empressé de regarder dans la direction opposée lorsqu'elle s'est tournée vers lui. Il s'en veut aussitôt, mais il voudrait quand-même être invisible. Lorsque Julie vient s'installer à côté de lui, il est tellement embarrassé qu'il en échappe son crayon. Comble de malheur, elle lui parle: "Bonjour, je m'appelle Julie, je travaille à la comptabilité. Je me demande bien pourquoi on nous a réunis. Le savez-vous?"

Maintenant, Pierre est terrorisé! Il veut répondre, mais aucun son ne sort de sa gorge. Il se demande quoi dire, quoi faire de ses mains, comment avoir l'air dégagé. Il sait qu'il ne réussira pas, comme d'habitude... Heureusement, la réunion commence immédiatement; sauvé!

Pendant la première partie de la réunion, Pierre n'arrive pas à être attentif. Il est trop occupé à s'en vouloir d'avoir bafouillé. Il envie l'assurance de Julie. Il la trouve chanceuse d'être aussi complètement à l'aise, d'avoir parfaitement confiance en elle et de réussir ainsi sans effort. Après une heure à peine, il constate que Julie devient déjà une personne importante dans le groupe alors que lui n'a pas encore ouvert la bouche et ne sait pas trop de quoi il est question.

Comme dans les autres comités dont il a fait partie, Pierre se dirige vers un échec humiliant. Il ne sera qu'un figurant aussi silencieux que possible. Lorsqu'il ne pourra pas éviter d'émettre une opinion, il s'en tiendra à un point de vue vague, aussi proche que possible des opinions des autres. Pourquoi?

On peut certainement dire que Pierre n'a pas confiance en lui-même. C'est vrai, mais incomplet. On pourrait tout aussi bien dire que Pierre prend tous les moyens pour éviter d'avoir confiance en lui: il fait exactement tout ce qu'il faut pour saboter ses chances d'augmenter sa confiance. C'est également vrai, mais beaucoup plus important, car cette vision laisse entrevoir une solution.

Le but de cet article est de faire comprendre comment on peut changer ce genre de situation: comment on peut transformer cet échec destructeur assuré en un tremplin créateur de confiance. C'est beaucoup plus facile qu'on peut le croire, vous verrez.


B. Mythe et réalité


Du point de vue de Pierre, la confiance en soi est une chose assez magique et plutôt injuste. Il trouve que Julie a la vie très facile: elle est à l'aise et sûre d'elle-même sans avoir à faire quoi que ce soit pour l'obtenir. Il suppose que c'est dû à son éducation et à son milieu familial lorsqu'elle était enfant. Il croit que s'il avait été davantage supporté et encouragé par ses parents il serait comme Julie: tout serait facile et il aborderait les situations avec une assurance inaltérable.

Mais la réalité est moins simple. Julie aussi est dans une situation nouvelle et ne connaît personne. Elle est nerveuse comme Pierre, mais elle choisit de créer le contact avec les autres au lieu de l'éviter. C'est sa façon de se rassurer et de faire face à cette situation.

La différence principale entre nos deux membres du comité, c'est donc la stratégie qu'ils ont adoptée pour vivre cette situation nouvelle; l'un évite les contacts alors que l'autre les établit pour se rassurer. Dès que ce choix est fait, on peut prédire à coup sûr qui réussira à faire de ce groupe une expérience enrichissante et qui en sortira avec une image négative de lui-même.

Julie a décidé que la façon la plus facile d'être à l'aise, c'est d'être aussi naturelle et ouverte qu'elle le peut. Elle ne cherche pas à dissimuler sa nervosité; elle la transforme en action. Elle ne cherche pas à apparaître "au dessus de ses affaires", elle se sert même de son inconfort comme sujet de conversation pour aborder Pierre. Pour elle, sa nervosité est justement une bonne raison d'aborder les gens; elle sait que c'est ainsi qu'elle fera disparaître. Elle ne cherche pas à impressionner les autres, elle cherche à utiliser cette situation pour connaître de nouvelles personnes et pour apprendre à travailler en groupe. Avec de tels objectifs, elle réussira certainement.

Pierre, de son côté, a choisi de dissimuler son malaise et de se taire tant qu'il n'aura pas quelque chose d'assez brillant à dire pour impressionner tout le monde. En faisant ce choix, il se condamne à l'échec, car ses exigences sont irréalistes et sa tactique de dissimulation le paralysera à coup sûr.


C. L'influence de l'éducation


Pierre a-t-il raison de croire que c'est à cause d'une enfance plus heureuse dans un milieu familial plus supportant que Julie est plus confiante que lui? En réalité, la vraie réponse à cette question est "peut-être en partie". En effet, le fait d'être aimé, traité avec respect et avec confiance par ses parents quand on est jeune peut contribuer à donner un meilleur départ du point de vue de la confiance en soi. Mais ce n'est pas la seule façon dont les parents peuvent avoir une influence dans ce domaine.

Souvent, les parents empêchent un enfant de commencer à développer sa confiance en voulant le protéger de l'échec ou de la douleur. "Je vais t'aider pour ne pas que tu te blesses" et "Je vais le faire à ta place" peuvent tuer dans l'oeuf les premiers germes de la confiance en soi, même lorsqu'ils sont faits avec amour. Ils sont nuisibles de deux façons:

1. ils donnent à l'enfant une image de lui-même comme quelqu'un d'incapable et
2. ils lui font croire qu'il est très grave d'échouer, de se faire mal ou d'avoir de la difficulté à parvenir à son but. Cette deuxième façon est la plus grave, car elle est plus difficile à surmonter par la suite.

Une autre façon dont le milieu familial peut nuire à la confiance en soi, c'est en supportant trop l'enfant. Il y a deux façons principales de le faire:

1. en approuvant tout sans aucune discrimination et
2. en encourageant l'enfant de façon à le faire atteindre un plus haut niveau de performance.

Dans le premier cas, l'enfant apprend qu'il n'y a pas de place pour l'échec dans sa vie: il réussit tout sans effort et l'échec est une impossibilité. De cette façon, il ne peut devenir réaliste dans sa vision de lui-même et ne peut développer sa capacité de discriminer entre ses forces et ses faiblesses ou entre les situations qui évoluent favorablement et celles qui se développent mal.

Dans le deuxième cas, c'est la peur de l'échec qui risque de devenir paralysante. L'enfant comprend implicitement que c'est leur propre valeur que ses parents cherchent à établir à travers lui; il sait intuitivement que son échec serait pour eux une blessure intolérable. Il doit réussir à tout prix pour ne pas "détruire le rêve" ses parents. Il peut, en plus, croire qu'il doit exceller pour ne pas perdre l'amour de ses parents.

Mais en réalité ces explications sont insuffisantes pour comprendre le manque de confiance d'une personne. Les étapes de l'enfance ont leur importance, mais elles ne suffisent pas à donner à un adulte la confiance en lui-même et elles ne suffisent pas à l'en priver. En fin de compte, ce sont nos propres actions qui sont les facteurs les plus importants. C'est pour cette raison que Pierre a tort quand il pense que Julie réussit mieux à cause de son enfance plus favorable. C'est à cause de la façon dont chacun agit maintenant, dans cette situation nouvelle, qu'ils en sortiront avec des niveaux de confiance différents. Pour bien le comprendre ça, il faut examiner plus précisément en quoi consiste la confiance en soi.


D. Les ingrédients


La confiance en soi comporte cinq caractéristiques essentielles. En comprenant bien chacune, on peut facilement imaginer des façons d'agir sur notre confiance et sur celles des autres.

1- Une prédiction

La confiance en soi est toujours une prédiction. Il ne s'agit pas d'une qualité innée, du résultat d'un "insight" ou d'un sentiment. Cette confiance existe d'abord dans l'esprit: la personne fait une prédiction. Elle prévoit quelque chose qui surviendra dans l'avenir. Contrairement à ce qu'on croit souvent en regardant de l'extérieur une personne qui a confiance en elle, il ne s'agit pas d'une certitude mais d'une prédiction, avec une part réelle d'incertitude comme toutes les prédictions.

2- Réaliste

Contrairement à ce qu'on croit souvent, il ne s'agit pas d'une confiance aveugle. La confiance en soi est réaliste: elle s'appuie sur l'expérience réelle accumulée par la personne. Autrement, cette confiance serait dangereuse et conduirait à des échecs graves. Mais nous avons la chance d'être protégés par des réflexes vitaux qui nous empêchent, en temps normal, de nous faire une confiance aveugle ou excessive. Sans avoir à le décider, nous avons naturellement tendance à nous inspirer des résultats obtenus dans le passé pour prévoir ce qui nous attend.

3- Des ressources suffisantes

La personne qui entreprend une tâche nouvelle ou s'implique dans une situation inconnue ne peut connaître à l'avance les résultats qu'elle obtiendra. Si elle est réaliste, elle sait qu'un grand nombre de facteurs contribueront à créer ces aboutissements et que sa contribution, même importante, n'est que partielle. La confiance en soi ne va pas jusqu'à prédire les résultats: elle prédit, avec réalisme, qu'on a les ressources nécessaires pour faire face à la situation. Elle prédit qu'on est capable de trouver des solutions aux problèmes qui ne manqueront pas de survenir en cours de route. La personne confiante prédit, en s'appuyant sur son expérience, qu'elle va réussir à se débrouiller adéquatement. Elle ne sait pas si elle va réussir à atteindre ses objectifs, mais elle croit, avec un niveau de certitude élevé, qu'elle trouvera les moyens de "faire pour le mieux" dans la situation réelle.

4- Dans un domaine particulier

La confiance en soi n'est pas un chèque en blanc! Toute prédiction doit être relativement précise pour être réaliste. Cette prédiction s'applique toujours à un domaine particulier. Je peux avoir confiance en moi comme skieur sans être confiant comme golfeur. C'est le résultat de mes expériences accumulées dans ces deux domaines (ainsi que dans les domaines connexes comme le tennis et la planche à voile) qui est le principal critère. Je peux avoir confiance en moi comme amant mais non comme père, comme participant aux réunions mais non comme animateur, etc. Vue de l'extérieur, la confiance en soi apparaît souvent comme générale, mais en réalité, elle est toujours spécifique.

Par exemple, il est clair que Pierre n'a pas confiance en lui comme participant au groupe de travail dont il est membre avec Julie, mais il peut avoir une très grande confiance en lui-même comme père pour faire l'éducation de ses deux enfants. Tout dépend des expériences qu'il a accumulées dans chaque domaine et des conclusions qu'il en tire.

5- Temporaire

Et il faut ajouter enfin que la confiance en soi n'est jamais acquise définitivement. Elle est temporaire par définition, car elle est réaliste et ancrée dans l'expérience. Si je cesse de jouer au golf pendant quelques années, ma confiance dans ce secteur en souffrira. Je garderai sans doute la confiance d'être capable de retrouver mon habileté perdue, mais je sais par expérience qu'il faut jouer très régulièrement pour maintenir cette habileté. Le manque de nouvelles expériences amène ma confiance à s'émousser.

De nouvelles expériences malheureuses peuvent également l'atténuer ou même la détruire. Ce sera encore plus vrai si ces expériences ne peuvent être intégrées dans l'expérience de la personne. Par exemple, si je rencontre des échecs, surtout répétés, que je ne parviens pas à comprendre, leur effet sur ma confiance sera important. C'est comme si je ne pouvais plus me fier à mon expérience accumulée sur laquelle ma confiance s'appuyait. Ma compréhension pratique du domaine n'est plus applicable ou ne me semble plus valide.

Une définition

La confiance en soi est donc "Une prédiction réaliste et ponctuelle qu'on a les ressources nécessaires pour faire face à un genre particulier de situation".

Elle est toujours le résultat d'une accumulation d'expérience. Il s'agit toujours d'une certitude partielle qui s'applique à un domaine particulier et à un moment donné. Il ne s'agit jamais d'une prédiction de résultat ou de performance; c'est plutôt une prévision qui touche la façon dont les choses vont se passer.

Après ces explications, il est plus facile de comprendre pourquoi Pierre et Julie ont vécu, dans le même groupe de travail qui était nouveau pour les deux, des expériences si différentes. Ils abordaient la situation de façon bien différente et, à cause des choix qu'ils ont faits, ils obtiendront des résultats radicalement opposés du point de vue de la confiance en soi. Pierre en sortira avec encore moins de sécurité et plus convaincu que jamais qu'il est incapable de participer à ce genre de groupe alors que Julie y puisera une confiance qu'elle n'avait pas auparavant.


E. Comment bâtir sa confiance en soi


L'accumulation d'expérience

Lorsque nous abordons un domaine nouveau, nous sommes dans une situation d'insécurité. Nous ne savons pas trop à quoi nous attendre et comment nous adapter à ce contexte. Nous n'avons pas ce qu'il faut pour prévoir ce qui se passera et anticiper nos réactions. Nous ne pouvons avoir confiance en nous-mêmes dans ce domaine précis; il serait même dangereux de nous lancer avec assurance dans ce domaine sans en connaître mieux les pièges.

D'autres personnes peuvent être bien en confiance dans le même domaine, car elles y sont habituées. Elles en ont mesuré les dangers, elles sont familières avec ses caractéristiques et avec ce qui qu'y passe habituellement. Elle savent aussi comment elles réagiront dans un grand nombre des situations qu'on rencontre dans ce domaine. Elles peuvent prédire sans crainte qu'elles trouveront une façon de s'adapter à ce qui s'y passera. Elles ne savent pas exactement ce qui va se passer dans une situation particulière, mais elles n'en éprouvent pas le besoin. Cette marge d'incertitude demeure confortable ou même stimulante.

Le premier ingrédient de la confiance en soi est clair: il faut s'impliquer activement pour "prendre de l'expérience". C'est un élément essentiel, mais il ne suffit pas. Il doit s'accompagner d'autres ingrédients.

L'évaluation des résultats

Il ne suffit pas d'accumuler de l'expérience; il faut aussi en tirer les leçons appropriées. Autrement, on ne ferait que répéter les mêmes erreurs à l'infini ou reproduire une "recette magique" sans en connaître les limites.

C'est en faisant une évaluation précise de nos échecs que nous pouvons en comprendre les causes. Une fois qu'on a bien compris ses erreurs, on peut les corriger en agissant autrement, en tenant mieux compte de ce qui se passe. Sans cette compréhension, on est voué à essayer n'importe quoi en espérant "tomber par hasard" sur la bonne solution.

Mais il n'est pas facile d'essayer "n'importe quoi". La façon de faire qui a échoué était la meilleure qu'on avait trouvée; il est difficile de choisir une autre façon qui semble inférieure en espérant qu'elle donne de meilleurs résultats. Pas étonnant qu'on ait tendance à répéter à l'infini la même erreur. J'ai répété la même erreur en ski pendant des années, jusqu'à ce qu'un ami me fasse voir pourquoi mes virages à gauche étaient si laborieux. Mais dès ce moment, j'ai pu changer ma façon de faire. Les succès sont ensuite venus dès que j'ai réussi à automatiser cette nouvelle façon.

De la même façon, si j'ai réussi "par hasard" dans mes premières tentatives, je suis naturellement porté à répéter la méthode qui m'a donné ces bons résultats. Mais si je ne prends pas le temps d'examiner mon expérience, si je ne me donne pas la peine de comprendre pourquoi j'ai réussi, je suis presque condamné à répéter cette méthode à l'infini.

Souvent, nous devenons rigides et limités en nous fiant ainsi aveuglément à une méthode qui réussit. Nous ne comprenons pas assez ce qui se passe pour nous adapter aux situations et découvrir des variantes encore plus satisfaisantes; nous ne pouvons que répéter la "recette magique". Au bout du compte, nous demeurons alors relativement peu confiants dans nos capacités, car nous savons plus ou moins clairement que tout imprévu pourrait détruire notre stratégie.

Donc, en plus de l'accumulation d'expérience, la confiance en soi exige une réflexion critique sur ces expériences afin d'en comprendre les jeux de forces, les variables principales et les liens de cause à effet. La prédiction réaliste que constitue la confiance en soi doit s'appuyer sur une telle compréhension.

L'innovation volontaire

Si on répète toujours les mêmes gestes, on ne peut maîtriser que ceux-ci. Mais le fait d'être limité à quelques possibilités nous laisse très vulnérables: toute nouvelle situation risque de rendre notre méthode inapplicable. La confiance dans nos moyens d'adaptation est alors impossible et ne serait pas réaliste.

Une confiance en soi solide suppose donc une expérience variée: plusieurs variantes dans la situation et dans son évolution, plusieurs méthodes d'adaptation, plusieurs solutions aux obstacles rencontrés. Pour obtenir cette richesse d'expérience, il est nécessaire d'introduire volontairement de la variété.

Pourquoi ne pas se satisfaire de la variété qui viendra nécessairement des événements eux-mêmes? On pourrait croire que ces derniers apporteraient des variations aussi intéressantes et même plus réalistes ou pertinentes. Mais en fait ce n'est pas le cas, car ces variations obéiraient plus ou moins au hasard et aux déterminants qui sont extérieurs à nous. Elles ne pourraient jamais nous permettre d'explorer de nouvelles (et peut-être meilleures) façons de réagir aux mêmes situations. Notre exploration serait limitée à la création de nouvelles solutions pour de nouvelles situations. La vraie confiance suppose qu'on est capable de s'adapter rapidement aux situations et de créer de nouvelles solutions lorsque nécessaire. Elle se renforce encore davantage lorsqu'on ose chercher des solutions meilleures que celles qu'on connaît déjà.

Par ailleurs, il est certain que cette expérimentation "plus ou moins volontaire" nous mettrait plus souvent dans des situations très nouvelles auxquelles nous n'aurions pas de réponses adéquates. Notre taux d'échec serait beaucoup plus élevé, ce qui entraînerait des effets négatifs, au moins à court terme, sur notre niveau de confiance. L'innovation volontaire nous permet au contraire de construire à partir de nos succès et de développer de nouvelles options en nous appuyant sur notre compréhension qui va en grandissant. Ceci nous amène au dernier ingrédient essentiel: la gestion des risques.

Des risques calculés

Autrefois, certains disaient que la meilleure façon d'apprendre à nager, c'est de se jeter à l'eau. Malheureusement, les personnes qui avaient l'expérience nécessaire pour démentir ce mythe étaient toutes mortes noyées. Il faut survivre pour que notre expérience puisse se transformer en confiance en nous!.

La stratégie la plus efficace pour que notre expérience nous serve à développer rapidement notre confiance en nous-mêmes, c'est de bien choisir les risques que nous prenons. Autrement dit, nos tentatives nous seront plus utiles si nous faisons des expériences dont le degré de risque nous apparaît tolérable. De cette façon, nous pourrons aller de succès en succès tout en apprenant les variantes et les subtilités du domaine que nous apprivoisons. Même les échecs seront tolérables et pourront faire partie de notre apprentissage parce que nous les aurons envisagés à l'avance et nous en aurons contrôlé la gravité.

Il est nécessaire de prendre des risques pour sortir des solutions toutes faites et explorer vraiment le nouveau domaine. Mais il n'est pas utile de risquer des échecs qui nous détruiraient; il vaut mieux augmenter progressivement le niveau de difficulté et l'importance des risques. C'est de cette façon que nous serons sûrs d'avoir les ressources et la sécurité personnelle pour accepter et exploiter les échecs lorsque nous les rencontrerons.

En somme, c'est comme pour tous les autres apprentissages, il faut graduer la difficulté pour progresser rapidement; ne pas rester limité à ce qu'on connaît déjà, mais ne pas se lancer aveuglément dans des situations trop difficiles pour les moyens dont nous disposons.

F. Un exemple en guise de conclusion


Imaginons que Pierre lise cet article; il pourrait décider que son manque de confiance en lui-même n'est pas nécessairement définitif. Il pourrait choisir de profiter de la deuxième réunion de ce Comité pour commencer à développer sa confiance en "prenant de l'expérience". Voici un exemple de la façon dont il pourrait procéder.

Pierre a remarqué un truc que Julie utilise abondamment et qui semble lui réussir: elle entre directement en contact avec les autres. Il aimerait en faire autant, mais il craint d'être maladroit parce qu'il n'a pas l'habitude de prendre les devants.

Astucieux, Pierre décide qu'il peut se préparer en s'entraînant dans des situations où il se sent plus sûr de lui. Il choisit donc, en attendant la prochaine réunion du Comité, de se servir de ses collègues de travail pour devenir plus habile à aborder les gens.

Il décide qu'avec chacune des six personnes de son équipe de travail, il créera de sa propre initiative un contact par jour: amorcer une brève conversation à propos de la principale manchette du journal, poser une question sur un point technique du travail, s'informer du week-end, exprimer sa réaction personnelle devant une situation, dire bonjour dans l'ascenseur, peu importe! Pierre veut s'habituer à prendre l'initiative qui crée le contact.

Après environ une semaine, Pierre commence à trouver cette approche un peu trop facile. C'est devenu presque naturel pour lui d'aborder ses collègues et il constate que ses relations avec eux sont devenues plus intéressantes; il a le goût de leur parler alors qu'auparavant il restait plutôt seul. Comme il reste encore un mois avant la prochaine réunion du Comité, Pierre cherche une autre façon de prendre de l'expérience dans l'art d'aborder les gens, quelque chose d'un peu plus difficile.

Il voit deux possibilités: aborder son chef d'équipe (qui l'impressionne beaucoup) et aborder de parfaits inconnus. Il décide de commencer par son supérieur car ça lui semble moins artificiel que d'aborder des inconnus sans prétexte valable. Pendant deux semaines, il prend l'initiative d'un contact par jour avec son chef d'équipe; au moins le saluer et lui demander "comment ça va", mais il veut davantage... Et après une douzaine de jours, il trouve le courage de prendre rendez-vous avec son chef pour lui parler d'un point qui le préoccupait depuis deux ans.

Et il continue ainsi à progresser grâce à ses exercices réguliers et à la gradation des difficultés auxquelles il se mesure. De plus, il réfléchit aux tentatives nouvelles qu'il pourrait faire, aux les résultats qu'il obtient. Il continue à essayer de nouvelles façons d'agir pour les comparer aux anciennes. Il est allé jusqu'à prendre le Métro pour se rendre au travail afin de vérifier s'il trouverait le courage d'aborder sans raison de parfaits inconnus. Il est sorti de cette expérience gonflé à bloc! Lui qui autrefois examinait soigneusement le plancher dans de telles situations, il s'est surpris à parler à deux personnes du match d'hier, à regarder les gens avec intérêt et à sourire à une jolie jeune femme lorsque leurs regards se sont croisés. Pierre commence à trouver qu'il est plutôt habile à initier des contacts...

Ensuite, il s'attaque à la préparation de la prochaine réunion du comité. Il se dit que s'il parvenait à initier un contact intéressant avec chaque membre du groupe, sa participation aux travaux du comité serait beaucoup plus facile. Comme il craint d'avoir le trac et de manquer d'inspiration sur le moment, il décide de se préparer à l'avance. Il veut avoir quelque chose à dire en abordant chaque membre du comité.

Deux jours avant la réunion, il prend le temps d'identifier ce qu'il aimerait réellement dire à chaque personne; quelque chose de particulier pour chacune. Il s'assure de choisir quelque chose qu'il se sent capable de dire réellement et va même jusqu'à essayer de le dire à haute voix pour vérifier s'il se sent confortable. Ainsi, même s'il manque d'inspiration sur le moment et même si la nervosité nuit à sa concentration, il aura quelque chose de valable à dire pour prendre contact avec chacun. Il est étonné de constater qu'il n'a aucune difficulté à trouver des choses qu'il aimerait dire à chaque personne, à partir de ce qu'il connaît d'elles.

Croirez-vous que le jour de la réunion Pierre était nerveux mais enthousiaste; il avait hâte! Il est arrivé tôt, a eu le temps d'échanger avec trois personnes avant que la réunion commence et deux autres à la pause. Fort de ces nouveaux liens, il se sentait nettement plus à l'aise pendant la réunion. En s'adressant plus particulièrement à une de ces personnes, il a exprimé une opinion vraiment personnelle pendant la réunion. Il en est très heureux, même s'il n'a pas réussi à développer son idée autant qu'il l'aurait souhaité. Il est satisfait d'avoir osé et se réjouit de la confiance nouvelle qu'il sent se développer en lui. Il a hâte à la prochaine réunion, car il la voit comme une occasion de continuer à apprendre.

En bref

Parce qu'il a décidé de faire des expériences, Pierre s'est mis dans une situation où il pouvait augmenter sa confiance en lui-même. Parce qu'il a pris soin de graduer la difficulté de ses expériences, il s'est donné la possibilité de progresser rapidement dans sa confiance. Parce qu'il réfléchit sur ses expériences et cherche à comprendre les causes de ses succès comme celles de ses échecs, Pierre comprend de mieux en mieux ses forces et ses faiblesses dans les contacts interpersonnels et il perçoit plus clairement les forces qui sont en jeu dans un groupe de travail.
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par choupinette » Dim 01 Mai 2011, 13:26

super cet article merci a vous de l'avoir fait partager

je me retrouve dans cette article vécu 30 ans avec un homme méprisant toujours négatif....J'a réussit a m'en sortir seule le jour ou il ne pouvait plus m'atteindre et qu'il as commencé a frapper mon fils....
tellement plus facile la celas as étè le déclic suis partit presque du jour au lendemain mais réfèchit quand meme....Depuis 1 an séparé ne regrette rien je me suis reconstruite petit a petit si celas était a refaire j'aurais partit beaucoup plus tot mais ce qu'est fait est fait mon fils s'est épanouie a vue d'oeil et on est super heureux maintenant.... voila le petit témoignage que je voulais partager
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par stephy31 » Mar 03 Mai 2011, 18:09

Merci pour ce partage Choupinette qui est plein d'espoir pour ceux et celles qui n'osent pas !
Heureuse que ton fils est pu grace a toi retrouver son équilibre et toi le tien !
Soyez heureux :)
C'est en croyant aux Roses qu'on les fait éclore
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par briséis » Sam 14 Mai 2011, 16:39

1.vivre heureux à deux
2.transfert et droit de vivre
3.querelles et chicanes dans le couple
4.fuir ou affronter ses difficultés
5.Apprendre à m'aimer (Sortir de la dépendance affective)
6:Transfert et conquête de l'autonomie
7. Vouloir changer son conjoint
8.Reconnaître les vrais besoins
9. Être victime ou non
10. Deuils et séparations
11.Les impasses du deuil
12.Ne vous séparez jamais sans...
13. La confiance en soi

14. Le transfert dans les relations

Par Michelle Larivey, psychologue




Résumé de l'article

on a tous eu des relations amoureuses qui se ressemblent, le même type d'amis, le même type de relation professionnel...Malchance, mauvais sort ?? non non non :non:
Plusieurs auteurs parlent de blessures du passé qui influent sur nos relations présentes. D'autres soulignent les scénarios répétitifs qui nous conduisent toujours dans les mêmes impasses. En fait, c'est notre "manière de vivre" nos expériences émotives avec l'autre qui est responsable des noeuds qui nous étouffent ou étouffent la relation. Pourquoi en est-il ainsi? Que faire pour dénouer ces noeuds?



Table des matières

A. Introduction
B. Histoire de noeuds: constance et similitude
C. Caractéristiques des histoires de noeuds
D. Conclusion: réactions à l'impasse




A. Introduction



Il s'écrit beaucoup de choses sur les relations humaines. On en traite sous différents angles: la communication, la vie de couple, l'amour, la psychologie de l'homme et de la femme, la relation parent-enfants, etc. Dans beaucoup de ces livres, les difficultés interpersonnelles et les conflits sont bien décrits. Le lecteur s'y reconnaît tellement que plusieurs de ces ouvrages sont devenus des best-sellers. Dans la majorité de ces ouvrages, toutefois, je trouve peu de solutions efficaces et réalistes à ce qu'on considère comme des noeuds dans les relations. Par exemple, les conseils sont souvent inapplicables dans les faits parce qu'ils font appel à la volonté seulement. C'est le cas de cette recommandation concernant ce que certains appellent la dépendance affective: "ne vous attachez plus à ce genre de personne". Une telle prescription ne tient pas compte du fait que le psychisme ne peut se soumettre à la raison seulement. On se souvient de la phrase de Pascal: "le coeur a des raisons que la raison ne connaît point". Elle s'applique bien aux attraits et aux antipathies, aux émotions et aux réactions intenses envers les autres. On ne peut composer avec ces expériences complexes en faisant des choix uniquement rationnels sans y laisser une partie de sa vitalité.

Les solutions proposées sont souvent inefficaces aussi, parce qu'elles ne s'attaquent pas au coeur du problème. En fait la cause des difficultés n'est pas cernée. Souvent on se limite à les décrire et à en déterminer l'origine. Lorsqu'on ne comprend pas ce qui cause un problème il est difficile d'y trouver une solution.

Mais il faut l'avouer, la question est complexe et elle ne date pas d'aujourd'hui. Les complications relationnelles ont, de tous les temps, fait saigner bien des coeurs et fait aussi répandre beaucoup de sang. Le suicide et le meurtre sont parfois le dramatique aboutissement de conflits entre personnes. On remarque dans les drames politiques et armés des ingrédients identiques à ceux qui attisent les guerres interpersonnelles.

Les noeuds dans les relations engendrent beaucoup de souffrance. Il est courant de voir des gens écorchés par leurs multiples ruptures, y compris parfois avec leurs parents. Mais il n'est pas rare non plus de voir des personnes âgés, adresser à leur conjoint les mêmes reproches et vivre les mêmes insatisfactions que dans les premières années de leur vie à deux. Ces gens sont souvent dans un état déplorable, autant au plan psychique que physique.

On s'en doute aussi, il n'y a pas de recette magique ou de truc simple pour dénouer les relations problématiques. Les noeuds sont d'ordre émotif et c'est par une solution émotive qu'on les dénoue. Ce n'est pas facile. Ceux qui veulent trouver une issue aux noeuds qu'ils rencontrent régulièrement dans leurs relations pourront donc troquer la souffrance présente contre des moments exigeants au plan émotif. Mais combien nombreuses seront les récompenses qu'ils trouveront dans cette voie de solution: vitalité accrue, relation plus dense et plus satisfaisante, confiance et fierté plus grandes avec en prime, un pas dans la direction d'une plus grande maturité psychique.

Cet article a pour but de mieux comprendre en quoi consiste ce que nous appelons Le transfert dans les relations. À l'aide d'un exemple élaboré, il dégage la similitude des difficultés vécues dans diverses relations importantes ainsi que la présence d'un dénominateur commun au coeur des divers noeuds. Il met aussi en lumière les attitudes et les comportements qu'on adopte typiquement par rapport à ces difficultés et face aux personnes vis-à-vis desquelles on les éprouve.


B. Histoire de noeuds: constance et similitude



Jérôme est un cadre supérieur dans une entreprise de services informatiques. C'est un homme très intelligent, réservé, articulé et couvert de diplômes. Il a gravi les échelons de l'entreprise qui l'a pris à son service dès sa sortie de l'université, grâce à son désir d'excellence et à sa capacité d'abattre une somme monstrueuse de travail en un temps record. Sa vie familiale, à première vue, est bonne. Il vit avec la même femme depuis 15 ans. Ils ont chacun leur vie professionnelle et font beaucoup de sport ensemble. Jérôme adore ses trois enfants.

Bien qu'il soit admirablement performant sur beaucoup de terrains, Jérôme est déprimé. Mais il ne parle jamais de cela. C'est sa vie. En fait, il est déprimé depuis à peu près l'âge de 9 ans. À son souvenir, un fond de tristesse a toujours tapissé sa vie. Mais Jérôme s'est fait à l'idée. Selon lui, c'est irrémédiable... il y a des choses qu'il n'a pas eues dans sa vie et qu'il ne pourra jamais avoir. Il n'a pas eu l'importance qu'il aurait voulu avoir auprès de sa mère et cela il ne peut le changer. Au plan amoureux, Jérôme a aussi sa théorie: la lune de miel ne peut toujours durer. Il faut être adulte. Il est convaincu aussi qu'il est impossible, dans un milieu de travail, d'obtenir la reconnaissance dont on a besoin. Il faut se faire à l'idée qu'on est payé pour fournir des résultats un point c'est tout.

Concernant son travail, Jérôme parle toujours comme s'il s'était fait à l'idée de cet état de fait, mais au fond, il est déçu lorsqu'il fournit une performance remarquable et que son directeur n'en fait aucun cas. Il sait, aussi que ce dernier se sert parfois de ses idées auprès de la haute direction. Il aimerait que son patron lui en donne le crédit. Il voudrait aussi que son patron lui dise de vive voix à quel point il trouve sa contribution valable dans l'entreprise.

Il n'est toutefois pas question d'avouer ce souhait au patron. Il est encore moins question de lui avouer son besoin de reconnaissance. Ce serait montrer une faiblesse. À chaque opportunité, cependant, il se prend à espérer. Chaque fois, il est déçu. Sa vie n'est pas réellement empoisonnée par cette frustration au travail... seulement ternie.

Jérôme se trouve exigeant et trop dépendant. Sa solution: enrayer son désir de reconnaissance et maintenir une distance avec son patron à qui il en veut à répétition.

Avec son épouse, Jérôme vit aussi une insatisfaction profonde, sur un aspect en particulier. C'est avec beaucoup de réticence qu'il accepte de parler de ce sujet car, depuis plusieurs années déjà, il n'essaie plus d'obtenir satisfaction. Il est convaincu que son épouse ne changera jamais. Il lui a souvent dit ce qu'il n'aimait pas. À maintes reprises il s'est mis en colère. Chaque fois, il a obtenu une réponse identique. Il en conclut qu'il est trop exigeant et qu'il devrait s'accommoder.

Ce qui le blesse le plus c'est l'impression que sa femme agit souvent comme s'il n'existait pas. Elle ne prend aucunement en considération certaines demandes qu'il lui fait. Elle les traite comme des caprices. Il a l'impression que tout doit se faire à sa manière à elle. Cela le choque au plus haut point. Cela le peine aussi. Mais avec elle, pas plus qu'avec son patron, il n'est question de lui faire voir quelle blessure elle lui inflige. Il serait alors en position trop vulnérable. D'ailleurs, ça le révolte d'être blessé par ce manque de considération. Il se trouve infantile et trop dépendant. Sa solution: se taire pour ne pas se faire traiter d'enquiquineur et prendre ses distances pour marquer sa froideur..

La vie de Jérôme n'est pas réellement empoisonnée par ce tiraillement avec sa femme. Mais sa relation est ternie. Il lui en veut souvent (il remarque son manque de sensibilité envers lui à chaque fois que cela se produit... même pour une si petite choses que de ne pas retenir une porte quand il la suit de près). Il s'aperçoit, intérieurement, qu'il s'éloigne d'elle. Il a aussi le goût de se venger: pourquoi serait-il gentil, prévenant, lui? Une poire! Le vase déborde parfois. Il réagit démesurément pour une peccadille. Et voilà qu'elle le traite de capricieux, grincheux! Il n'en faut pas plus pour repartir le carrousel de Jérôme: il est blessé (à la fois peiné et en colère). Il boude sa femme et il s'en veut de lui accorder autant d'importance. Il s'en veut d'avoir ce besoin et cherche à se raisonner; il réussit passablement et se retrouve éteint et déprimé.

Le fils aîné de Jérôme vient d'entrer dans l'adolescence. Ils avaient jusque-là une relation chaleureuse. L'enfant le réclamait, lui démontrait de l'affection. Depuis quelque temps, son fils l'ignore. Qui plus est, il se moque de ce qui importe à son père. Jérôme est peiné. Trop peiné, trouve-t-il. Il devrait être plus adulte et comprendre que l'adolescence est un âge ingrat, un âge où les parents comptent apparemment peu. Jérôme se raisonne en vain. L'attitude de son fils le peine profondément. Ce dernier aussi le traite comme un rien!

Encore une fois, impossible de parler de cette peine et de ce besoin d'être pris en considération. Il invoque comme raison qu'un enfant n'a pas à porter les problèmes de ses parents. Cette dépendance est son problème à lui et il réglera ce problème lui-même. Sa solution: tenter des rapprochements sur des terrains que lui et son fils ont en commun. Mais même sur ces terrains Jérôme n'obtient pas de considération de son fils. Alors, il cherche à se détacher émotivement.

Jérôme dépense beaucoup d'énergie pour "avoir une place" auprès de ceux qui ont de l'importance pour lui. Il travaille à cela avec sa femme, son fils, son patron et souvent avec d'autres personnes. Ce besoin est tellement grand et si inassouvi que toute situation le moindrement propice à l'éveiller se transforme en arène où Jérôme se débat pour obtenir ce à quoi il aspire. Parfois la bataille est uniquement intérieure. Par exemple lorsqu'il se trouve en société et qu'il cherche "comment se comporter" pour qu'on le trouve intéressant et qu'on apprécie sa présence.

Parfois la bataille qu'il livre est plus visible, par exemple avec sa secrétaire. Cette dernière fait fi, systématiquement, de ses directives concernant le temps supplémentaire, les pauses, les retards. Alors, il explique, s'explique, ré-explique, justifie. Mais en vain. Il est en colère d'avoir si peu d'impact, mais à chaque occasion il espère qu'elle aura compris sa position et en tiendra compte. Mais non, à la première occasion, elle récidive. Bien qu'il la considère par ailleurs comme une secrétaire hors pair, il rêve de se débarrasser d'elle tellement son manque de considération pour lui l'irrite profondément.

Il n'est pas question, pour Jérôme, de révéler à sa secrétaire à quel point son comportement le dérange et combien il est contrarié par son manque de respect pour ses directives. Ce serait être trop émotif avec une subalterne. Il craint d'être ridicule. Avec elle aussi, Jérôme se trouve trop dépendant, réagissant trop intensément.

Avec Julia, sa fille de 5 ans, c'est merveilleux. Il est son papa adoré. Elle ne cesse de le cajoler et de rechercher sa présence (comme son fils aîné le faisait quelques années auparavant). Il aime cet enfant à la folie. En sa présence, il est aux oiseaux. Parfois, il a peur qu'elle grandisse.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, Jérôme vit des sentiments analogues avec ses animaux. C'est un amoureux des chevaux. Il a eu longtemps un étalon et une jument dont lui et son épouse s'occupaient beaucoup à l'époque où il avait encore des loisirs. Dans son fort intérieur, Jérôme désire être aimé de ses bêtes. Il lui est arrivé souvent de tolérer des comportements dangereux de sa jument, pour ne pas "être bête" avec elle.

À son grand désarroi, il vit quelque chose de semblable avec le chat de la maison. Ce dernier, comme beaucoup de moustachus du genre, ne daigne même pas remarquer sa présence. S'il allonge la main pour le flatter, systématiquement l'indépendant félin file en douce. Il se prend à haïr cet animal! Sa solution: il l'ignore autant qu'il peut et se jure de n'avoir plus jamais de chat.

En psychothérapie, par contre, c'est le bonheur, comme avec sa fille Julia. Dans ce cadre, un homme (que Jérôme estime) l'écoute, prend en considération ce qu'il vit, l'aide à trouver des solutions qui lui conviennent réellement. Ce lieu devient une sorte de refuge. Il y vient chaque fois avec plaisir, même si le travail qu'il y fait est parfois pénible. Là, il avoue qu'il éprouve un grand bien "à être considéré pour ce qu'il est", "à avoir une place". Malgré tout, c'est pour lui une faiblesse d'avoir autant besoin de cela.

Jérôme, on le devine, ne veut pas voir la fin de sa psychothérapie. On peut penser qu'elle s'éternisera, par compensation, si le thérapeute ne l'aide pas à dénouer ce qui fait problème dans ses relations.

On ne s'étonne certainement pas maintenant de savoir que Jérôme est déprimé. Cet homme qui pourrait paraître comblé n'obtient pourtant pas ce qu'il souhaite tant: "être quelqu'un d'important pour les gens qui ont de l'importance pour lui". Et, qu'il le veuille ou non, cela le fait souffrir énormément.

On ne s'étonnerait pas non plus d'apprendre que Jérôme est tombé amoureux fou d'une femme pour qui il a l'impression d'être tout et qu'il songe à tout quitter pour partir avec elle... comme un certain roi, Édouard VIII, l'a fait autrefois au grand étonnement de tous... comme plusieurs hommes se tiennent sur leur garde de peur que cela leur arrive.


C. Caractéristiques des histoires de noeuds


L'histoire de Jérôme pourrait être celle de chacun d'entre nous, à quelques variantes près. Nos histoires de relations difficiles ont en effet les caractéristiques suivantes:

-l'existence d'une frustration se manisfestant dans diverses zones de notre vie
-une certaine conscience de ce que nous recherchons
-un entêtement indéfectible à garder le silence sur le besoin que cache nos demandes ou nos reproches à l'autre
-des ruptures ou des coupures émotionnelles
-une tentative de survivre dans la relation, même si on a l'impression de s'y vider (ou la tendance à se trouver, à répétition, dans une relation où on vit quelque chose d'analogue)
-la persistance du besoin, malgré tout ce que l'on fait pour s'en débarrasser.


La description de ce que vit Jérôme révèle la présence de ces caractéristiques. Voyons cela plus en détail.

En prenant un certain recul, Jérôme constate une similitude de frustration qu'il éprouve dans presque toutes ses relations importantes. Il s'aperçoit aussi que les relations qui le rendent heureux sont justement celles où l'inverse se passe, comme avec sa fille et son psychothérapeute.

Comme Jérôme s'autorise à ressentir les divers sentiments qu'il éprouve dans ses relations, même si ceux-ci sont parfois pénibles, il est capable de cerner ce qui lui manque avec certaines personnes et ce qui le comble avec d'autres. Une certaine introspection lui permet d'identifier un dénominateur commun: sentir qu'il a de l'importance pour ces personnes.

Pour Jérôme, comme pour la plupart des personnes, un tel désir est inavouable. Jugée infantile, cette quête place Jérôme en situation de vulnérabilité par rapport aux personnes dont il attend une réponse. Il est donc juste de dire que Jérôme peut être très ébranlé sur ce sujet. Par exemple, lorsque l'importance qu'il souhaite ne lui est pas accordée, il est généralement triste. Lorsqu'il a la place qu'il souhaite, il est rempli et content. Il est vrai également que les personnes qui ont une telle importance pour lui ont le pouvoir de le blesser autant que de le réjouir. Jérôme a raison de se trouver dépendant de ces personnes.

Comme Jérôme, l'impasse à laquelle on aboutit nous fait parfois l'impression d'un noeud gordien. Or, on se rappelle le fameux geste d'Alexandre le Grand qui voulu relever le défi de dénouer le lien inextricable d'une série de noeuds si compacte que ni la réflexion ni la vue ne permettait de saisir d'où partait cet entrelacement et où il se dérobait. Le brillant Alexandre lutta longuement contre le secret de ces noeuds. N'arrivant pas à trouver le fil par lequel dénouer l'inextricable, il sortit son épée et rompit toutes les courroies.

Découragés et impuissants, c'est le choix que nous faisons. La rupture peut être physique: on cesse de fréquenter la personne. Mais on peut demeurer en relation avec la personne et rompre le contact émotif. On voudrait bien que d'une manière où de l'autre le tour soit joué: être débarrassé du problème.

Cette célèbre solution est la plus courante que j'aie rencontrée dans les entreprises. En fait, c'est la seule qu'on applique aux conflits de personnalité, à ce que je sache. On sépare les personnes impliquées. Cette issue coûte parfois très cher pécuniairement, mais c'est la meilleure que les dirigeants puissent envisager car on ne comprend pas comment naissent ces conflits. Bien entendu, on ne sait pas sur quelle corde tirer pour dénouer le problème quand le noeud est devenu si serré que la situation est invivable pour les individus impliqués ainsi que pour leur entourage.

Trancher le noeud gordien est aussi la solution que l'on choisit dans certains cas où nos amis ne nous conviennent plus. Les individus les plus portés sur l'expression tenteront une ou deux explications. Les autres mettront fin au lien. D'une manière drastique ou en filant à l'anglaise, la solution est la même: on cesse la relation pour se débarrasser du problème, ou de la personne-problème (la plupart du temps, on pense que l'autre est le problème). Souvent, on agit ainsi parce qu'on ne sait que faire d'autre. Mais parfois, on a tellement enduré longtemps l'insatisfaction qu'on ne veut même plus chercher comment régler le problème!

Devant l'impossibilité de dénouer la situation, avec chaque personne chez qui il "frappe un noeud", Jérôme choisit la solution d'Alexandre le Grand: trancher la sangle au-dessus du noeud. Il ne rompt pas la relation mais c'est tout comme: il s'éloigne de sa femme, cherche à s'insensibiliser devant son fils, prend ses distances face à son patron, souhaite le départ de sa secrétaire, ignore le chat autant qu'il peut. Jérôme cherche à effectuer une rupture émotionnelle.

L'autre solution de Jérôme: occulter son besoin. Pour cela, il lui faut rompre le contact avec lui-même. Il le fait en contestant continuellement son besoin: "je suis trop dépendant", "mon besoin est infantile". Il le fait aussi en refusant de tenir compte de son besoin autrement que de la manière vaine à laquelle il a recours continuellement. En effet, on voit que Jérôme répète le même comportement, même si celui-ci s'avère inutile. Il donne des explications à sa secrétaire, fois après fois, même si cela ne donne rien. Il a fait de nombreuses scènes à sa femme, même après s'être rendu compte que cette méthode était inefficace. Après un certain temps, usé, il choisit de laisser faire. Cette décision ne le satisfait pas davantage car il renonce ainsi à répondre à son besoin.


Certaines personnes quittent plus que d'autres. Celles qui quittent, dans une situations comme celle où se trouve Jérôme, reproduisent typiquement le même schéma dans une relation subséquente. Et cela, quel que soit le type de relation interrompue: relation amoureuse, de travail, etc. On comprendra, à la lecture des articles subséquents, pourquoi on emprunte systématiquement la même structure de comportements.

Jérôme demeure dans ses relations même si elles sont grandement insatisfaisantes. Il est remarquable également qu'il reste constant à la fois dans sa frustration et dans son choix de solutions. En effet, il résiste constamment à faire connaître son besoin. Si on peut comprendre sa pudeur à le faire avec sa secrétaire, on s'étonne toutefois de sa résistance à le faire avec son épouse. On constate que même avec elle, il garde cette position inébranlable.

"L'essentiel n'est visible qu'avec le coeur" faisait dire St-Exupéry au Petit Prince. Or Jérôme ne veut pas parler de coeur à coeur. Il a trop peur. Toutefois, il veut que les autres ouvrent leur coeur pour le comprendre.

En fait, ce n'est pas parce que Jérôme se refuse à montrer son besoin que ce dernier disparaît. Ce n'est pas non plus parce qu'il cherche à l'occulter qu'il se dissout non plus. Au contraire, l'aspiration à être quelqu'un pour l'autre reste présente. Plus Jérôme en est conscient, plus il se rend compte que cette préoccupation est omniprésente.


D. Conclusion: réactions à l'impasse


On le voit dans l'exemple, on l'expérimente dans notre vie, la façon typique de composer avec les noeuds de nos relations conduit à l'impasse:

les gens autour de nous ne changent pas, mais ils demeurent tout aussi importants pour nous;

même si nous décidons d'abandonner notre recherche et de renoncer à la satisfaction, on se surprend à la continuer inconsciemment (Jérôme est déçu malgré lui de l'absence de reconnaissance de son patron et de l'ignorance du chat à son égard);

si on cherche à s'adapter à la situation insatisfaisante, on vit malgré nous une insatisfaction. Il s'ensuit des sentiments de tristesse et de colère qui se transforment parfois en dépression plus ou moins intense.

Devant l'impasse certains ont la réaction de se décourager: ils perdent confiance dans la possibilité d'avoir des relations réellement satisfaisantes. D'autres perdent confiance en leur capacité d'établir des relations. Ils se pensent handicapés psychologiquement. Certains, enfin, n'en finissent plus de poursuivre une recherche, cherchant conseil dans les livres, les experts, les diverses expériences de croissance personnelle.

Pourquoi est-ce si difficile de trouver les réponses? Pour trouver la clé qui permette de délier les noeuds de nos relations, il faut d'abord comprendre comment ces noeuds se forment. Pour ensuite dénouer ces situations interpersonnelles intenses, il faut maîtriser certaines habiletés à composer avec notre expérience émotive. "

alors alors ?? comment on fait pour s'en sortir ???? :shock: :? à suivre 8) :wink:
méditons déjà là dessus... :wink:

:jap:
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par lise » Dim 15 Mai 2011, 11:08

merci Briséis,
toujours intéressant ! et utile
bon dimanche :)
Toujours au rendez-vous
 
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par briséis » Sam 21 Mai 2011, 09:26

1.vivre heureux à deux
2.transfert et droit de vivre
3.querelles et chicanes dans le couple
4.fuir ou affronter ses difficultés
5.Apprendre à m'aimer (Sortir de la dépendance affective)
6:Transfert et conquête de l'autonomie
7. Vouloir changer son conjoint
8.Reconnaître les vrais besoins
9. Être victime ou non
10. Deuils et séparations
11.Les impasses du deuil
12.Ne vous séparez jamais sans...
13. La confiance en soi
14. Le transfert dans les relations


15. Aux sources du transfert


Par Michelle Larivey, psychologue


Résumé de l'article

C'est dans nos relations les plus importantes, avec les personnes souvent les plus précieuses pour nous que nous développons une manière d'être qui produit des noeuds. Ces noeuds durcissent parfois au point de devenir incontournables. Le fait de ne pas les dénouer nous amène à des échecs ou à un forme d'adaptation où notre vitalité est laissée pour compte.Comment se forment ces noeuds ? Pourquoi existent-ils ? Quel est le rôle qu'ils peuvent jouer dans notre vie et notre développement psychique ?


Table des matières

A. Introduction: les deux racines des noeuds
B. Le besoin de se développer
Devenir soi-même: la conquête d'une vie
Nos premiers pas: avec nos parents
C. Les expériences incomplètes
Ressenti ou expression
La recherche d'harmonie
D. Comment se forment les noeuds?
Les noeuds: des expériences incomplètes
Les noeuds: des tentatives de développement
E. Conclusion



A. Introduction: les deux racines des noeuds

Dans ce texte, j'ai présenté ce que j'appelle "les noeuds" que nous rencontrons constamment dans nos relations les plus importantes. Ces noeuds se manifestent sous la forme d'insatisfactions chroniques devant lesquelles on a une impression d'impuissance. Nous butons régulièrement sur ces difficultés. C'est pourquoi je leur ai donné le nom de "noeuds".

Ces noeuds qui nous étouffent et nous empêchent d'avancer autant qu'on le voudrait, prennent racine dans deux genres d'expériences. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ils proviennent de nos tentatives de relever des défis de croissance personnelle. Ils proviennent aussi des expériences émotives du passé que nous avons négligé de vivre complètement.

L'objectif de cet article est de vous faire comprendre pourquoi il en est ainsi. Il s'agit de phénomènes naturels simples, au fond, mais il faut les comprendre pour arriver à démêler ce que l'on vit. Je fournirai donc quelques pistes qui permettront aux intéressés, de faire une auto-évaluation de leurs comportements qui engendrent des noeuds dans leurs relations. Commençons par quelques notions préalables qui contribueront à augmenter notre perspicacité.




B. Le besoin de se développer


1- Devenir soi-même: la conquête d'une vie


Durant toute notre vie, nous cherchons à nous développer. À travers son échelle de besoins, le psychologue Abraham Maslow a bien décrit cette réalité psychologique. Cette démarche consiste essentiellement à devenir soi-même. Cela veut dire, devenir de plus en plus capable de respecter ses besoins et ses valeurs et cela, devant qui que ce soit. Une fois cette liberté atteinte, nous nous consacrons à la raffiner.

Le besoin de se réaliser s'incarne à travers différentes préoccupations. L'exemple de Jérôme illustre bien la présence d'une préoccupation constante qui se manifeste partout dans sa vie. Les préoccupations se modifient à mesure qu'on avance. En d'autres termes, une fois la question réglée, une autre préoccupation émerge qui nous permettra de faire un autre pas.

Si nos préoccupations demeurent inchangées, sur une longue période de temps, ce n'est pas parce qu'on est borné ou encore anormal, comme plusieurs le pensent, c'est plutôt que nous ne sommes pas encore parvenus à relever le défi de cette conquête. C'est essentiellement parce que nous nous y prenons mal pour y parvenir.

Ces préoccupations de développement surgissent de l'intérieur. Elle n'ont rien à voir avec les exigences de changement qu'on s'impose ou que notre entourage cherche à nous imposer. Elles prennent la forme de diverses questions. Voici quelques exemples fréquents.

"J'ai peur d'approcher les femmes qui m'intéressent. C'est désespérant pour moi car j'ai l'impression que je ne pourrai jamais partager ma vie avec quelqu'un qui répond à mes aspirations."

"Je n'ai pas confiance dans les hommes. J'aime mieux vivre ma vie avec des femmes. Les hommes ne me manquent pas, mais j'aimerais tout de même être plus confortable avec eux."

"Je pense que je ne suis intéressante pour personne. Je m'isole et m'organise mais je souffre énormément de solitude."

"Ma relation de couple n'est pas satisfaisante. J'ai peur de tout faire éclater si j'en parle. Alors j'endure, mais je ne sais pas combien de temps je pourrai le faire."

"La critique me tue. J'aime mieux éviter de m'exposer que risquer d'être jugé. J'en souffre, car je n'ai jamais de reconnaissance."


Certains de ces problèmes illustrent la difficulté d'être soi-même et de tenir compte de ses désirs et aspirations. Les autres démontrent la difficulté de respecter ce qui nous importe, devant ou avec d'autres. Ces deux difficultés représentent l'essentiel du défi du développement de soi. Ce développement est l'affaire d'une vie, mais c'est tous les jours que nous y sommes confrontés. C'est à travers la plupart de nos occupations que nous parcourons ce chemin et principalement au contact des personnes qui sont significatives à nos yeux. Nous commençons cette construction de notre personne dès notre apparition au monde. Nous la continuerons notre vie durant.


2- Nos premiers pas: avec nos parents

C'est avec nos parents, ou ceux qui les ont remplacés, que nous faisons nos balbutiements dans ce sens et que nous acquérons nos premiers outils de développement personnel. Nous progressons en nous adaptant aux conditions fournies par notre milieu ainsi qu'au style particulier des personnes qui sont importantes pour nous à ce moment-là. Ainsi, la capacité d'être soi-même et de se respecter au contact des autres, est tributaire de plusieurs facteurs. Il serait inutile de tenter de les énumérer tous. Il suffit de comprendre que lorsque nous arrivons à l'âge adulte nous avons un certain chemin de fait dans la direction de devenir nous-mêmes mais il nous reste encore beaucoup à faire. Voici deux exemples typiques.

"J'ai l'impression de ne pas exister pour mes parents et que mes tentatives pour obtenir leur attention s'avèrent vaines. Je prends donc l'habitude de m'effacer et je conserve le message que je ne vaux pas la peine. Je m'abstiens le plus souvent de déranger en étant convaincue qu'il n'y a pas de place pour moi. À la longue, je développe, par rapport à moi, la même attitude que celle de mon entourage: j'accorde peu d'importance à ce que je veux et à ce que je désire. Je ne trouve pas que je vaux la peine d'essayer d'obtenir ce qui m'importe. De fait, je n'essaie même plus de l'obtenir. Ainsi je ne développe pas la capacité de me mobiliser pour obtenir ce que je veux dans la vie. De plus, comme il serait souffrant de désirer en vain, à répétition, je fais en sorte de n'avoir pas trop de désirs. Pour diminuer mes désirs, j'essaie de ne pas trop ressentir. Cela m'arrange d'autant plus que ce que je ressens se résume souvent à de la tristesse. Je me coupe de moi-même."


"Je suis le centre d'attention de mes parents, recevant continuellement le message que je suis extraordinaire du seul fait que j'existe. C'est avec une toute autre attitude que j'aborde le monde. Il m'est facile de me considérer important, mais je souffre lorsqu'on ne m'accorde pas d'emblée un statut spécial. Gagner l'estime est quelque chose que je ne connais pas. Cela m'est dû. Faire ma place est aussi une chose qui m'est inconnue. Non seulement on doit me l'accorder, mais on doit m'accorder la première. Je suis incapable de souffrir la plus légère critique, habitué que je suis à ce que tout ce que je fasse soit considéré extraordinaire. Mes rapports avec les autres sont difficiles à plusieurs égards."

Nous arrivons à l'âge adulte en ayant atteint un certain niveau de développement. Nous avons également une certaine conception de ce que c'est qu'être une personne adulte et cette conception nous sert de guide. Nous possédons aussi un bagage d'outils: capacité de contact avec soi, de ressentir nos émotions, de les exprimer. Comme nous avons appris "par oreille", à l'occasion de relations avec des personnes qui avaient leurs propres difficultés de développement, il est normal que notre équipement soit incomplet. À cause de cela, il n'est pas étonnant que nos tentatives de développement soient souvent erratiques. Il n'est pas surprenant non plus que l'on doive vivre le même scénario à répétition avant d'arriver à comprendre ce qui se passe et à trouver des solutions satisfaisantes.

Par ailleurs, au cours de nos tentatives de développement nous accumulons inévitablement des expériences incomplètes. Leur présence jouera aussi un rôle dans la formation des noeuds relationnels. Voyons d'abord ce qu'on entend par "expériences non finies".



C. Les expériences incomplètes


1- Ressenti ou expression


Il s'agit essentiellement d'un vécu affectif qui n'a pas été "digéré" ou assimilé, qui demeure comme "en suspens" dans notre mémoire psychique. Ce vécu est incomplet en ce sens que les émotions n'ont pas été ressenties ou exprimées complètement. Bien entendu lorsque les émotions ne sont pas entièrement ressenties il est impossible de les exprimer ou encore de poser une action qui en tienne compte totalement. Le fait de faire avorter ainsi ces expériences est une sorte d'accroc à notre équilibre émotionnel. C'est pour cela que l'organisme ne peut le tolérer. Cette notion est loin d'être évidente. Elle mérite des explications. Mais commençons par une analogie, celle de la digestion.

La digestion est un processus en plusieurs étapes. Les étapes sont constantes et le but est toujours le même: l'assimilation de l'aliment. Cette assimilation a pour but de nourrir l'organisme, pour son maintien ou pour sa croissance.

Les expériences affectives ont une fonction identique. Elles nous nourrissent psychiquement et contribuent à nous construire. Comme la digestion, l'assimilation psychique se fait à l'intérieur d'un processus dont chacune des étapes est indispensable. Une première étape cruciale dans ce processus est celle qui consiste à ressentir les émotions. Si cette étape est vécue complètement, elle entraîne automatiquement d'autres étapes. C'est le fait de passer à travers toutes ces étapes qui nous permet de bien tenir compte de la manière dont nous avons été atteints. C'est ensuite, par nos gestes et nos paroles, que nous arriverons à nous respecter. Voici d'abord un exemple d'expression contenue.

"Il m'est arrivé souvent d'être ridiculisé lorsque j'étais jeune. J'étais gros, j'en avais honte et je fondais littéralement lorsque ceux qui se disaient mes copains se moquaient de moi. J'avais beaucoup de peine. J'étais humilié et parfois, quand ça durait trop longtemps, je devenais enragé. Je ne leur montrais aucun de mes sentiments. Je baissais la tête et j'attendais que cela finisse. Aujourd'hui, quand j'y pense, je leur en veux encore. Dès que je perçois de la moquerie dans les propos de quelqu'un, la moutarde me monte au nez. Mais encore, je n'ose rien dire."

Voici maintenant un exemple de ressenti incomplet.

"J'ai perdu ma mère au début de l'adolescence et elle me manque depuis ce temps-là. J'avais si peur de cette peine qui m'apparaissait sans fond, que je m'en distrayais autant que je pouvais. Je pense que j'ai enterré ma sensibilité dans les livres et dans mes études. Aujourd'hui, je pense encore souvent à elle. Je ne veux pas avoir d'enfant de peur de les perdre ou de moi-même les abandonner comme ma mère a fait. En fait, tout attachement et toute séparation me font très peur."

Il n'y a pas que les expériences incomplètes du passé qui s'inscrivent en nous. Il nous arrive encore de le faire dans le présent. Certaines situations sont tellement intenses qu'il est difficile de se laisser les vivre entièrement du premier coup. La terreur dans le cas d'une agression, par exemple, est difficile à tolérer. Il faut parfois s'en couper pour être capable de faire ce qu'il faut dans la situation: se défendre, se sauver, etc... Dans certains contextes retenir nos réactions est une question de sécurité. Ce peut-être le cas si quelqu'un nous menace avec une arme.

Toute émotion repoussée resurgira éventuellement. Pourquoi en est-il ainsi?


2- La recherche d'harmonie

Tout être vivant recherche l'harmonie. C'est parce que le vécu en suspens constitue un accroc à son équilibre que l'organisme ne peut le tolérer. Il le garde donc en mémoire et le fait resurgir à la première occasion similaire.

Comment reconnaître une émotion qui surgit du passé? Typiquement, l'émotion ou la réaction signalant une expérience non finie est plus intense que la situation actuelle ne l'exigerait. Quand on se dit qu'on réagit trop fort, quand on trouve notre réaction étrange, quand notre interlocuteur est très surpris, il y a des chances qu'une partie de notre réaction s'adresse à une situation antérieure.

"J'ai une peine démesurée à l'occasion de la mort de ma belle-mère. Je pleure, à travers le deuil présent, la perte de ma mère que je n'ai pas pleurée complètement."

"Je revis, devant l'attitude hautaine de la fille de mon conjoint, les mêmes émotions que devant les sarcasmes répétés de ma soeur aînée durant toute ma jeunesse. J'ai la même réaction spontanée de cacher ma rage derrière une grande froideur et de couper le contact avec elle."

"Chaque critique me ravage comme le faisaient celles de mon père. Je me rappelle encore avec une certaine douleur que même lorsque je tentais de me dépasser je n'échappais pas à la dureté de son perfectionnisme. Comme dans le passé, je ne laisse rien paraître de ma réaction."


Dans ces exemples, les personnes sont aux prises avec des expériences de leur passé qu'elles n'ont pas assimilées. Elles se sont empêchées de ressentir complètement combien elles étaient atteintes ou elles ne se sont exprimées que partiellement. L'apparition de la réaction liée au passé est une précieuse occasion d'intégrer enfin cette expérience. À chaque fois, cela permet d'augmenter notre équilibre.

Nous avons maintenant une idée plus précise de ce qu'on appelle expériences incomplètes. Voyons comment elles contribuent à former des noeuds dans nos relations actuelles.



D. Comment se forment les noeuds?


Souvent nous souffrons de nos sentiments pour les autres. Nous voudrions vivre autre chose ou être autrement. Souvent nous ne sommes pas libres d'être nous- mêmes. Souvent nous avons des réactions qui nous semblent trop fortes ou infantiles. C'est à tâtons que nous passons à travers ces expériences émotives en cherchant à "être normal". C'est justement en se forçant à "vivre ce qui n'est pas" et à "réagir autrement qu'on réagit" qu'on tisse nos noeuds ou les renforce.


1- Les noeuds: des expériences incomplètes

Les expériences incomplètes doivent être complétées. Il faut profiter de toutes les situations où elles surgissent pour le faire. Mais ce n'est pas ce que l'on fait généralement. Comme on ne comprend pas la pertinence de leur apparition, on cherche à s'en débarrasser. Ce faisant, on répète sensiblement le même scénario que les fois précédentes.

a) Repousser de nouveau son sentiment

"J'ai vécu beaucoup de séparations, tout au long de mon enfance. J'ai du quitter ma grand-mère qui était comme une deuxième mère pour moi. À plusieurs reprises, j'ai été séparée de mes amis parce que le travail de mon père l'appelait à des mutations. Ma meilleure amie d'enfance est morte de la leucémie alors qu'elle avait six ans. Ce ne sont là que quelques exemples des multiples déchirements que j'ai vécus. Je me souviens d'avoir pleuré, d'en avoir souffert. Depuis des années, toutefois, je pleure en visionnant un film où des gens qui s'aiment doivent se séparer, où des animaux qui sont liés doivent être éloignés les uns des autres."

Suis-je détraquée, anormale? Non, tout ça est parfaitement normal. Mes pleurs sont un réflexe pour ajuster ma vie émotive. Je pleure maintenant ce que je n'ai pas pleuré complètement autrefois. Il en sera ainsi tant que je n'aurai pas versé toutes les larmes que j'ai retenues dans mes multiples séparations.

Par ignorance, par gêne, on cherche à faire cesser ces émotions inattendues. Au mieux, on cherche à contrôler leur débit pour les vivre "au compte-gouttes" plutôt que d'ouvrir le "barrage". Le résultat c'est qu'il nous faut beaucoup plus de temps pour en venir à bout.

b) Inhiber de nouveau son expression

Pour d'autres expériences incomplètes, c'est l'expression qui a été inhibée. On pourrait dire que nous sommes "restés pris avec" car aucun geste ou aucune parole ne nous a permis d'aller au bout.

"J'ai subi les nombreux sarcasmes et mauvais traitements de la part de ma soeur aînée sans faire autre chose que de me replier sur moi-même avec ma peine et ma rage. Lorsqu'elle ou d'autres me font des choses semblables aujourd'hui, j'ai tellement de peine et de rage que je n'ose pas réagir. Tout au plus je laisse paraître que je ne suis pas contente."

Pour compléter le vécu du passé et pour ne pas continuer d'accumuler les expériences incomplètes, je devrais réagir aux situations actuelles en respectant intégralement l'intensité de mes sentiments. Cette ouverture me permettrait d'identifier "à qui d'autres" s'adresse cette réaction qui m'étonne. Mais ce que nous faisons le plus souvent c'est de réagir en étant conscients de l'exagération de notre réaction, mais sans savoir quoi faire d'autre. Certains le font même beaucoup: ils "ventilent" régulièrement leurs réactions sur leur entourage. Réagir sans plus de conscience ne leur permet toutefois pas de dénouer les expériences passées.


2- Les noeuds: des tentatives de développement


Nous sommes continuellement occupés à conquérir la capacité d'être nous-mêmes et de nous respecter dans nos relations avec les autres. Cette démarche de développement, toutefois, ne se fait pas en ligne droite ni sans heurt. Elle se fait, au contraire, à travers beaucoup d'obstacles. Les échecs de notre enfance proviennent à la fois de nos capacités déficientes à composer avec notre vie émotive et des réponses de ceux qui nous entouraient. Ces deux types d'obstacles nous ont conduits à des noeuds relationnels. Si nous continuons de relever nos défis de croissance de la même manière que nous le faisions avec eux, nous rencontrerons les mêmes noeuds. Mais la force de développement des êtres vivants est vive. Les moyens que nous prenons pour réussir ce que nous n'avons pas réussi dans le passé sont parfois étonnants.

a) Répéter la situation

(1) Rechercher des situations similaires


Sans en être vraiment conscients, nous cherchons à nous trouver dans des situations qui vont nous permettre de réussir ce que nous n'avons pas réussi antérieurement.

Jérôme qui a tant besoin d'exister pour quelqu'un afin de confirmer sa valeur, choisit, comme épouse, une femme qui ne semble pas très douée pour lui donner ce qu'il cherche. Elle est très indépendante et valorise l'indépendance. Elle est peu expressive et peu sensible aux besoins de Jérôme. En ce sens, elle ressemble beaucoup à la mère de ce dernier: une femme affairée qui s'impatientait devant le moindre besoin d'attention de son fils.

(2) Sauter sur l'occasion

Les besoins de croissance sont si impérieux que l'on dirait qu'on est doté d'un sonar qui détecte ce qui est susceptible de nous toucher dans des situations qui apparemment ne le devraient pas. C'est ainsi qu'on s'attache à des détails, à des choses secondaires. À cause de cela, les personnes impliquées sont souvent très surprises de notre réaction.

Mon ami me fait un compliment. Je suis insultée. Je suis choquée par son ton qui me semble moqueur. J'y vois donc une critique plus qu'un compliment. Il est abasourdi."

"Le groupe d'étudiants auquel j'enseigne est très intéressant et stimulant. L'un d'entre eux, toutefois, me cause beaucoup de soucis car il n'a jamais l'air intéressé. Quoi que je fasse, il me regarde d'un air hautain et critique. Il m'empoisonne la vie. C'est au point que c'est toujours avec beaucoup d'angoisse que j'entre dans cette classe."


(3) Transformer les relations

À la longue, par notre façon de réagir on réussit à changer le climat de la relation. Ce faisant, on provoque l'autre à réagir comme on a besoin qu'il réagisse pour nous retrouver dans la situation initiale qu'on a besoin de résoudre.

"La femme que j'ai épousée était douce et aimante. Après quelques années elle est devenue acariâtre. Que s'est-il passé? Il me semble que je me retrouve à vivre avec ma marâtre de belle-mère. En fait, bien que son affection m'ait attiré, j'étais incapable de la recevoir. J'ai été avec elle aussi fermé qu'avec la femme de mon père qui me détestait. Mon épouse a beaucoup tenté de me faire parler, m'ouvrir. À la longue elle s'est découragée de réussir. Petit à petit elle a pris ma fermeture comme un manque d'amour à son égard. Elle est frustrée. Elle m'attaque de plus en plus vigoureusement. Je me renferme de plus en plus. J'ai l'impression de revivre le passé. J'ai l'impression que notre couple est détruit."

"J'étais certaine que cet homme ne serait jamais violent avec moi. C'est pour cela que je l'ai choisi. Il n'avait jamais levé le petit doigt sur personne. Pourtant, à certains moments avec moi, il devient hors de lui et me frappe. Je m'aperçois que j'ai avec lui la même attitude passive et hostile que j'ai eue dans mes relations antérieures avec les hommes qui m'ont battue. Il dit qu'il ne peut me rejoindre quand j'ai cette attitude et qu'il n'y arrive qu'en étant violent."


Pour un oeil aiguisé, il est évident qu'à travers ces péripéties nous recherchons à créer des situations qui sont susceptibles de nous permettre d'évoluer. Nous cherchons à nous placer dans la situation qui nous permettra de relever le défi de croissance que nous n'avons pas réussi à relever encore. Dans chacune de ces situations nous évoluons au moins un peu. Nos progrès reposent sur la manière dont nous utilisons ces situations.

b) Répéter les mêmes comportements

Nous faisons des efforts pour nous trouver dans une situation suffisamment semblable à celle qui nous permettrait de relever des défis de développement. Malheureusement ces efforts sont en quelque sorte annulés par le fait que même si nous réussissons à recréer cette situation, nous nous conduisons d'une manière identique à ce que nous avons toujours fait.

(1) Jérôme

Jérôme se préoccupe de sa place dans plusieurs de ses relations. Il se contente de constater son manque et de profiter des situations où son besoin était comblé. Jérôme s'accommode de ces situations, comme il l'a toujours fait, même petit. Il s'organise, par ailleurs, pour avoir une vie intéressante. Son leitmotiv: ne pas compter sur les autres et sur leur affection.

(2) Jasmine

Comme elle l'a fait jadis avec sa mère et continue de le faire, Jasmine passe sa vie à faire des pieds et des mains pour éviter les critiques, la désapprobation et le rejet. Pour elle, l'approbation des autres est le signe qu'elle est "correcte". Elle désire tant cette approbation qu'elle réagit souvent à ce sujet avec des personnes qui ont peu d'importance dans sa vie. La postière qui hausse le ton en lui laissant entendre qu'elle devrait connaître le prix d'un timbre, la met dans tous ses états. Sa réaction: s'expliquer longuement pour prouver qu'elle n'est pas "si bête qu'on pense." Comme elle fait toujours avec sa mère, elle se justifie.

(3) Olivier

Olivier vit avec sa fiancée et son associé des sentiments semblables à ceux qu'il vit depuis toujours avec sa mère. Une certaine peur d'être critiqué et le sentiment omniprésent de ne pas être à la hauteur. Il agit avec ces personnes comme il a toujours agi avec sa mère. Il subit leur attitude autoritaire en rageant intérieurement et en se dévalorisant d'agir ainsi. Olivier a presque toujours l'impression de vivre dans un étau. Il a quitté plusieurs femmes avec lesquelles la relation avait bien commencé parce, qu'à la longue, il étouffait. Il s'aperçoit qu'il est attiré par les femmes qui sont capables de s'affirmer mais constate qu'il est incapable de s'affirmer devant elles. Il s'efforce toujours d'être à la hauteur sans jamais y parvenir. Il tente donc plutôt de passer inaperçu, s'effaçant, faisant passer ses besoins après ceux de l'autre.

Ces trois personnes se plaignent de ne pas avancer bien qu'elles fassent de constants efforts. Pourquoi n'avancent-elles pas? Pourquoi n'arrivent-elles pas à se vivre pleinement et à se sentir bien avec les personnes importantes de leur vie? Voici quelques autres raisons qui contribuent au maintien du "statu quo."

c) Attendre que l'autre change

Jérôme, Jasmine et Olivier continuent d'agir de la même façon comme s'ils s'attendaient à ce qu'un déclic se produise et qu'un changement survienne. Ce changement, ils attendent qu'il se produise chez les autres.

Jérôme pourrait dire: "si un jour ils pouvaient se rendre compte de ma valeur et la reconnaître, je serais enfin comblé".

Si Jasmine livrait ses pensées intimes, elle dirait probablement: "si un jour ma mère m'acceptait enfin telle que je suis, si les gens cessaient d'être critiques à mon égard, je pense que je pourrais vivre détendue et enfin heureuse".

Quant à Olivier, on l'imagine souhaiter "que toutes les personnes devant lesquelles il est si difficile pour moi de m'affirmer deviennent plus douces et acceptantes. Je pourrais alors enfin avoir droit à l'erreur".

Souvent convaincus que la solution réside dans un changement chez les autres, on attend cette transformation. Non seulement on l'attend, mais on essaie de la provoquer. Obnubilé par l'effet que l'autre nous fait, on a peu de disponibilité pour l'introspection qui pourtant pourrait nous révéler d'autres solutions.

d) Demeurer inconscient de ses besoins

La concentration sur l'autre nous permet d'éviter de jeter un regard lucide sur ce que nous vivons dans ces noeuds. La plupart du temps nous sommes peu conscients des besoins qui sont à l'origine de nos efforts. Toute notre énergie est concentrée à obtenir que l'autre agisse d'une façon qui nous convienne. Si nous devenons inventifs quant aux moyens d'être satisfaits, c'est pour imaginer toutes les façons dont l'autre pourrait enfin régler notre problème. C'est ainsi que nous passons parfois nos "commandes" à nos proches qui refusent ou s'empressent d'obtempérer. Qu'ils acceptent ou refusent ne contribuera pas à défaire le noeud. La situation sera peut- être moins tendue, mais elle engendrera souvent d'autres difficultés relationnelles.

Occulter nos besoins et focaliser sur le comportement de l'autre présente un avantage: on est moins forcé de s'impliquer. Mais au total, les désavantages sont beaucoup plus nombreux.

e) Cacher sa dépendance

On préfère ne pas être en contact avec nos besoins car ils témoignent de notre dépendance. Il est souvent difficile d'admettre qu'un autre a une immense importance pour nous cela, même quand il s'agit d'un conjoint ou d'un parent. Lui avouer c'est se rendre vulnérable. L'idée de dépendance fait peur. Beaucoup d'auteurs et de pseudo- psy nous encouragent d'ailleurs à cultiver cette crainte. C'est donc souvent en se basant sur leur rationnel boiteux qu'on cherche à dissimuler notre dépendance.

Pour dissimuler l'importance de l'autre et de notre besoin nous devons prendre des distances ou faire des "joutes inter personnelles" qui nous permettent de nous cacher. Parfois nous choisissons de nous durcir. Ce faisant, nous n'exprimons souvent qu'une partie de notre vécu, celui sur lequel nous nous sentons en contrôle. L'expression incomplète de tout vécu important, nous l'avons vu, conduit à des noeuds ou les perpétue. Se cacher à soi-même et cacher à l'autre ce que nous vivons d'important à son égard est un des moyens les plus efficaces de tisser des noeuds dans lesquels enchevêtrer nos relations.



E. Conclusion


Tant que la raison d'être des noeuds nous échappe, on les considère comme des encombrements dont il faut se débarrasser en évitant les sujets "brûlants" ou en se séparant des personnes avec lesquelles on les vit. Une fois qu'on comprend leur raison d'être, ils peuvent devenir des occasions recherchées pour relever un défi de croissance. Pour réussir ces défis toutefois il est important d'identifier ses façons de contribuer aux noeuds. C'est d'autant plus important que chacun des partenaires a ses propres noeuds dans la relation. Il nous reste ensuite à nous outiller psychologiquement pour les dénouer et retrouver la vitalité qui y est emprisonnée.
Bénévole
 
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par briséis » Lun 06 Juin 2011, 09:40

1.vivre heureux à deux
2.transfert et droit de vivre
3.querelles et chicanes dans le couple
4.fuir ou affronter ses difficultés
5.Apprendre à m'aimer (Sortir de la dépendance affective)
6:Transfert et conquête de l'autonomie
7. Vouloir changer son conjoint
8.Reconnaître les vrais besoins
9. Être victime ou non
10. Deuils et séparations
11.Les impasses du deuil
12.Ne vous séparez jamais sans...
13. La confiance en soi
14. Le transfert dans les relations
15. Aux sources du transfert


16. Les joies du transfert

Par Michelle Larivey , psychologue


Pour bénéficier de cette lecture il est préférable d'avoir lu les deux articles suivants par le même auteur:
"Le transfert dans les relations"
"Aux sources du transfert"
vous trouvez en italique les exemples qui illustrent cet article, pour simplifier votre compréhension; vous allez certainement vous reconnaitre (je vous le souhaite) puisqu'il nous concerne tous...



Table des matières

Introduction
A- La résolution du transfert
En quoi consiste la résolution du transfert
Les conditions nécessaires à la résolution
Les résistances inévitables
B- Un exemple de résolution de transfert
Prise de conscience et acceptation progressive du besoin
Exploration du transfert
Conclusion




Introduction



Le transfert a mauvaise réputation. Aux yeux de la plupart des gens, il est symbole de frustration et de conflits insolubles. Loin d'être associé à une possibilité de plaisir ou de satisfaction, on le vois en général comme une impasse dont la seule issue est la résignation.

En Auto-développement, nous avons une toute autre vision de ce phénomène. Nous considérons le transfert comme la manifestation d'une force de croissance et le travail de résolution que nous proposons accélère significativement le développement psychique des personnes qui le réalisent. L'expérience nous enseigne en outre que le transfert peut être l'occasion de plaisirs très intenses et de profondes satisfactions. Ce plaisir est le sous-produit de l'intensité émotionnelle que permet l'expression directe du besoin jusque-là renié. La satisfaction de remplacer les précautions défensives par un contact réel où on se respecte intégralement est une plénitude qui peut, lorsqu'on obtient en plus la réponse à notre besoin, friser l'extase.

En outre, comme la résolution du transfert équivaut à la récupération de notre capacité de combler nos besoins affectifs et d'y prendre plaisir, c'est un contrat de jouissance assidue que nous signons avec nous-même en y travaillant.


A- La résolution du transfert


1. En quoi consiste la résolution du transfert

Fondamentalement, la résolution du transfert est un travail d'expression. Contrairement à ce qu'on croit souvent, il ne suffit pas d'en examiner les manifestations et d'en retracer les origines pour le résoudre. Il faut avant tout réussir à se respecter ouvertement dans une situation équivalente à celle où on s'était renié pour obtenir ou conserver l'amour d'un parent.

Ce respect intégral de nous-même devant une personne qui représente notre parent est l'ingrédient essentiel au succès. C'est à travers une expression authentique que nous y parvenons.

2. Les conditions nécessaires à la résolution

Le comportement stéréotypé caractéristique du transfert sert surtout à éviter de nous compromettre tout en attendant une réponse à notre besoin que, selon nous, l'autre devrait satisfaire. La frustration qui en découle nécessairement engendre de nombreux conflits qui débouchent typiquement sur des impasses et des ruptures. La plupart de ces dernières ne seraient plus nécessaires si on savait reconnaître et résoudre ses transferts.

Mais le changement nécessaire n'est pas facile à imaginer. Il faut souvent un encadrement thérapeutique pour arriver à se le représenter. Dans bien des cas, l'aide du psychothérapeute est aussi nécessaire pour fournir les instruments et le soutien nécessaires à la démarche. Enfin, l'apport du psychothérapeute est utile pour explorer les résistances qui viennent constamment nous déstabiliser et nous éloigner de notre objectif principal.

Dans cette section, je vais énumérer les conditions nécessaires sans trop les élaborer. C'est dans la section suivante que je vais les illustrer plus complètement.


Le contact au lieu du comportement stéréotypé


La résolution du transfert repose sur le remplacement des comportements transférentiels stéréotypés par un contact réel. Essentiellement, cela exige que nous devenions expressifs de notre besoin réel.

Il faut ici faire la distinction entre faire une demande et exprimer le besoin. Par exemple, demander de l'attention, des fleurs, ou une caresse ne révèle aucunement le besoin que ces gestes sont appelés à combler. L'expression du besoin ressemblerait plutôt à ce qui suit:

Ton amour me fait sentir importante, aimable. J'ai l'impression d'avoir davantage de valeur parce que toi qui pourrais avoir dans ta vie toutes les femmes que tu souhaites, tu m'aimes moi et tu m'as choisie, moi.

Comme l'illustre cet exemple il est beaucoup moins compromettant de faire une demande concrète (réclamer un geste particulier) que de révéler le besoin affectif qui en est la source. Il est normal que nous ayons tendance à nous en tenir à la demande ou même au comportement stéréotypé qui exprime notre frustration. Non seulement l'expression du besoin nous rend-elle plus vulnérable, mais elle exige en plus une attention soigneuse à notre expérience pour identifier ce besoin affectif avec précision.


Prendre son besoin en charge

Le succès dans la résolution du transfert repose sur la qualité de notre expression et non sur l'obtention d'une réponse satisfaisante à notre besoin. C'est pour cette raison que nous devons absolument demeurer responsables de notre démarche. En tout temps l'expression du besoin et les demandes pour obtenir satisfaction doivent demeurer entre nos mains, notre responsabilité. Nous verrons plus loin de quelle manière il est possible d'assumer concrètement ces importantes responsabilités.


Assumer les vrais risques

Lorsque nous prenons notre besoin en charge, nous devons assumer divers risques pour parvenir à le satisfaire. Il est souvent tentant de chercher à les contourner, même si cette méthode nous conduit à coup sûr dans une impasse où nous ne pouvons obtenir ni la satisfaction désirée, ni l'épanouissement qui résulterait de la résolution de notre transfert.

Nous avons habituellement tendance à éviter surtout les risques suivants: perdre la face, se ridiculiser, être jugé comme infantile, immature et même malade, déranger, être rejeté, se sentir trop vulnérable, vivre trop d'intensité émotive ou plonger dans l'inconnu.
Ce sont tous des risques réels, des suites possibles à notre expression, donc des motifs plausibles pour continuer à nous renier devant les personnes auxquelles nous accordons le plus d'importance.

Même si tous ces risques existent, nous ne pouvons éviter de les prendre si nous voulons évoluer dans notre transfert. Ce sont les mêmes risques que nous avons tenté d'éviter lorsque nous étions enfants et devant lesquels nous continuons de reculer dans notre vie adulte. Perpétuer cet évitement ne peut que maintenir l'état inconfortable dans lequel nous nous trouvons. En reculant devant ces risques, nous sommes condamnés à demeurer affectivement un enfant; un être incapable d'assumer ses besoins affectifs devant ses parents.

Les droits d'exister que nous procure la résolution du transfert exigent en effet que nous puissions nous respecter entièrement, envers et contre tout. Tout raccourci à cet égard nous prive de la liberté qui résulterait d'une véritable résolution de notre transfert.


Jouir de l'assouvissement "en contact"


Lorsque nous recevons une réponse à notre besoin, il est capital de jouir de la satisfaction qu'elle nous procure. Comme nous sommes aux prises avec des besoins longtemps négligés et généralement frustrés, il s'agit la plupart du temps d'un plaisir intense. Pour assumer vraiment ce que nous sommes, il est alors important de vivre ce plaisir ouvertement et de l'exprimer en contact avec notre interlocuteur.

Mais il arrive souvent que d'autres émotions prennent alors une place importante (en plus du plaisir ou même avant que ce dernier n'appraisse). Ces réactions sont imprévisibles; il peut s'agir, par exemple, de tristesse, d'attendrissement ou de colère. Elles font partie de l'expérience et il ne faut pas négliger de les éprouver à fond ni de leur accorder une place adéquate dans notre expression.

Il en est de même des émotions déclenchées par des gestes que nous n'avons pas recherchés. Ce sont un peu comme des cadeaux pour lesquels nous n'avons eu à faire aucun effort particulier. Cette fois, le risque consiste à oser manifester l'importance qu'ont ces gestes pour nous et à recevoir ouvertement ces satisfactions inattendues. Il peut s'agir, par exemple, d'un compliment, d'un geste affectueux, d'une manifestation de reconnaissance. Si ce geste touche notre besoin, il est important de faire une place à l'expression de notre satisfaction car celle-ci nous permet de faire un pas de plus dans la résolution de notre transfert.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier les diverses satisfactions qui viennent du fait que nous avons pris le risque de nous dévoiler, de nous exprimer, d'oser être ouvertement ce que nous sommes intérieurement. Elles méritent d'être vécues pleinement non seulement parce qu'elles sont agréables, mais aussi parce qu'elles rendent les prochains risques un peu plus faciles.



3. Les résistances inévitables

Le transfert est à la fois une extraordinaire possibilité de croissance et une immense résistance. En effet, il renferme un énorme potentiel d'évolution à la condition que nous choisissions la voie de sa résolution. Il est un tremplin important parce qu'il permet à la fois d'assumer des besoins affectifs fondamentaux, de devenir capable de les combler et de compléter une grande quantité d'expériences inachevées.

Mais par ailleurs, le comportement transférentiel est constitué d'attitudes et de gestes dont la raison d'être principale est défensive. Au départ, il vise à nous protéger de ce que nous pourrions ressentir et à éviter la responsabilité de voir à notre satisfaction. C'est dans ce sens qu'il doit être considéré comme un amas de résistances même si, au fond, il est un produit de notre tendance actualisante, toujours à la recherche d'une solution plus complète et plus harmonieuse..

La résistance est inhérente à toute démarche de croissance, mais elle est encore plus importante dans la résolution du transfert. Cette dernière est en effet une entreprise difficile parce qu'elle demande qu'on se compromette, qu'elle exige de créer un contact de haute qualité et qu'elle suscite un grand sentiment de vulnérabilité. C'est pourquoi chacun a nécessairement recours à ses mécanismes de défense préférées pour se faciliter la tâche dans cette exigeante démarche.

Les résistances les plus typiques dans la résolution du transfert sont celles qui touchent les conditions essentielles au succès. Ainsi nous avons tendance à nier, à camoufler ou à déguiser notre besoin, nous sommes portés à attendre passivement (sinon avec hostilité) une prise en charge par l'autre, nous sommes vivement tentés de neutraliser nos réactions lorsque nous recevons une réponse (inattendue ou même activement recherchée à travers des risques assumés).

Ces résistances réapparaissent irrégulièrement tout au long de la démarche de résolution. Elles sont inévitables et on ne peut que les reconnaître, les accepter et les explorer si nécessaire. Nous verrons comment dans l'exemple concret d'exploration qui constitue la section qui suit.

B- Un exemple de résolution de transfert


Devenue consciente de son transfert sur son mari, Josiane décide de travailler à le résoudre. Depuis trop longtemps elle constate avec chagrin que leur relation s'étiole; elle compte donc sur cette démarche personnelle pour la transformer. Ce qui la fait le plus souffrir c'est de se rendre compte qu'elle fonctionne comme une automate (elle a l'impression qu'il en est de même pour son mari). Elle est aussi inquiète du fait qu'elle devient vite désabusée lorsqu'elle ne s'occupe pas à divers projets. Bref elle a elle-même l'impression de stagner tout comme sa relation avec Jules.


Cette étape préliminaire est nécessaire: la résolution du transfert doit s'appuyer sur une conscience claire de l'existence d'un transfert. Il faut non seulement savoir que la relation est de nature transférentielle (plutôt que la relation adulte réelle qu'elle prétend être); il faut également accepter ce fait comme une réalité (plutôt que d'en contester l'existence).


1. Prise de conscience et acceptation progressive du besoin

Aller chercherUne fois le transfert découvert en tant que réalité psychique expliquant les événements importants dans la relation, on peut décider de travailler activement à sa résolution. Le premier pas dans cette démarche consiste à découvrir quels sont les besoins en cause et à les accepter.

Josiane a découvert qu'un besoin affectif particulier était toujours présent dans sa relation avec son mari. Elle veut absolument qu'il l'aime pour se trouver aimable, pour être à ses propres yeux une personne valable. Séduite par une méthode qui lui promettait une existence plus vivante si elle faisait place à ce besoin et prenait en charge sa satisfaction, elle entreprend de travailler à la résolution de son transfert.

Malgré sa conscience nouvelle, elle a du mal à accepter son besoin. Elle regimbe souvent, le qualifiant "d'infantile", invoquant l'impossibilité de changer le passé, la difficulté de se laisser voir ainsi sans se ridiculiser, etc...

Durant une longue période, seul le regard imperturbable de son thérapeute sur la légitimité de ce besoin l'aide parfois à quitter sa résistance. Et chaque fois qu'elle y consent, elle s'attendrit; elle s'en émeut parfois au point de pleurer.


C'est peut-être le premier plaisir éprouvé dans la résolution de ce transfert. Il provient en partie de l'arrêt de la résistance, mais il est surtout issu du consentement à être elle-même, un consentement qui se concrétise ici dans l'acceptation de ce besoin qui lui est propre.

À cette étape de notre développement (il en sera autrement une fois le droit à l'existence conquis), il faut une bonne dose de courage pour oser nous afficher dans un tel état de vulnérabilité affective. Mais il s'agit le plus souvent de la projection sur l'autre de nos propres objections. Il n'est pas rare que le conjoint se montre surpris mais pas nécessairement fermé (surtout s'il est bien informé sur la nature du transfert). Comme nous le verrons plus loin, c'est justement en faisant connaître à son mari la présence de son transfert que Josiane décide de briser sa propre glace. Mais je voudrais d'abord préciser en quoi consiste l'exploration puisque cette méthode est essentielle à une véritable résolution du transfert.


2. Exploration du transfert

En quoi consiste l'exploration du transfert


Pour bien comprendre l'exploration du transfert, il faut d'abord distinguer l'exploration et l'introspection. Dans le domaine psychique, ces notions sont souvent considérées comme des équivalents. Voyons ce qui les distingue et en quoi cette différence est importante.

L'exploration est une méthode de découverte de soi ainsi qu'une activité qui favorise l'évolution personnelle. Du point de vue de la découverte, elle se distingue de l'introspection par son caractère actif. Elle poursuit le même but: mettre à jour les expériences présentes et passées qui ont une influence sur notre vie actuelle. Mais tandis que l'introspection se heurte à la limite inévitable des souvenirs, l'exploration ajoute l'action actuelle et son effet sur l'expérience immédiate. C'est cette action qui permet non seulement de faire resurgir au présent des expériences émotionnelles enfouies, mais aussi d'en examiner les diverses facettes à travers des événements qui n'avaient jamais eu lieu auparavant.

L'exploration repose donc sur l'expérimentation consciente en vue de découvrir des avenues jusque-là inconnues et de nouvelles possibilités permettant d'actualiser un potentiel de vie. C'est à cette double fonction que l'exploration est consacrée dans le processus de résolution du transfert. Nous verrons, à travers le développement de notre exemple, quelles formes peut prendre cette exploration et quels avantages indéniables elle procure.


D'abord informer son conjoint


Craintive mais fermement décidée, Josiane lui explique qu'elle a transposé sur lui les attentes qu'elle avait autrefois à l'égard de son père. Elle va même jusqu'à dénoncer ses propres façons d'agir, les moyens indirects auxquels elle a recours pour obtenir son attention et des preuves de son amour. Elle souligne en particulier ses façons de le punir lorsqu'elle ne reçoit pas les compliments, la réassurance, l'affection ou encore les avances sexuelles qu'elle souhaite, etc...

Elle lui annonce ensuite le travail qu'elle veut faire pour résoudre ce transfert. Elle insiste particulièrement sur le fait que la responsabilité de sa satisfaction repose entièrement sur elle et qu'il n'est aucunement obligé de lui donner ce dont elle a besoin. C'est par conviction plus que par goût, après avoir longuement hésité, qu'elle ajoute avec insistance qu'il ne l'aiderait aucunement dans sa démarche en tentant de lui faciliter les choses, notamment en essayant de deviner son besoin et prenant les devants pour y répondre.

Le fait de réussir à dépasser son orgueil mal placé pour poser un geste aussi important procure immédiatement à Josiane une grande satisfaction et un plaisir réel. Elle éprouve une certaine fierté d'avoir osé prendre le risque d'être jugée négativement par la personne qui compte le plus dans sa vie. Son estime d'elle-même s'en trouve immédiatement rehaussée.



Exploration et expérimentation

Contrairement à ce nous souhaitons chaque fois que notre résistance prend place, un transfert ne se résout pas d'un seul coup. Le manque qui alimente la relation transférentielle ne date pas d'hier et sa durée lui a permis parfois de devenir énorme. Nous avons également perdu de nombreuses occasions d'exprimer notre besoin et de (peut-être) recevoir les manifestations tant recherchées. Ces frustrations et ces opportunités gaspillées à l'âge adulte pendant que nous répétions un comportement stéréotypé viennent s'ajouter à celles de notre enfance.

Nous sommes donc chargés d'une expérience incomplète pour chaque situation où nous avons négligé de nous occuper de notre besoin en contact direct avec notre parent où avec ses substituts. Les multiples expressions faites dans le cadre de la résolution du transfert permettront de compléter ces situations; une étape nécessaire pour nous permettre de retrouver l'équilibre affectif. (Voir "Aux sources du transfert".)

Mais il est impossible d'avoir accès d'un seul coup à tout ce vécu où notre expression est demeurée incomplète, où nous avons omis de prendre les risques qui s'imposaient. Même l'introspection la plus approfondie ne peut dévoiler toutes ces situations et tout le bagage d'expérience qu'elles comportent. Mais l'exploration active du transfert est susceptible de le faire car elle nous permet d'ajouter de nouvelles situations et de nouvelles expériences pertinentes qui s'appuient sur ce que nous avons déjà découvert.

Ce travail d'exploration active (incluant l'expression nécessaire) ne peut être déterminé à l'avance ni dicté de l'extérieur, par exemple par le psychothérapeute. Seule l'attention à notre expérience immédiate est capable d'orienter adéquatement ce travail. Elle permet d'identifier le vécu immédiat, qu'il s'agisse d'une expérience actuelle ou de l'émergence d'un vécu archaïque. C'est ce qui permet ensuite d'aider expérience à se développer et à se compléter à travers le processus de croissance.

Le transfert se résout donc à travers une série de boucles successives, chacune prenant la forme d'un circuit complet du processus de croissance. Voyons plus concrètement à quoi peut ressembler ce travail sur soi-même.

Josiane a décidé d'être plus attentive aux émotions qu'elle éprouve lorsqu'elle trouve que son mari ne lui porte pas suffisamment attention. Elle avait l'habitude d'ignorer ces réactions parce qu'elle les jugeait trop "infantiles". "Il n'est pas normal d'être jalouse de l'attention qu'il porte à sa fille... après tout elle est jeune et elle en a davantage besoin que moi." se disait-elle habituellement. Mais cela ne l'empêchait pas d'être froide avec Jules une fois sa conversation avec l'adolescente terminée.

Puis, choisissant un moment propice à l'intimité, elle lui avoue ces sentiments. "J'étais jalouse de la patience que tu manifestait en écoutant Élodie au dîner. Cela m'a rendue furieuse de voir que tu avais tout le temps pour elle alors que tu m'as expédiée cavalièrement ce matin lorsque j'ai tenté de te parler du bureau! J'ai l'impression de n'avoir pas d'importance à tes yeux; cela me fâche et en même temps me chagrine."

"Je sais que je suis quelque peu injuste. Tu es souvent disponible. Mais je n'y peux rien, c'est ce que je ressens. Je t'en veux comme j'en voulais à mon père d'être toujours là pour mon frère alors qu'il était évident que je ne l'intéressais aucunement."


C'est difficile de te dire tout ça, mais j'en suis quand même contente. Je suis soulagée de te révéler ce que je cache toujours. Car je suis souvent jalouse envers les autres personnes que tu aimes et qui prennent de la place dans ta vie."


Josiane exprime ici ce qu'elle éprouve tel qu'elle le vit. Elle fait maintenant, avec Jules, ce qu'elle n'avait jamais fait, autrefois, avec son père. Elle éprouve un certain plaisir à le faire. Le plaisir de s'occuper d'un vécu extrêmement important pour elle, celui d'être en contact avec elle-même et celui d'être totalement vraie avec son interlocuteur.

Elle pourrait fort bien adresser les mêmes propos à son père (que ce soit en personne ou en l'imaginant présent). C'est en étant attentive à ce qu'elle éprouve qu'elle peut vérifier si cette expression aurait réellement du sens pour elle maintenant. Il arrive assez souvent en effet que nous éprouvions le besoin de nous adresser aussi à notre parent réel. Il est important de suivre cet élan pour nous permettre de compléter notre travail de résolution.

Il est souvent arrivé à Josiane de pleurer en faisant l'amour avec son mari. Lorsqu'il s'en étonnait elle mettait cela sur le compte de sa jouissance ou encore de sa fatigue. Maintenant elle ose parfois lui avouer la vraie raison de son émotion: elle est bouleversée de se sentir autant aimée!

Cette révélation lui procure une grande satisfaction et le rapprochement avec son mari qui s'ensuit est un moment de bonheur inouï. Cela l'encourage à continuer de s'ouvrir ainsi.

Mais ce n'est pas la seule chose qui l'encourage à continuer. À travers ces nouvelles expériences elle découvre des aspects de son expérience qui n'étaient pas très clairs jusque-là et d'autres qu'elle ne soupçonnait même pas. Par exemple elle ne savait pas, avant de l'avouer à Jules, qu'elle était en compétition avec sa fille comme elle l'a été avec son frère pour l'attention de leur père. Elle ne savait pas non plus, avant de l'avouer ouvertement, qu'elle s'était déjà sentie aimée par son père. Un chaud souvenir d'être dans ses gros bras tendres l'a envahie sans qu'elle s'y attende. De ce souvenir est né une nouvelle expérience qu'elle est tentée de repousser tellement elle la trouve bouleversante.

Josiane est maintenant obsédée par l'idée de se faire prendre par son mari comme si elle était un bébé. Elle repousse évidemment cette idée en se disant qu'il n'est pas son père, que ce n'est pas le genre de relation d'un couple normal, qu'il va sûrement la mépriser...

Une fois l'idée un peu plus apprivoisée, elle décide, malgré sa peur, de lui faire connaître son idée obsédante (tout en étant bien déterminée à ne jamais mettre son désir à exécution). Secrètement, elle souhaite qu'il fasse les premiers pas et la prenne dans ses bras. Mais il ne le fait pas! Elle lui en veut et se ferme durant un certain temps.

Devant la difficulté, c'est le comportement stéréotypé qui revient comme manifestation de la résistance. Le premier défi relevé a fait surgir un nouveau manque qui devient à son tour une difficulté à surmonter. Si elle osait être expressive et s'exposer voici ce que Josiane pourrait dire au lieu de bouder.

"Sans te le dire je souhaitais que tu me proposes de me prendre et même que tu le fasses. Ce geste m'aurait prouvé que tu n'as pas d'objection à ce que je me comporte ainsi comme une enfant et cela m'aurait rassurée. Je t'en veux de ne pas me faciliter les choses!"

Josiane voudrait répondre à son besoin tout en minimisant les risques qui en font partie. Elle croit que si son mari faisait les premiers pas elle serait gagnante. Mais en réalité, cette réponse la priverait de tout succès possible.

Du point de vue de l'épanouissement de Josiane, nous devons en effet souhaiter que son mari ne réponde pas à son attente de faire les premiers pas. Ce n'est pas par incompréhension ou par cruauté que nous lui souhaitons cet échec. C'est parce que le fait de lui enlever son risque la priverait en même temps du bénéfice de son action. Même s'il est très important pour Josiane d'être enveloppée dans les bras de son père substitut, il est encore plus important qu'elle assume vraiment ce besoin. C'est le fait d'assumer son besoin plus que de recevoir l'affection désirée qui lui permettra de faire un pas dans la conquête de son droit à l'existence.


Josiane connaît bien, par ses lectures, ce principe fondamental de la résolution du transfert. Cela ne l'empêche pas de "faire une commande" à Jules. Elle lui demande d'être plus attentif à elle, de lui manifester plus régulièrement son affection, de la réconforter dès qu'il la perçoit soucieuse, etc...

Il s'agit d'une résistance astucieuse! En effet, Josiane peut affirmer qu'elle a fait la demande, donc qu'elle a pris la responsabilité de son besoin. En réalité, sa "commande" lui sert à éviter de s'impliquer chaque fois que son besoin apparaît. Elle remet ainsi à Jules la responsabilité d'identifier le besoin de sa femme et d'y répondre.

S'il est peu enclin à la docilité, Jules refusera certainement de se conformer à un tel ordre (et il en paiera probablement le prix). Il s'agit alors d'un refus instinctif qu'il serait habituellement incapable de justifier. C'est au psychothérapeute que revient alors la charge de confronter cette nouvelle résistance insidieuse et d'inciter son client à faire ses demandes chaque fois que le besoin émerge.


Josiane continue, à suivre le fil de son expérience dans les diverses ramifications de son transfert. Elle reconnaît ses réactions transférentielles avec d'autres personnes que son mari et il lui arrive de prendre le risque d'être expressive avec elles aussi. En général elle est contente de ce qu'elle expérimente. Elle est fière d'elle et heureuse de la découverte que chaque expérience lui apporte. Chacune de ces découvertes alimente sa démarche.



Conclusion


C'est ainsi que la résolution du transfert devient un peu comme une démarche permanente où de nouveaux développements viennent sans cesse relancer l'action. On croirait un téléroman à succès! Chaque pas réussi devient l'amorce d'un nouveau défi et l'expression ouvertement assumée de soi devient presque un mode de vie.

Les succès apportent de grandes joies qui sont suivies par de nouvelles craintes et un retour en force des résistances. Chaque étape va un peu plus loin que la précédente et élargit davantage les espaces de liberté dans la vie psychique de la personne. Et lorsque les progrès réalisés sont suffisants, les préoccupations de la personne se mettent à changer; d'autres défis, d'autres interlocuteurs, d'autres besoins, ... un autre besoin transférentiel à combler, un autre droit à conquérir."
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par Naturaliane » Lun 06 Juin 2011, 10:00

merci :sauter:
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par zenattitude » Lun 06 Juin 2011, 10:03

et ben ca c'est de la lecture....
mais bien interressante ...
vu que j'ia plus que mon chien je lui transfere quoi ?
m'en vais raconter ca à mon père.... il sera content !! :lol:
Merci Briséis très interressant ton topo !
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par briséis » Lun 06 Juin 2011, 10:07

zenattitude a écrit:et ben ca c'est de la lecture....
mais bien interressante ...
vu que j'ia plus que mon chien je lui transfere quoi ?
m'en vais raconter ca à mon père.... il sera content !! :lol:
Merci Briséis très interressant ton topo !



les transferts ne se font pas que sur son conjoint : mais aussi sur les amis, sur les collègues, sur les supérieurs... ;-) (très intéressant avec les supérieurs; c'est un passage obligé !! tout manager devrait savoir que ses employés voient en lui une figure parentale, de façon quasi obligée...et agissent en fonction...B.A.BA du management... :wink: )
et ce n'est pas forcément un transfert sur quelqu'un du même sexe; on peut transférer sa mère sur son mari... :wink:
et tu peux rigoler, mais sur les animaux de compagnie que l'on a souvent tendance à humaniser quand on est seul avec (demande à mon chat :roll: :wink: ), ça marche aussi un petit peu... :wink: :lol:

bonne lecture!
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par Xiao_Bai » Mar 07 Juin 2011, 00:22

briséis a écrit:les transferts ne se font pas que sur son conjoint : mais aussi sur les amis, sur les collègues, sur les supérieurs... ;-) (très intéressant avec les supérieurs; c'est un passage obligé !! tout manager devrait savoir que ses employés voient en lui une figure parentale, de façon quasi obligée...et agissent en fonction...B.A.BA du management... :wink: )
et ce n'est pas forcément un transfert sur quelqu'un du même sexe; on peut transférer sa mère sur son mari... :wink:
et tu peux rigoler, mais sur les animaux de compagnie que l'on a souvent tendance à humaniser quand on est seul avec (demande à mon chat :roll: :wink: ), ça marche aussi un petit peu... :wink: :lol:

bonne lecture!


C'est les petites anecdotes dans ce style là que je préfère dans les articles et les livres de psycho :fullamour: :coeur: , même si ça peut sembler un peu réducteur par rapport au domaine entier de la psychologie :roll:

Aucun rapport avec les transferts mais puisqu'on parle de regards de vie je suis en train de lire "Aïe mes aïeux !" de A. A. Schützenberger, un ouvrage de référence sur la psychogénéalogie. Dans un passage du livre, elle évoque les liens transgénérationnels à propos des enfants d'immigrés ou issus de couples métissés et explique que :
- La première génération (le parent dit "étranger") reste très discrète voire timide sur ses origines ;
- La deuxième génération (l'enfant issu du parent "étranger") se francise au maximum ;
- La troisième génération (le petit-enfant issu du parent "étranger") cherche à exprimer ses différences et revendique ses origines étrangères.

C'est tellement évident pourtant je n'avais jamais pris conscience de ce schéma familial ! Peut-être que pour vous ça n'a aucun intérêt mais pour moi ça m'a marqué, on voit tous les jours des personnes qui vivent au quotidien ce "boomerang" des liens transgénérationnels sans forcément en avoir conscience :? Y'a qu'à aller dans les cités voir le nombre de petits-enfants issus de la vague d'immigration des Trente Glorieuse qui se revendiquent fortement issus de telle nationalité parfois sans même avoir mis les pieds au pays :nsorry: Vachement intéressant. Bref, j'adore ! :coeur:

Sinon comme d'hab' supers articles Brisouille :jap: merci de nous permettre de faire une réflexion sur nous-même :oursmimi:
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par briséis » Mar 07 Juin 2011, 07:24

:lol: :lol: de rien ! :wink:
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par briséis » Ven 24 Juin 2011, 12:12

1.vivre heureux à deux
2.transfert et droit de vivre
3.querelles et chicanes dans le couple
4.fuir ou affronter ses difficultés
5.Apprendre à m'aimer (Sortir de la dépendance affective)
6:Transfert et conquête de l'autonomie
7. Vouloir changer son conjoint
8.Reconnaître les vrais besoins
9. Être victime ou non
10. Deuils et séparations
11.Les impasses du deuil
12.Ne vous séparez jamais sans...
13. La confiance en soi
14. Le transfert dans les relations
15. Aux sources du transfert
16. Les joies du transfert


17. Résoudre son transfert

Par Michelle Larivey , psychologue


Table des matières

Introduction
A. Les résistances à la résolution du transfert
B. Qu’est-ce que résoudre un transfert?
Ce n’est pas
La résolution du transfert
C. Les étapes de résolution du transfert
Reconnaître la présence du transfert (en prendre conscience)
Identifier le besoin
Exprimer les reproches
Distinguer la demande du besoin
Exprimer le besoin au bon interlocuteur
Pendre le besoin en charge
D. Comment faire
Conclusion



Introduction

Chaque personne a une histoire unique et une manière originale de la vivre. Il est impossible de prédire exactement la démarche de résolution du transfert pour chaque individu. Mais nous pouvons expliquer en quoi elle consiste et comment elle se déroule typiquement. C’est l’objet du présent article.

Dès le début d’une relation amoureuse, on peut identifier un besoin affectif important qui en est l’enjeu central. Ce besoin est toujours de nature transférentielle. Que la relation réponde ou non à ce besoin, elle peut toujours servir de terrain pour résoudre le transfert.

La résolution du transfert est une démarche simple, mais elle semble bien complexe à celui qui n’en connaît pas bien les étapes ou ne possède pas les habiletés nécessaires. En fait, c’est la démarche de développement personnel qui suscite le plus de résistances après celle du renversement du déni existentiel. Mais la personne qui le veut vraiment peut se servir abondamment des situations de la vie de tous les jours pour parvenir à sa résolution. Qu’elle bénéficie ou non de l’aide d’un psychothérapeute, une partie importante de la résolution doit se dérouler dans le contexte des relations qui tissent sa vie quotidienne.



A. Les résistances à la résolution du transfert


Nous sommes constamment à la recherche de situations interpersonnelles qui nous permettent de compléter les expériences laissées autrefois en plan. (Voir: “Le transfert dans les relations”.) Pourtant, nous entreprenons rarement de régler ces transferts. Au contraire, tôt dans la relation nous reprenons les comportements et les attitudes qui ont contribué autrefois à l’impasse dans laquelle nous sommes aujourd’hui. (Voir: “Aux sources du transfert”.)

Pourquoi en est-il ainsi? Pourquoi allons-nous jusqu’à répéter le même scénario d’une relation amoureuse à l’autre?


C’est d’abord par habitude que nous agissons de cette façon. Cette manière de faire est ancrée en nous parce que nous la répétons depuis notre tendre enfance. Mais il y a aussi une question de familiarité: nous sommes porté à demeurer dans ce que nous connaissons bien.

Si je suis quelqu’un qui tente de faire des exploits depuis toujours afin d’impressionner mes parents, je connais tous les rouages et les subtilités de cette tactique. Le recours à ce moyen pour conquérir le coeur de mon entourage et de mes amants est très facile pour moi. De la même manière, si je me suis toujours fait aimer en voyant au bien-être de l’autre, c’est ce moyen qui deviendra mon atout pour me faire aimer par un conjoint, mes employés ou mes enfants.

L’habitude et la familiarité conduisent rapidement à l’automatisme. C’est ainsi que ces comportements deviendront comme des réflexes bien ancrés en nous.

J’ai même l’impression qu’ils font partie de ma personnalité. Un peu plus et je croirai qu’ils sont innés ou même inscrits dans mes gênes. (Car il se peut que je me reconnaisse dans mes parents dont j’ai copié certains comportements.)

Mais il y a une autre raison qui explique la stagnation dans des relations transférentielles. Nos comportements stéréotypés servent de mécanismes de défense contre la vulnérabilité. Comme nous le verrons plus loin, le travail de résolution du transfert est exigeant de plusieurs façons au plan émotionnel.

D’abord, il nous amène à dévoiler notre intimité profonde, ce qui nous rend forcément vulnérable. Ensuite, il nous oblige à prendre des risques au plan affectif, en particulier celui d’être rejeté mais aussi celui d’être jugé et blessé. De plus, le travail de résolution du transfert entraîne des émotions intenses, chez nous et souvent aussi chez l’interlocuteur. C’est pourquoi, par désir de protection, nous optons pour le scénario habituel, même s’il est porteur de frustrations et nous conduit toujours à l’impasse. La relation est frustrante, mais nous demeurons en sécurité, évitant l’inconnu.

Je crois que des articles comme celui-ci ne peuvent réellement suffire pour amorcer une démarche de résolution du transfert. La résistance au changement est trop forte lors des premières tentatives. Mais c’est au démarrage du processus que cette difficulté est la plus importante. Une fois le travail commencé, les satisfactions obtenues fournissent l’énergie nécessaire pour continuer de prendre des risques et l’emportent généralement sur la peur.

B. Qu’est-ce que résoudre un transfert?



1. Ce n’est pas

La résolution du transfert se distingue de plusieurs autres types de travail thérapeutique sur le même phénomène. Elle vise à régler le problème en trouvant une réponse adéquate au besoin.

Elle ne peut être assimilée à l’analyse du transfert dans la mesure où celle-ci consiste essentiellement à le comprendre en profondeur. Cette stratégie conduit à une acceptation du vécu passé et des effets qu’il continue d’avoir sur le présent.

Elle diffère également d’une autre variante très répandue: la simple identification du phénomène. Dans ce cas, il s’agit de reconnaître une similarité entre le comportement présent (ou le scénario répétitif) et le comportement passé. On s’efforce également d’avoir conscience des enjeux sous-jacents dans ces relations.

Enfin, résoudre le transfert ce n’est pas le neutraliser. Il ne s’agit pas de décider rationnellement de ne plus laisser jouer son transfert en contrôlant ses émotions ou en se retenant de réagir.

Ainsi, un père peut se contenir afin de cacher à son fils que son rejet lui fait le même effet dévastateur que celui de sa mère autrefois. Bien que judicieux dans cette situation, ce contrôle ne lui permettra jamais de résoudre ce transfert. Pour le faire, il doit s’impliquer dans des relations où il prend le risque d’exposer son besoin sans se retenir à cause de ses responsabilités de père. La situation est analogue pour l’enseignant avec son élève, le psychothérapeute avec son client et, en général, pour toute personne en position de pouvoir.


2. La résolution du transfert

Un transfert résolu c’est un transfert terminé: il n’existe plus. Les indices pour s’en assurer sont différents selon la conquête réalisée.

Pour ce qui concerne la conquête du droit à l’existence, les signes apparaissent dans la capacité d’accueillir nos émotions et de reconnaître nos besoins. En ce cas, nous ne contestons plus leur existence mais les considérons plutôt comme une expression de nous, de nos caractéristiques personnelles. Notre vécu est devenu un aspect de notre vie avec lequel nous sommes en contact et qui nous sert continuellement.

Pour ce qui concerne le droit d’être distinct, le transfert est résolu si nous sommes capables d’exposer nos idées, exprimer nos émotions, être ouvertement nous-même, en nous assumant devant les réactions des gens. (Voir “Transfert et conquête de l’autonomie”.) Nous sommes alors capables d’être fidèles à nous-mêmes dans toutes les situations, même les plus exigeantes et avec les autorités les plus haut placées.


Il ne s’agit pas de nous convaincre de notre valeur, du droit d’être nous-même ou du fait que nous sommes extraordinaire. Il ne s’agit pas non plus de nous raidir pour que les jugements, les sarcasmes ou les autres réactions ne puissent nous atteindre.

Enfin, le signe de la conquête du droit d’être sexué est la capacité d’assumer entièrement notre sexualité devant les personnes des deux sexes. La femme n’a pas de crainte à se montrer sexuée devant une autre femme (rivale potentielle ou juge de son comportement) non plus qu’en présence d’un homme (amant potentiel ou père réprobateur). Elle peut l’être également en présence des deux. De la même façon, l’homme n’a pas d’inhibition à se présenter comme être sexué devant un autre homme comme avec une femme. Il peut aussi porter sa sexualité ouvertement en présence des deux sexes à la fois.

Dans ce cas, nous ne cherchons plus à nous faire confirmer comme être attirant sexuellement car cette conviction est maintenant acquise. De même, nous considérons notre désir sexuel et notre excitation comme des expressions légitimes de notre personne. Nous jouissons de notre plaisir sexuel autant que de notre expression comme être sexué dans nos rapports avec les gens. Nous connaissons nos goûts en matière de sexualité et nous sommes capables des les respecter.


Dans les trois types de transfert je parle de “conquête” car il s’agit véritablement de liberté que nous gagnons au fil des ans. Grâce au travail de résolution, nous reprenons possession du pouvoir d’être qui, autrefois, dépendait de l’attitude de nos parents et plus tard, de celle de leurs substituts.

Cette récupération ne se fait pas d’un seul coup. Nous y parvenons grâce à une série de tentatives d’expression authentique et en contact avec l’interlocuteur. Ce dernier peut être le parent lui-même ou un de ses substituts. Il y en a toujours dans notre entourage. ;-)

La résolution d’un transfert ne se passe donc pas dans notre for intérieur. Elle se produit grâce au contact interpersonnel tout comme l’impasse a été vécue, autrefois, dans le contact avec notre parent.

C. Les étapes de résolution du transfert


1. Reconnaître la présence du transfert (en prendre conscience)


Nous avons déjà vu dans le premier article de cette série quels indices signalent la présence du transfert. Le signe le plus évident est une réaction émotionnelle forte et disproportionnée par rapport à la situation.

nous avons vu que Thierry est très émotif par rapport à son professeur de physique. Lorsqu’il rêve qu’il est son fils et lorsqu’il se trouve en sa présence il vit des émotions intenses: immense contentement, énervement, désir d’être remarqué. Il peut réagir fortement aux marques d’attention mais aussi à leur absence.

Toutes ces émotions sont précieuses pour l’informer de ce qui se passe réellement pour lui dans cette relation. Il est donc capital qu’il les accueille et en les ressente à fond pour que cette information se précise.


2. Identifier le besoin


Le contact avec nos émotions d’aujourd’hui dans une situation semblable, déclenche des liens avec ce que nous avons vécu dans des relations antérieures. Petit à petit, le manque affectif qui nous hante se clarifie également. (Voir “La vie d’une émotion”.)

Thierry découvre, par contraste avec ce qu’il vit à l’égard de son père qui l’ignore presque totalement, son besoin d’être confirmé dans son existence. Dans son cas, il s’agit du transfert concernant le droit à l’existence. (Voir: “Transfert et droit à l’existence” )


3. Exprimer les reproches

La privation affective donne lieu a beaucoup de frustration, durant plusieurs années. Celle-ci provoque de la colère qui surgit habituellement sous forme de reproches.

S’il osait, Thierry reprocherait à son père de ne s’être jamais intéressé à lui, à ses études et à ses activités sportives. Il lui dirait combien il lui en veut de sa présence rarissime à ses compétitions d’athlétisme, là où il se défonçait pour gagner l’admiration de la foule (sans doute substitut de son père absent).

L’émergence de reproches est inévitable lorsque nous faisons place à nos frustrations. Il est très important de les accueillir dans notre expérience car sans cela il sera impossible de nous laisser aller, un jour, à l’expression du besoin. En effet, la colère contenue dans les reproches est incompatible avec l’attitude de vulnérabilité nécessaire à l’expression du besoin. Ces récriminations doivent être liquidées pour avoir accès au besoin dans toutes ses dimensions. La liste des reproches peut être longue dans la mesure où la frustration s’est accumulée pendant de nombreuses années.

Plusieurs personnes élèvent des objections considérables à l’idée d’exprimer leurs reproches. Au nom du fait que leurs parents ont fait de leur mieux (ce qui dans la plupart des cas est indiscutable), ils choisissent de repousser leur expérience. Cette rationalisation ne parvient cependant pas à éliminer le mécontentement. Elles demeurent donc bloquées et stagnent à cette étape de la résolution de leur transfert.

Il n’est pas nécessaire d’adresser nos reproches à notre parent lui-même. Mais il faut trouver le moyen de les exprimer. Il existe diverses façons de le faire. Par exemple les communiquer à la personne avec laquelle nous sommes en transfert. Les objections sont ici moins nombreuses même si cette solution apparaît comme un risque. Il est aussi possible de parler à notre parent en simulant sa présence. Dans ce cas, comme dans l’adresse à son substitut, il est nécessaire de laisser passer l’émotion de colère dans toute son intensité et d’exprimer la panoplie des reproches. En d’autres mots, il faut “vider son sac”.

Jusqu’ici, il n’est pas tellement question de plaisir, mais de soulagement et de l’impression fort importante de nous occuper d’un sujet capital de notre vie. Le plaisir sera lié plus directement aux tentatives pour assouvir le besoin.


4. Distinguer la demande du besoin

Je l’ai déjà mentionné, le travail de résolution du transfert suscite beaucoup de résistance. La principale consiste à accepter la vulnérabilité d’être en manque par rapport à un besoin que nous jugeons habituellement “infantile”. Il faut donc prendre le risque de changer notre image aux yeux de personnes dont nous désirons la reconnaissance. De l’adulte accompli “au-dessus de ses affaires”, nous devenons par le fait même l’adulte “ayant un besoin affectif criant”. Pour la plupart d’entre nous, il s’agit d’une humiliation à laquelle il est très difficile de consentir. Toutes les stratégies deviennent alors bonnes pour éviter cette situation. Y compris la détérioration d’une relation amoureuse pourtant prometteuse.

Nos résistances sont actives, voire envahissantes, mais la tendance actualisante ne renonce pas pour autant: nous tentons, même sans le vouloir consciemment, de résoudre nos échecs d’autrefois. Nous ne renonçons pas à satisfaire notre besoin, mais nous le déformons dans l’espoir de trouver une solution moins exigeante. Nous le traduisons en demandes de confirmations.

Dans le cadre de la quête du droit à l’existence, nous réclamons des marques d’affection (“embrasse-moi”, “dis-moi que tu m’aimes”, “montre-moi que tu me désires”). Nous attendons des gestes démontrant notre importance (qu’il m’offre des fleurs, qu’elle fasse des compromis, qu’il se sacrifie pour moi...).

Souvent ces demandes sont teintées de reproches (“il y a longtemps que nous n’avons pas fait l’amour, “tu es distant”, “tu ne penses qu’à toi”, “tu sais que j’aime les compliments et tu ne m’en fais jamais”). De toute évidence, la demande est moins compromettante que l’expression directe du besoin sous-jacent, mais elle l’est davantage que le reproche. En effet, accuser l’autre permet de concentrer l’attention à l’extérieur de notre point vulnérable. C’est plus sécurisant même si cela donne souvent lieu à des querelles. Cette tactique est complètement stérile du point de vue de la résolution du transfert tout comme l’est l’expression des demandes et des attentes.


5. Exprimer le besoin au bon interlocuteur

Avec l’expression du besoin, nous approchons du point crucial de la résolution du transfert, mais ce n’est pas encore ce qui produira le retournement que constitue la résolution. Ce qui produira le changement, c’est la combinaison de l’expression et de la prise en charge du besoin. Voyons en quoi consiste ce besoin.


Le besoin affectif

Nous avons l’habitude d’exprimer nos besoins dans des termes qui traduisent davantage la source de satisfaction que le besoin. Par exemple l’attention, les fleurs, le compliment ou même l’affection, ne constitue pas le besoin en lui-même. Ce sont des moyens par lequel notre besoin peut être comblé.

Ainsi, si je reçois l’attention d’une personne de laquelle je l’attends, ma valeur à mes yeux est rehaussée. Si celui dont je veux être aimé m’offre un présent, j’en conclue que j’ai une certaine importance pour lui. En fait, mon besoin c’est ce que le geste me procure et non le geste lui-même. Dans les exemples ci-dessus, j’ai besoin d’être confirmé comme être valable, comme être aimable.

Le besoin affectif est différent selon le genre de transfert en cause. Il est important de les distinguer pour orienter adéquatement l’action expressive qui permet la résolution.

Concernant la recherche du droit à l’existence, il est toujours question d’être reconnu en tant que personne valable, aimable, valant la peine qu’on s’y intéresse. Dans le cas de la recherche d’une identité distincte, il est toujours question de la liberté d’être soi-même sans perdre le contact avec l’autre.


Quant à la recherche d’une identité sexuelle, l’expression prend successivement diverses formes selon l’étape où nous sommes. Dans un premier temps, le besoin prend la forme d’une confirmation et appréciation comme être sexué. La recherche suivante porte sur la légitimité du désir sexuel, de l’excitation, du plaisir et de notre expression en tant qu’homme ou femme sexué. Enfin, nous recherchons notre manière propre de vivre notre sexualité ainsi que des partenaires qui nous conviennent. Dans cette exploration excitante mais difficile, c’est le support de la personne transférée que nous recherchons.


L’interlocuteur réel

Déjà, le fait d’exprimer notre besoin devant quelqu’un à qui nous reconnaissons le pouvoir de nous valider est un moyen puissant de mieux l’assumer et de reprendre nos droits sur ce besoin. Mais comme il n’a pas été assumé devant le parent concerné, nous ne parviendrons à en reprendre possessions que si nous l’exprimons à ce parent à travers notre interlocuteur. Nous verrons plus loin un exemple de la façon dont on peut réussir une telle expression. Bien entendu, il est également possible de nous adresser à notre parent “en personne” au lieu de son substitut.


6. Prendre le besoin en charge

C’est lorsque nous devenons actif dans la recherche de la satisfaction de notre besoin transférentiel que se produit le changement en profondeur caractéristique de la résolution du transfert. En effet, jusqu’à ce moment, nous avons été en quelque sorte la victime de l’action ou de l’inaction d’un parent et de ses sentiments à notre égard. Jusqu’à la tentative de résolution de ce transfert, nous sommes demeuré relativement passif quant à notre satisfaction. Nous avons tenu notre parent et ses substituts responsables de nous procurer la nourriture affective nécessaire.

Maintenant, nous devons non seulement prendre la responsabilité d’exprimer ce besoin mais aussi prendre l’initiative d’y répondre. En d’autres mots, prendre le risque de faire les pas nécessaires pour obtenir la satisfaction désirée. Nous verrons dans la prochaine section à quoi ressemble concrètement la prise en charge du besoin.


D. Comment faire



Thierry remarque une saveur familière dans sa relation avec son chef d’équipe: c’est encore la même admiration et la même dépendance qu’avec ses anciens professeurs. Mais cette fois, des les premières manifestations de son besoin, Thierry choisit d’être expressif. Prenant son courage à deux mains, il avoue à son supérieur immédiat l’admiration qu’il lui porte. Il ajoute qu’il est valorisé chaque fois que celui-ci lui porte attention ou s’intéresse à ce qu’il fait. Il lui déclare aussi qu’il aimerait avoir un père qui lui ressemble.

Thierry fait cette expression en contact: il regarde son chef pendant qu’il parle et il s’efforce de rester attentif à ce qu’il ressent. Il devient ému en cours de route et ne le cache pas. Comme il éprouve des émotions devant la manière dont son supérieur l’écoute et en réaction à la réponse de ce dernier, il les ressent et les exprime. Il demeure donc vivant pendant cette interaction.

Thierry profite de chaque occasion où il éprouve des émotions en rapport avec son besoin d’être confirmé comme être valable et aimable pour les exprimer à son supérieur. Par exemple, s’il se trouve ignoré et en est blessé, il l’exprime.

Comme il s’agit alors d’une répétition de ce qu’il a vécu avec son père (l’indifférence perçue par Thierry), les émotions sont souvent intenses et paraissent disproportionnées par rapport à l’événement (aux yeux de Thierry et de son interlocuteur). Il tient habilement compte de cette dimension en précisant à ce dernier que ça lui fait particulièrement mal parce qu’il s’agit d’une blessure qu’il a vécue à répétition avec son père.

En s’exprimant ainsi, Thierry agit tout autrement qu’avec son père. Il prend le risque d’exposer sa blessure et de faire voir son besoin, même si ces aveux le placent dans une position vulnérable. C’est grâce à cette différence que la résolution de son transfert est bien amorcée et promet de déboucher sur un succès.

Chaque fois qu’il fait une tentative de ce genre, s’il a l’impression d’avoir encore des choses à exprimer et que celles-ci concernent uniquement son père, Thierry revient sur son vécu dans son journal personnel. Il y écrit un billet à son père à propos de ce qu’il a vécu. Cette fois-ci il lui parle de cette vieille blessure qui revient depuis hanter ses relations avec les hommes auxquels il accorde plus d’importance. Il lui écrit ce qu’il ressent face à son indifférence passée et présente. Il ose prendre les mots qui traduisent exactement l’intensité de ses sentiments.

Ensuite, il imagine son père présent dans la pièce et lui lit à haute voix ce qu’il vient d’écrire. Et encore une fois, il demeure disponible aux émotions qui surgissent alors et les exprime à son père.

Parfois, lorsqu’il est particulièrement frustré, il lui arrive d’être envahi par une mer de reproches qu’il n’a jamais osé faire à son père. Il n’est pas capable de les lui adresser en personne. Mais il prend bien soin de le faire à travers son journal. Autant qu’il le peut, il tente d’exprimer ce qu’il ressent vraiment à propos de ces récriminations. Une fois son expérience bien cernée et formulée, il s’efforce d’adresser ces reproches à son père qu’il imagine devant lui, toujours à haute voix pour mieux ressentir ses réactions.

Thierry profite donc de toutes les occasions de ressentir et de s’exprimer sur ce sujet auprès des personnes qui prennent de l’importance par rapport à son besoin d’être confirmé comme être valable et aimable. Lorsque ces personnes lui apportent une confirmation de sa valeur, il leur communique sa réaction. Lorsqu’il attend une telle reconnaissance, il prend souvent le risque de leur dire en expliquant la valeur qu’il accorde à leur opinion. Car il s’agit habituellement de personnes qu’il admire ou qu’il trouve chaleureuses. Son chef d’équipe fait évidemment partie de ces personnes, tout comme son professeur de piano.

Il avoue aussi à ce dernier toute l’importance de l’attention et de l’affection qu’il reçoit. Lorsque l’affection du professeur se manifeste par des gestes sexuels, Thierry y consent uniquement si c’est ce qu’il désire lui aussi. S’il acquiesce, il reste en contact avec lui-même pour ressentir et l’exprimer. Aux moments où son besoin affectif est comblé, il en fait part en disant toute l’importance que cela revêt pour lui.

S’il ne consent pas aux rapports sexuels, il ose manifester clairement son désaccord et faire comprendre la nature de son besoin réel: celui d’affection. Le cas échéant, il exprime par la même occasion sa peur de perdre le contact avec son professeur s’il refuse de répondre sexuellement à son besoin.

Dans les deux cas, Thierry assume son besoin et le prend en mains. C’est aussi ce qu’il fait lorsqu’il prend l’initiative d’agir au moment où il éprouve lui-même un désir.

Ainsi, il fait les premiers pas pour obtenir l’accolade qu’il souhaite ou en augmenter l’intensité. Il demande au professeur de le prendre dans ses bras si c’est ce qu’il désire. Il manifeste son désir d’une étreinte si c’est le cas. Toujours, il s’efforce de demeurer en contact et expressif.

De cette façon, petit à petit, le grand manque éprouvé avec son père commence à être comblé. Ce qu’il vit maintenant ne change en rien à qu’il a vécu autrefois avec ce dernier. Ce qui change, avec le temps, c’est l’importance de son manque actuel. Mais le changement le plus important c’est la capacité qu’il acquiert de prendre en charge la satisfaction de son besoin.

Il est possible qu’un jour Thierry éprouve le besoin de s’adresser directement à son père. Dans ce cas, il choisira aussi de lui parler de ses véritables préoccupations et de le faire en contact.

Conclusion



C’est à travers une démarche de ce genre que nous pouvons trouver un nouvel équilibre même en ayant eu une enfance et une adolescence passablement carencées du point de vue d’un besoin affectif particulier. Mais pour l’obtenir, nous devons profiter de chaque occasion qui s’offre à nous pour vivre autrement nos expériences en rapport avec ce besoin. Essentiellement, il s’agit de faire ce que nous ne faisions pas au passé soit: ressentir nos émotions, reconnaître le besoin et nous exprimer complètement. Ces trois formes d’action psychique sont les ingrédients principaux qui nous permettent d’arriver un jour à éliminer le déficit.


Voici, en terminant, une image qui traduit bien comment la résolution du transfert se déroule.

J’ai, en mon for intérieur, un champ de mines émotionnelles. Ces explosifs sont constitués par des émotions importantes qui touchent mes besoins fondamentaux en souffrance. Au cours de mon enfance et de mon adolescence, j’ai enfoui certaines émotions dans mon champ expérientiel et les y ai en quelque sorte oubliées.

Depuis, divers événements les font éclater. Chacun est une nouvelle opportunité que m’offre la vie de déterrer l’émotion et vivre l’expérience complètement. À chaque fois que je le fais, je déterre une mine. Lorsque l’ensemble du champ est nettoyé, mon transfert est réglé. Alors, le type d’événement qui autrefois me bouleversait ne suscite plus de réaction excessive. Mes anciens manques ont fait place à des satisfactions que je suis capable d’obtenir.
Bénévole
 
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